Elhadj Abdoulaye Bah, imam et ex détenu : « Le coup d’Etat, Alpha Condé, la prison et moi… »
CONAKRY-Son cas est atypique ! Elhadj Abdoulaye Baldé, imam à Wanindara, un quartier qui a souffert le « martyr » sous le régime d’Alpha Condé, garde des souvenirs douloureux. Arrêté dans la nuit 28 octobre 2020 à son domicile, l’homme de Dieu a été accusé de fabrication et de détention d’armes de guerre puis incarcéré à la maison centrale, avec des centaines d’autres d’opposants. Environ un an après les faits, l’imam qui a eu la délivrance le 05 septembre, jour de la chute d’Alpha Condé, revient sur les circonstances de son arrestation. Dans cet entretien, il indique qu’il n’a jamais perdu la foi.
« Dans la nuit du 28 octobre 2020, des agents sont venus chez moi, la nuit. Ils étaient dans environ 12 pickups de police. Ils ont escaladé le mur pour entrer. Ils ont procédé à l’arrestation d’un de mes locataires. Après ils sont venus me chercher dans ma chambre. D’abord, ils ont défoncé les portes, je suis aussitôt sorti pour me présenter à eux. Ils ont demandé si c’était moi Abdoulaye Baldé, l’imam de Wanindara, j’ai répondu par l’affirmatif. Ils m’ont demandé de faire sortir les armes que je cachais. J’ai dit qu’ils sont venus chercher quelque chose que je n’en avais pas. Je suis un simple imam et c’est tout que je savais.
Ce soir même c’est moi qui avais dirigé la prière de 19 H et 20H à la mosquée. Ils ont rétorqué en disant que si je ne sortais pas les armes, ils allaient eux-mêmes procéder à une fouille systématique. Je leur ai dit qu’ils avaient la voie libre. Ils sont entrés dans ma chambre ainsi que dans celles de mes épouses pour tout fouiller. C’est un duplex. J’avais des habits, de l’agent, trois passeports, une carte d’identité et ma carte d’Imam, ils ont tout pris. Ils sont montés dans ma bibliothèque où j’ai mes livres coraniques, ils ont regardé. Leur chef m’a dit que c’était bon, de me faire descendre. J’ai demandé pour aller où ? Ils m’ont instruit de le suivre.
Je leur ai demandé pourquoi. Je leur ai dit : « vous disiez être venus pour chercher des armes, maintenant que vous n’en avez pas vu, pourquoi voudriez-vous que je vous suive ? » Ils m’ont dit que c’est un ordre. Face à cette décision, ma famille s’est mise à pleurer. J’ai leur dit de s’en remettre à Dieu, le tout puissant.
C’est ainsi qu’ils m’ont pris pour m’envoyer à Enco 5. Là, ils ont changé de véhicule. Ils nous ont pris pour la DPJ (direction de la police judiciaire), où nous sommes restés pendant six (6) jours puis ils nous ont emmené à Camayenne où on est resté pendant environ une semaine avant qu’on nous transfère définitivement à la maison Centrale. C’était le 9 novembre 2020.
A la DPJ, ils nous ont fait savoir les charges retenues contre nous. ‘’Fabrication et détentions d’armes’’. Je leur ai demandé : « comment pouvions nous détenir ou fabriquer cela alors que même les armes qu’on a dans ce pays sont importées ? Même le gouvernement n’a pu installer des usines de fabrication d’armes, comment un simple imam pouvait à lui seul le faire ? » J’ai indiqué que c’était impossible. Mais en toute chose c’est Dieu qui a le dernier mot surtout entre le bon et méchant.
Le 5 septembre 2021, la délivrance
Du 9 novembre 2020 au 5 septembre 2021, nous étions des prisonniers, on était traité comme tel. Restriction de liberté, maltraitance, quand ta nourriture arrive, ils la salissent. Parfois on mangeait et des fois on laissait. Bref, la prison, c’est un autre monde. Tu vois toutes les bêtises. Les gens qui commandent, c’est des criminels endurcis qui ne peuvent pas purger leur peine qui sont recrutés pour assurer la garde.
Je voudrais rappeler que quand nous étions nouvellement arrivés en prison, les autorités pénitentiaires sont venues prendre 40 détenus pour les déférer au Camp Soronkoni (Kankan). C’est pourquoi, le dimanche 5 septembre ((jour de l’attaque du palais d’Alpha Condé) après la prière de l’aube, lorsqu’on a entendu les coups de feu, on avait encore cru que c’était un manège pour venir chercher d’autres détenus pour les transférer à Soronkoni. Parce que dans la prison là-bas, un meurtrier, un violeur avait moins de problème qu’un détenu politique d’Alpha Condé.
Mais lorsque les nouvelles de l’arrestation du dictateur ont circulé sur la toile, je suis allé faire l’ablution pour faire deux rakats. J’ai prié Dieu pour ne pas que le coup d’Etat échoue. Et que si c’est quelqu’un qui est venu le capturer avec tous ces crimes et d’injustice, qu’Allah donne de la force à ce dernier. J’ai observé le jeûne toute la journée du dimanche et du lundi. Le jour de notre délivrance était arrivé. Nous ne cesserons jamais de remercier les nouvelles autorités et toutes ces personnes qui ont œuvré pour notre liberté ».
Siddy Koundara Diallo
Pour Africaguinee.com
Tel: (00224) 655 311 114
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