Expulsion de guinéens des Etats-Unis : l’Ambassadeur Mamady Condé précise… (Exclusif)
WASHINGTON- Quel est le nombre de guinéens qui seront expulsés très prochainement des Etats-Unis ? De quoi leur reproche t-on ? Que font les autorités de Conakry pour éviter ces expulsions massives de guinéens vivants aux Etats-Unis ? L’Ambassadeur de la Guinée en poste à Washington revient ici sur les différents contours de cette décision du département d’Etat américain. Mamady Condé s’est confié en exclusivité à notre rédaction…
AFRICAGUINEE.COM : Monsieur l’Ambassadeur bonjour ! De nombreux guinéens sont menacés d’expulsion des Etats-Unis, qu’est-ce qui a prévalu à la prise de cette décision par Washington ?
MAMADY CONDE : Nous avons pris l’initiative de rencontrer les membres de la communauté guinéenne pour les sensibiliser face à la préoccupation de l’heure concernant l’immigration aux Etats-Unis. Parce que depuis l’administration Obama et l’arrivée de l’administration Trump, j’avoue qu’il y a une pression terrible sur les ambassades sur l’expulsion d’un certain nombre de nos concitoyens. Nous ne sommes pas les seuls. Plusieurs pays sont concernés. Aujourd’hui nous sommes en discussion avec le département d’Etat et Homeland security qui s’occupe de l’immigration pour voir un peu comment tirer ça au mieux. Parce que nous avons failli être sanctionnés, privés de visas par l’article 143. Ils disent que si nous n’acceptons pas de recevoir nos citoyens qui sont considérés comme des criminels, des gens qui ont des charges pénales très élevées, souvent en matière de trafic de stupéfiants, en matière de viol, de trafic ou de falsification de cartes de crédit. Il y a un certain nombre de guinéens qui se sont malheureusement livrés à ces actes. Comme vous le savez, dès qu’ils sont arrêtés et jugés, souvent ils purgent leur peine. Il y a même certains qui sont poursuivis pour mort d’homme, d’autres de vol à mains armées. Alors quand c’est comme ça, soit le pays concerné accepte le rapatriement des gens qu’il considère comme délinquants ou on le sanctionne en le privant de visas. Pour le cas de la Guinée, on était déjà sur la liste des pays non coopératifs.
Comment ces rapatriements vont-ils se faire ?
Avec la nouvelle administration, ils ont catégorisé. Il y a ceux qui sont en détention ou même ceux qui sont en liberté provisoire. C’est-à-dire que si quelqu’un a commis un crime, il est arrêté, traduit en justice, jugé, condamné. Les gens qui sont dans cette catégorie purgeront leur peine (…). Il y a aussi ceux qui ont postulé pour avoir des titres de séjour, comme par exemple dans la catégorie asile, après examen de leur dossier s’il y a des gens qui sont déboutés, ils sont versés dans la catégorie des illégaux. Donc, ça devient extrêmement dangereux parce qu’ils constituent leur dossier qu’ils transmettent aux services d’immigration.
Quand on voit la situation d’ensemble, nous ne sommes pas les seuls, il y a beaucoup de pays africains qui sont confrontés à la même réalité que nous. Aujourd’hui le département d’Etat et homland security ont fixé des règles qui sont à prendre ou à laisser. En ce qui nous concerne, le dernier ultimatum qu’on a reçu c’était de choisir entre les 55 qui devront être expulsés « immédiatement » ou la sanction contre l’Etat guinéen. Cela veut dire que personne n’aura un visa des Etats-Unis. Aucun visa diplomatique, aucun visa ordinaire ne sera délivré.
De l’autre côté, le Congrès est là et ne cesse d’exercer la pression sur le département d’Etat. Face à tout ça, il fallait choisir entre la sanction contre le pays ou l’acceptation de recevoir les 55. Or aujourd’hui ce serait très mal vu quand on voit déjà qu’ils ont suspendu déjà sept pays, il ne faudrait pas qu’on nous glisse sur une liste qui pourrait avoir une portée à l’image de notre pays. Ce n’est vraiment pas de gaieté de cœur que nous voyons les 55 rapatriés comme ça. Parce qu’on a tout fait, depuis 2014 on est en discussion avec ces gens-là pour essayer de leur faire comprendre qu’on ne peut pas, mais on est arrivé à un point où ils ont vraiment brandit l’arme fatale.
Comment vous vous organisez pour ces rapatriements ? Est-ce qu’il y a par exemple des garanties que vous avez exigées ?
En réalité, le problème est surtout au niveau de Homeland Security et du département d’Etat. Ils s’adressent aux ambassades des pays concernés pour souvent la délivrance des visas sur la base des charges retenues contre les personnes (…) Aux Etats-Unis il y a le juge de l’immigration et le juge pénal. On examine s’il y a un document d’un des deux qui manque, on n’accepte pas. Les délits mineurs aussi, par exemple quelqu’un qui a vendu un article contrefait on ne peut pas recevoir. En général ce sont les crimes graves tels que le trafic de stupéfiant, la falsification de carte de crédits, l’association de malfaiteurs, agression sexuelle, on ne peut défendre.
A quand la première vague pourrait-elle arriver ici ?
Ils sont en contact avec Conakry, ils sont en train de travailler avec leur ambassade à Conakry. Parce que nous-mêmes, on a été dans le collimateur des américains, comme quoi on pose pied sur les dossiers, on refuse de délivrer, ils ont écrit contre nous.
A combien peut-on estimer le nombre de guinéens vivant aux Etats-Unis ?
Nous sommes en train de mettre de l’ordre. Parce que j’ai fait installer une machine qui va nous permettre désormais de délivrer les cartes consulaires. Ce qui va nous permettre d’avoir un meilleur recensement pour connaitre la photographie réelle de la démographie guinéenne aux Etats-Unis.
Monsieur l’ambassadeur merci.
Merci beaucoup mon cher Diallo, nous sommes à vos services, c’est normal qu’on vous donne des explications. Sachez que c’est vraiment malgré nous qu’on est arrivé à cette décision-là parce que c’est sous la menace de l’épée de Damoclès qui plane sur notre pays. Sinon c’est difficile de voir des gens qu’on embarque comme ça de force pour être rapatriés. Nous sommes tous conscient comment les gens arrivent aux Etats-Unis. Ce qui fait qu’en dehors des criminels et de quelques-uns qui sont arrêtés pour d’autres infractions, nous n’allons pas accepter parce que c’est notre rôle de protéger les intérêts de nos compatriotes.
Entretien réalisé par Diallo Boubacar 1
Pour Africaguinee.com
Tel. : (00224) 655 311 112
Créé le 9 février 2017 11:27Nous vous proposons aussi
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