Embouteillages et insalubrité à Conakry : Les taches noires de la capitale guinéenne…
Depuis l’avènement du Comité National du Rassemblement pour le Développement (CNRD) le 5 septembre 2021 en Guinée, plusieurs actions ont été posées pour la rectification et la refondation de la société guinéenne, parmi lesquelles de nombreux investissements publics entrepris à Conakry par les nouvelles autorités de la transition. On peut citer entre autres : (a) la construction et l’éclairage public des grands axes routiers et des ruelles des quartiers ; (b) l’installation des feux tricolores chronométrés dans plusieurs carrefours pour réguler la circulation ; (c) la construction de passages piétonniers et la pose de très jolies barrières métalliques pour réduire la traversée des voies par les piétons etc. En outre, les autorités ont décrété une journée civique. Tous les premiers samedis de chaque mois, pour l’assainissement général sur toute l’étendue du territoire national en vue de débarrasser les communes et les quartiers urbains et ruraux de leurs déchets. Une Agence nationale de l’assainissement et de la salubrité publique (ANASP) a été mise en place pour la coordination de cette initiative. Toutefois, les ressources et moyens logistiques pouvant permettre la collecte des déchets, en particulier au niveau de la capitale Conakry, n’ont pas suivi.
Malgré tous ces efforts louables et perceptibles des nouvelles autorités de la République, force est de constater l’anarchie dans certains secteurs d’activités notamment la circulation routière et l’assainissement à Conakry.
Au niveau de la circulation routière, aucun usager, qu’il soit piéton, motocycliste ou conducteur de véhicules, ne veut céder le passage à l’autre. Il n’est pas rare de voir des conducteurs d’engins, y compris les détenteurs de véhicules à sirène, créer trois voire quatre lignes sur des voies qui ne devraient en avoir que deux au maximum. Aussi, certains conducteurs n’hésitent pas non plus de rouler dans le sens contraire, même s’ils savent qu’il n’y pas d’issue et peu importe pour eux le blocage de la circulation que leur comportement pourrait entraîner. Les policiers qui devraient réguler cette circulation sont plutôt préoccupés par l’obtention d’espèces sonnantes et trébuchantes auprès des motocyclistes et des conducteurs de véhicules, et cela souvent en pleine circulation. Ce qui est plus marrant, est que ces policiers tendent souvent des ficelles par endroit pour empêcher ou autoriser le passage des véhicules (exemple : Matoto marché et ENTA marché à Conakry). Ces ficelles baissent ou restent tendues selon que tout conducteur qui désire y passer glisse ou non des billets de banque dans les mains des policiers qui y sont postés. En conséquence, des embouteillages monstres sont observés sur toutes les routes en particulier, au niveau de la plupart des marchés et des ronds-points, de sorte qu’il n’est pas rare de passer des heures sur des routes qui devraient être parfois parcourues en moins de trente minutes en voiture.
Personnellement, il m’est arrivé une fois de marcher avec ma valise de l’aviation militaire jusqu’à l’aéroport de Conakry car je risquais de rater mon vol ; et des exemples de ce genre font légion. Une autre manière de plus en plus fréquente de renforcer les embouteillages sur les routes de Conakry, est l’abandon en pleine circulation de véhicules de tout genre en panne (voitures, minibus, gros camions de transport, etc.). Aucun effort n’est fourni par les propriétaires de ces véhicules pour les ranger du côté de la chaussée, ce qui obstrue les routes. Les grues de police, qui sont pourtant très promptes à tracter les véhicules en mauvais stationnement au bord des routes, ne se font presque pas voir pour enlever de la circulation ces véhicules en panne, vraisemblablement parce qu’il n’y aurait pas de perception des amendes habituellement imposées aux véhicules mal stationnés. Il est aussi courant de voir des agents de police arraisonner des motards et des véhicules en pleine circulation sans se préoccuper des embouteillages que leurs actions peuvent engendrer.
Les occupations des emprises des routes par les véhicules mal stationnés, les garagistes, les étagistes, etc. continuent toujours et sont même renforcées alors que des communiqués du gouvernement largement diffusés sur les médias tant publics que privés avaient donné des dates limites pour le dégagement de toutes ces emprises, mais sont en effet vains sur le terrain. Pendant ce temps, les entreprises légalement constituées sont dans l’obligation de payer annuellement des redevances d’occupation du domaine et du cadastre. Si tous les occupants des emprises payaient de telles redevances au niveau du trésor public, l’Etat aurait les ressources nécessaires pour aménager les routes à Conakry.
Bref, de telles difficultés dans la circulation pourraient dissuader maints investisseurs à fréquenter notre pays, à plus forte raison y investir. S’agissant de l’éclairage public des voies, alors que les nouveaux poteaux électriques ne sont t même pas définitivement réceptionnés par Electricité de Guinée (EDG) à Conakry, certains sont déjà cassés par endroit, notamment sur l’autoroute par des chauffeurs imprudents et indélicats, sans qu’ils ne soient immédiatement remplacés. Les cas observés sont ceux de Yimbaya, des ronds-points de tannerie, Kissosso, Enta et Tombolia), la descente et la montée de la petite côte montagneuse entre Kissosso et Enta, etc.
Concernant l’assainissement des communes, des quartiers et des voies publiques, il est à peine effectué par les populations, même pendant la journée civique instaurée par le Gouvernement pour cette activité, car elles estiment à tort qu’il est de la responsabilité de l’Etat de mener cette action. Pour les quelques populations qui effectuent tant bien que mal cette activité citoyenne, la plupart choisissent les devantures ou les alentours des concessions d’autrui, les abords des routes principales et des rues des quartiers comme leurs dépotoirs d’ordures au lieu de s’abonner aux petites et moyennes entreprises (PME) de ramassage existant.
Il n’est pas non plus rare de voir dans les quartiers urbains et péri-urbains, notamment à Conakry, des personnes, dont certaines ont pourtant construit de très beaux bâtiments parfois habillés de carreaux, déverser délibérément leurs eaux usées de toutes sortes dans les rues et ruelles faute d’avoir creusé des puits perdus dans leurs concessions. En plus de rendre les rues insalubres, ces eaux usées accélèrent la dégradation des bitumes et bétons qui revêtent parfois ces routes construites à grand coût. Dans la Commune de Matoto, les riverains de la rue parallèle à l’autoroute qui part de Kissosso jusqu’à la Tannerie devraient se voir attribuer le prix Nobel du déversement d’eaux usées sur les rues, et à cette allure la durée de vie de cette voie, pourtant construite récemment, sera vraisemblablement très écourtée.
De ce qui précède, les quelques recommandations ci-dessous sont proposées au CNRD et au Gouvernement dans leur actions de rectification et de refondation pour l’amélioration de la circulation et de la salubrité à Conakry.
- Rechercher, acquérir et diffuser dans les médias publics et privés en Guinée, des exemples d’actions citoyennes réussies dans d’autres pays de la région, tant pour la circulation routière que pour l’assainissement, pour des fins de sensibilisation de la population étant donné que la majorité des guinéens ne voyage pas à l’étranger pour constater de visu ces types d’actions ;
- Aménager des voies de circulation spécifiques pour les motocyclistes afin que les routes existantes soient exclusivement réservées aux véhicules ;
- Remplacer les ficelles où elles existent, comme celles au niveau des marchés de Matoto et d’Enta, que les policiers tendent ou baissent à leur gré, par des barrières métalliques inamovibles afin de réduire les embouteillages à ces niveaux ;
- Créer un service spécial de grues pour retirer de la circulation tout véhicule en panne ;
- Accélérer la pose de barrières métalliques au niveau des passages piétonniers aériens pour contraindre les piétons à emprunter ces passages ;
- Remplacer les barrières non esthétiques en béton au niveau du rond-point de Gbessia et du marché de Bonfi par les barrières métalliques actuellement posées au niveau de ces passages piétonniers. En vue d’une harmonisation, de telles barrières devraient aussi être posées au niveau des passages piétonniers de la carrière, de Dixinn gare, de Madina marché et Madina SIG, ainsi qu’au niveau du bloc des professeurs ;
- Obliger les conducteurs d’engins responsables de la destruction des poteaux d’éclairage public à les remplacer et à les implanter avec large couverture médiatique pour dissuader d’autres à le faire ;
- Réactiver le communiqué du Gouvernement interdisant l’occupation des emprises des routes et veiller strictement à son application ;
- Mettre en place de véritables brigades de salubrité publique pour veiller à l’application des mesures d’assainissement et de salubrité de l’environnement, assorties d’amendes qui pourraient servir à financer cette activité citoyenne ;
- Interdire la production et la vente des eaux en sachet et l’importation de sachets plastiques pour prévenir la pollution de l’environnement par des déchets plastiques ;
- Instaurer et prélever de taxes sur les revenus des fonctionnaires, des ménages et des sociétés publiques et privées pour le financement de l’assainissement de la ville. Une telle politique pourrait être étendue aux autres villes et communes à l’intérieur du pays ;
- Instituer un prix d’excellence de salubrité visant à créer une émulation entre les communes et quartiers urbains et ruraux en matière d’assainissent de l’environnement.
Dr André LOUA
Ancien fonctionnaire de l’OMS
Email : louaandre57@gmail.com
Créé le 16 juin 2023 11:37Nous vous proposons aussi
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