Expulsion de Joël Meyer : Paris prévoit des « mesures de rétorsion » contre Bamako…
Les militaires au pouvoir au Mali ont donné ce lundi trois jours à Joël Meyer l'ambassadeur de France en poste à Bamako, pour quitter le pays. Une réponse aux propos des autorités françaises, qualifiés «d’hostiles et outrageux» par la junte, qui risque de précipiter la rupture des relations entre les deux pays.
Les autorités de transition ont convoqué ce lundi matin à Bamako l’ambassadeur de France au Mali afin de lui signifier son expulsion. Joël Meyer, en poste depuis octobre 2018, va devoir quitter le territoire malien sous soixante-douze heures.
C’est la dernière escalade dans une crise diplomatique entre Paris et Bamako qui ne cesse de s’envenimer depuis le 24 janvier et la demande de départ du contingent militaire danois envoyée par les autorités maliennes. Après une passe d’armes diplomatique, ce contingent d’une centaine de militaires, venu au Mali renforcer l’opération française antiterroriste Takuba, a été rappelé par le Danemark, après une seconde demande de retrait soumise par Bamako.
La France «prend note» de l’expulsion de son ambassadeur au Mali, a réagi lundi le Quai d’Orsay, rappelant sa solidarité à l’égard de ses partenaires européens et son engagement à poursuivre la lutte antiterroriste.
Le 25 janvier, la ministre des armées, Florence Parly, avait annoncé engager une «concertation approfondie» avec ses partenaires européens de Takuba, afin d’apporter une réponse à la «rupture des engagements et aux provocations de la junte malienne». Le colonel Abdoulaye Maïga, porte-parole du gouvernement de transition, avait répondu à la ministre en l’invitant «à faire sienne cette phrase d’Alfred de Vigny sur la grandeur du silence». A la télévision nationale, il avait alors accusé la France «d’instrumentaliser» les organisations sous-régionales et d’entretenir des «réflexes coloniaux».
«Propos hostiles et outrageux»
Deux jours plus tard, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, avait réagi à son tour, qualifiant les militaires au pouvoir à Bamako de junte «illégitime» qui prend des «mesures irresponsables», faisant référence au coup d’Etat perpétré contre le président Ibrahim Boubacar Keïta le 18 août 2020, puis au second coup, le 24 mai, moins d’une année après la mise en place de la transition, permettant au colonel Assimi Goïta d’accéder au sommet de l’Etat malien. «La junte porte l’entière responsabilité du retrait des forces danoises et s’isole davantage encore de ses partenaires internationaux», avait ajouté Jean-Yves Le Drian.
C’est à la suite de ces «propos hostiles et outrageux du ministre français de l’Europe et des Affaires étrangères» et à «la récurrence de tels propos par les autorités françaises à l’égard des autorités maliennes, en dépit des protestations maintes fois élevées», explique un communiqué officiel, que l’ambassadeur de France a été convoqué ce lundi afin de se voir signifier son expulsion. Selon une source diplomatique, l’échange entre l’ambassadeur et le gouvernement malien a été expéditif, «un dialogue de sourds de dix minutes».
«Mesures de rétorsion»
C’est la première fois qu’un ambassadeur français est renvoyé du Mali. L’événement souligne la gravité de la fracture diplomatique entre les deux pays, partenaires depuis 2013 dans la lutte contre le terrorisme au Sahel.
Dans son communiqué, le gouvernement de la République du Mali «réitère sa disponibilité à maintenir le dialogue et poursuivre la coopération avec l’ensemble de ses partenaires internationaux y compris la France, dans le respect mutuel et sur la base du principe cardinal de non-ingérence».
Mais ce camouflet risque d’aggraver encore les relations. Selon une source, Paris ne prévoit pas de nommer un nouvel ambassadeur mais plutôt de prendre rapidement «des mesures de rétorsion» contre Bamako.
La dernière expulsion diplomatique effectuée par les autorités maliennes est celle d’Hamidou Boly, représentant de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest, renvoyé en octobre pour «agissements incompatibles avec son statut», alors que les discussions sur le report des élections, fixées à février puis repoussées sine die, battaient leur plein.
Libération
Créé le 1 février 2022 01:51