Faya Milimouno : « Lorsque vous écoutez Alpha Condé et Cellou Dalein… »
CONAKRY- Alors que le ton monte entre Alpha Condé et Cellou Dalein Diallo à la veille de la présidentielle du 18 octobre, avec en toile de fonds des discours "guerriers", l'opposant Faya Milimouno appelle au sens de responsabilité. Dans une interview accordée ce lundi 28 septembre 2020, à Africaguinee.com, le leader du Bloc libéral flétrit les propos belliqueux appelant à la guerre. M. Milimouno revient également sur les "bisbilles" au sein de sa formation politique et de sa position par rapport à l'élection présidentielle du 18 octobre. D'autres sujets d'actualité ont ponctué cet entretien. Exclusif!!!
AFRICAGUINEE.COM : Onze ans après le massacre du 28 septembre les victimes attendent toujours justice. Quelle est votre réaction ?
FAYA MILIMOUNO : Nous vivons encore dans la douleur parce que cela fait 11 ans que les victimes attendent la justice qu’elles n’obtiennent pas. D’ailleurs, il n’y a aucune volonté. Cela déçoit davantage les Guinéens. Lorsque nous entendons les mêmes acteurs s’adressant aujourd’hui aux Guinéens, appelant carrément à la guerre, c'est décevant. Nous profitons de l’occasion pour présenter de nouveau les condoléances aux familles des victimes et promettre de continuer le combat à leurs côtés pour que justice soit faite. Parce que tant qu’il n’y aura pas la justice en Guinée, il n’y aura pas de paix. On n’a pas besoin de passer des heures à la mosquée ou à l’église en train de prier quand on sait exactement ce qui est contre l’implantation de la paix dans un pays. C’est un élément qui vient assombrir le bilan d’Alpha Condé.
En parlant des acteurs ayant fait appel à la guerre. A qui faites-vous allusion ?
Mais, c’est carrément les deux chefs de file. Lorsque vous écoutez Alpha Condé et Cellou Dalein Diallo que disent-ils ? Il faut qu’on fasse très attention parce que les gens pensent que le peuple de Guinée c’est des animaux sur lesquels on peut continuer à tirer simplement parce qu’on a besoin d’être dans un fauteuil. Il faut qu’à un moment donné qu’on s’arrête pour dire que les Guinéens sont des humains qui aspirent au bonheur et qui prennent des actes pour aller dans ce sens. Tous les actes posés par le peuple de Guinée courageusement ont été anéantis par l’intervention des politiques qui ne pensent qu’à être dans le fauteuil pour ne rien faire. Pour un pays aussi riche qui a 62 ans d’existence, on n’a même pas une adresse civique pour chacun de nous. On n’a ni routes, ni écoles dignes de ce nom, encore moins des hôpitaux. C’est pour cette raison que nous appelons à une autre offre politique. Nous appelons à une rupture d’avec tous ce que nous déplorons aujourd’hui.
Le Fndc appelle les Guinéens à manifester demain pour justement empêcher Alpha Condé de se présenter pour un 3e mandat. Cette manifestation a été interdite, vous appelez à la résistance. Ne peut-on pas craindre des nouvelles violences qui pourront entrainer d’autres victimes ?
Bien sûr, il peut y avoir des violences et des victimes. Il y a des peuples qui ont fait face à des épreuves très dures dans leurs combats pour le bien-être, pour préserver la dignité. L’exemple de l’Afrique du Sud qui avait une minorité blanche à la tête du pays et qui, à la moindre manifestation, c’est des cadavres qu’on comptait. Les sud-africains ne se sont pas arrêtés parce qu’il y avait des victimes sinon, nous n’aurions pas un Mandela président. Tout n’est pas encore rose en Afrique du Sud, mais il a fallu malgré ces épreuves très dures, ces victimes que le combat continue. Le combat pour le bien-être c’est un combat permanant.
C’est pour cette raison, les Guinéens doivent répondre massivement à l’appel du Fndc. La présidence à vie nous a coutés chère par le passé. Les Guinéens doivent se rappeler, si nous sommes tombés le 28 septembre 2009, là où nous nous sommes heurtés c’était en 2001 lorsque Lansana Conté malade et vieux, autour de lui, les gens ont transformé en lac ce pays. Il a modifié la Constitution pour un autre mandat. Le pays est allé en faillite.
Les années 2000 ont été des plus violentes de l’histoire politique. Nous ne voulons pas que les années 2020 soient les plus violentes encore de l’histoire politique de ce pays. C’est pour cette raison, nous avons choisi de continuer le combat en dehors de tout ce qu’on veut nous vendre de mascarade électorale pour continuer comme nous l’avons commencé jusqu’à empêcher Alpha Condé d’avoir un autre mandat.
Le Bloc libéral soutient-il un candidat à l'élection présidentielle du 18 octobre ?
Nous avons décidé de ne pas participer à ces élections. Et nous l’avons fait de manière responsable. Juste avant de répondre à votre appel, j’étais en train de publier un communiqué dans lequel le BL a rappelé à tous qu’il a organisé une consultation en son sein pour définir sa position vis-à-vis de la présidentielle du 18 octobre 2020. A l’issue de cet examen, il a été établi que la majorité des instances du parti ne voudrait pas y participer. De ce fait, cette décision a été rendue publique conformément à la règle en la matière. C’est pourquoi, le BL n’a pas donné et ne donnera pas de consigne d’alliance et encore moins de vote à ses militants et sympathisants.
Il reste entendu que toute action entreprise par un responsable ou un militant du parti doit être comprise comme relevant strictement de ses droits et devoirs citoyens qui n’engagent que l’intéressé. Partant, tout militant ou responsable du BL qui se permettrait d’associer le nom du BL à sa démarche personnelle en subira les conséquences disciplinaires. Nous rappelons que nous continuons notre combat au sein du Fndc. Nous ne faisons pas les choses par émotion, mais de façon rationnelle. C’est pourquoi, nous continuons sur la même ligne que nous avons tracée il y a encore 7 ans.
Cette consultation que vous avez organisée au sein du parti suscite assez de débats. Il semble qu’aujourd’hui, il y a eu beaucoup de frondeurs qui disent que cela ne s’est pas passé dans la transparence. Qu’en dites-vous ?
Il faut d’abord préciser qu’il n’y a pas de fronde. Il y a un petit groupe de personnes qui crient dans les médias et qui disent ce qu’elles veulent. J’ai personnellement demandé à tout le monde de rester sereins et calmes et de faire les choses comme nous avons l’habitude de le faire. De quoi s’agit-il au fond ? Cette année, nous sommes en situation de pandémie, les mandats des organes nationaux du parti doivent être renouvelés. Cela fait bientôt 8 mois que nous n’avons pas de réunion physique, tout est virtuel. C’est en tenant compte de tout cela que nous avons décidé de faire un congrès à 80% virtuel. Les 41 fédérations à l’intérieur du pays et une quinzaine à l’étranger devaient rester sur place et se connecter via des applications interposées. C’est seulement celles de grand Conakry qui devaient se déplacer. Le congrès s’est passé, mais quand on est arrivé au vote, il y a eu de problème. Premièrement, l’application Zoom où les gens devaient voter virtuellement s’est plantée. Les gens ont eu énormément des difficultés à se connecter à l’intérieur du pays alors qu’ils constituent la majorité écrasante. C’est d’ailleurs à cause de ceux-ci, à la dernière minute, j’ai autorisé que les Sms soient utilisés pour que les gens s’expriment. Il y a de gens qui ont posé des candidatures, mais qui ont été omis.
D’autres, soit la majorité des structures qui se sont plaints de n’avoir pas été informées ou que le processus ne leur a pas été expliqué de la manière que ces gens puissent participer pleinement. J’ai écouté les plaintes de tout le monde. Il y a eu aussi de la fraude parce qu’il a suffi que l’on dise que les gens peuvent voter par Sms, il y en a eu de gens parmi ceux qui crient qui ont appelé des amis dont certains ne sont même pas du parti pour leur dire d’écrire des Sms. Ça saute aux yeux. Lorsque quelqu’un envoie un message disant que je suis monsieur Kamano de Guéckédou, je vote pour tel. Le même numéro envoie un autre message pour dire je suis monsieur Haba de Nzérékoré, je vote pour tel autre. Comment on peut, à la fois, être à Guéckédou et à Nzérékoré ? On a découvert plein de choses comme ça. Cela m’a fait mal de constater qu’on peut être à ce niveau du parti qui promet le combat pour des valeurs et se permettre de tricher pour avoir une position.
Ceux qui sont en train de crier aujourd’hui sur les réseaux sociaux et qui disent être président ou vice-président, demandez-leur un seul nom d’une structure de jeunes qu’ils ont installée à travers le pays ou à l’extérieur. Il ne suffit pas de se donner de titre ici à Conakry et puis aller chercher des primes auprès des ONGs (…) Non, ce n’est pas cela le BL. Il y a de gens qui sont en train de faire le travail du parti. Si ceux-là disent que c’est mal fait, il faut qu’on reprenne. Dans ce sens, la décision a été prise par le Bureau politique national de reprendre le processus sur recommandation de la commission électorale composée de 9 personnes dont 3 à l’étranger.
Peut-être que tous ceux qui sont en train de crier sur les réseaux sociaux puisqu’ils ont utilisé les moyens de la tricherie pour pouvoir se maintenir, ils savent que cela sera mis de côté c’est pourquoi ils ont peur. On ne peut pas faire 5 ans sans connaitre les gens à la base dont les maisons sont en train d’être cassées qui subissent le terrorisme de l’Etat. Ce n’est pas parce qu’on se promène à Conakry, on assiste à un séminaire qu’on peut dire qu’on est ceci ou cela. Au BL, ce n’est pas comme ça. C’est pour cette raison, nous restons sereins. Il n’y a de péril en la demeure.
Interview réalisée par Diallo Boubacar 1
Pour Africaguine.com
Tel: (00224) 655 311 112
Créé le 28 septembre 2020 18:18
Nous vous proposons aussi
TAGS
étiquettes: Faya Milimono, Interviews