Fabien Offner d’Amnesty : « les autorités guinéennes n’ont pas respecté leur engagement… »

Fabien OFFNER, chercheur au Bureau régional pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale d’Amnesty International

DAKAR- Fabien OFFNER, chercheur au Bureau régional pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale d’Amnesty International, n’est pas parti par quatre chemins pour ‘’dépeindre’’ le tableau sombre de la situation des ‘’ Droits Humains ‘’ en Guinée. En exclusivité au micro d’Africaguinee.com, cet activiste des Droits de l’Homme pointe du doigt les Forces de sécurité dans la répression des citoyens lors des manifestations en Guinée. Dans cet entretien, Fabien OFFNER est aussi revenu sur les faits graves de violations des droits humains en marge du double scrutin   du 22 mars 2020 dernier. Lisez plutôt !!!


 

AFRICAGUINEE.COM : Quel regard portez-vous sur les Droits Humains en Guinée ?

FABIEN OFFNER : Les Droits Humains en Guinée, certes je ne vais pas refaire l’historique, ont assez de choses à faire dire. Si je m’appesantis sur ce qui s’est passé le 22 Mars 2020, on constate forcement une continuité. Avec ce qui s’est passé ces derniers mois avec les Forces de sécurité, on peut dire que c’est une tragique banalité. En même temps ce sont des choses que nous tentons de documenter parce que quand-même ce sont des choses qui risquent de tomber dans l’oubli.

Les élections législatives et référendaires du 22 mars ont été émaillées par des violences ayant occasionné des cas de morts. Quelle est votre réaction ? 

C’est le regret de constater  qu’une fois encore en Guinée des familles sont endeuillées et des jeunes gens perdent la vie ou sont blessés sans que les efforts soient faits pour identifier les auteurs et les traduire en justice.

Votre ONG dénonce une complicité manifeste entre les forces de l'ordre et des jeunes dans la commission des exactions. Comment êtes-vous parvenue à cette conclusion ?

Bien sûr ! C’est sur la base des témoignages et des vidéos authentifiées, c’est-à-dire de vérifier la date et le lieu de prise de vue.

Au-delà de dénoncer tous ses aspects de violation des Droits Humains que compte concrètement faire Amnesty International ?

Nous ne sommes pas une institution judiciaire, nous sommes une ONG (Organisation Non Gouvernementale, ndlr) de Défense des Droits Humains. On essaye de le faire de différentes façons, en essayant la documentation dans certains cas, on essaye de faire en faisant des plaidoyers  devant des institutions africaines, auprès des institutions de l’Union Africaine ou des organisations spécialisées des Droits de l’Homme. Comme par exemple ça peut être, le rapport sur la torture, le rapport sur les détentions arbitraires, les différents outils de différentes structures que l’on peut utiliser  pour essayer de faire en sorte de promouvoir les droits humains dans certains pays.

Nous ne sommes pas une structure d’enquête, les communiqués de recherche sont un moyen parmi d’autres de faire en sorte que les Droits Humains soient respectés.  Nous sommes une organisation qui travaille en Europe, aux Etats-Unis et partout à travers le monde. J’ai été un tout petit peu surpris de voir que le gouvernement guinéen appelle à sous-traiter la justice d’un pays (…), c’est un tout petit peu étonnant à entendre. Nous trouvons ça étonnant que les autorités guinéennes ne souhaitent pas en savoir plus sur la mort de plusieurs de leurs concitoyens. Nous, à Amnesty International nous sommes là pour apporter des éléments d’une certaine situation, évidement il revient aux autorités  concernées de mener des enquêtes.

Avez-vous justement interpellé les autorités guinéennes avant d’élaborer un quelconque document, à travers au moins un courrier ?

Les courriers sont faits en général quand on vient en mission. Les communiqués qui sont faits concernent assez de pays. Les communiqués d’Amnesty sont publiés publiquement. Je crois d’ailleurs que le gouvernement a fait entendre sa réponse à travers un media international. Donc nous avons vu leur réaction à ce communiqué qui était accessible à tout le monde.

Quel a été alors la réaction d’Amnesty International après cette réponse du gouvernement guinéen ?

Comme je vous l’ai dit je trouve ça surprenant que le gouvernement guinéen attende Amnesty International qui est une ONG de réaliser une enquête judiciaire sur la mort de ses concitoyens. Ce n’est pas notre rôle (…), en revanche on  peut s’attendre véritablement  que ça soit le rôle du ministère de la Justice  est des services constitués à le faire.

L'usage disproportionné de la force entraînant des victimes est devenue endémique en Guinée. Comment expliquez cette situation ? 

L’impunité conduit malheureusement à l’injustice. Il faut également noter que les autorités guinéennes n’ont pas respecté leur engagement de ne pas utiliser certaines armes lors d’opération de maintien de l’ordre. Voir des Forces de Défense et de sécurité tirer à l’arme de guerre lors des manifestations est une habitude à laquelle n’a pas mis fin le régime actuel

Avez-vous le sentiment que les autorités guinéennes font la sourde oreille donc par rapport à vos différentes recommandations pour mettre un terme à cette impunité ? 

L’impunité favorise effectivement ces drames à répétition et cette impunité n’est possible que par un manque de volonté politique de faire appliquer la justice.

Près de cent personnes ont été tuées dans des manifestations depuis octobre dernier début des contestations contre le changement constitutionnel. Pour l'heure aucune enquête n'a abouti à une condamnation des responsables. N'est-ce pas cette impunité chronique qui favorise ces crimes ? 

Amnesty International est une voix parmi d’autres dans le concert des critiques qui ont visé les autorités guinéennes en Guinée et à l’étranger ces dernières semaines.

Envisageriez-vous de porter toutes ces affaires devant les juridictions internationales si les choses ne s'accélèrent pas en Guinée ? 

Je ne suis pas en mesure de répondre à cette question.

 

Entretien réalisé par BAH Boubacar LOUDAH

Pour Africaguinee.com

Tel : (+224) 655 31 11 13

Créé le 6 avril 2020 10:49

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