Ebola en Guinée : Entretien avec Docteur Eric Bertherat de l’OMS
CONAKRY- Où en est-on avec les recherches pour trouver le vaccin du virus Ebola ? Comment s’explique les cas de guérison enregistrés ? Quelle conduite prendre en cas d’éléments suspects dans une famille ? Voilà autant de questions que nous avons abordées avec l’expert de l’Organisation mondiale de la santé, Dr Eric Berthérat, présent en Guinée pour aider le pays à éradiquer l’épidémie de la fièvre hémorragique virale qui a tué 106 personnes sur 157 cas enregistrés.
AFRICAGUINEE.COM: Bonjour Docteur!
DOCTEUR ERIC BERTHERAT: Oui bonjour!
-La Guinée est frappée depuis le mois de Janvier par une épidémie hémorragique virale qui a fait une centaine de décès. Pouvez-vous nous présenter aujourd’hui l’état des lieux de cette épidémie ?
Il s’agit d’une épidémie qui dure maintenant depuis plusieurs semaines, qui s’est d’abord développée dans le sud du pays et qui a atteint la capitale Conakry par transmission de proche à proche.
-A ce jour quel est le nombre de personnes touchées par cette maladie ?
Pour cette question, il faut se référer aux déclarations du ministère de la santé qui fait des communications tous les jours, qui déclare le nombre de cas et le nombre de décès répertorié depuis le début de l’épidémie.
-Docteur on dit que des personnes atteintes du virus Ebola sont guéries, comment peut-on expliquer ces guérisons alors que la maladie n’a pas de traitement ni de vaccin ?
Effectivement il y a des cas qui sont guéris même si la mortalité est très élevée. Il y a des malades qui sont en pris en charge au centre des traitements et qui sont ressorties guéries et qui sont aujourd’hui en bonne santé, qui n’auront pas de séquelles ni aucun problème. Ces gens ont bénéficié même s’il n’y a pas de traitement spécifique pour le virus, il est quand même important de prendre en charge par exemple les hémorragies, la déshydratation. Donc, déjà par les soins qui sont prodigués dans les différents traitements, ces gens ont davantage de chance de survie. Après il y a des gens qui sont naturellement plus jeune, en meilleure santé, elles ont plus de chance de survivre au virus comme toute autre maladie.
-En cas d’éléments suspects dans une famille, quelle est la conduite à prendre?
Il y a actuellement une campagne d’information pour la population. Le point le plus important, c’est que si la population se pose des questions, si elle pense que dans leur famille, il y a un malade d’Ebola, ou bien si quelqu’un est décédé dans une famille de façon brutale après une maladie, il faut appeler le numéro vert qu’est le 115. Là jour et nuit des personnes sont capables de répondre aux questions en prenant en compte les alertes qui pourraient être signalées.
-Cette maladie est quand même vieille de plus de trente ans, où est-ce qu’on en est dans les recherches pour trouver un éventuel vaccin ?
Actuellement il n’existe ni vaccin ni traitement spécifique pour le virus. Mais des recherches sont en cours. Il y a effectivement des pistes très prometteuses, en particulier un vaccin qui sera utilisé pour traiter les patients, pas pour prévenir la maladie, mais actuellement, il n’est pas encore disponible. Je vais quand même signaler qu’on n’est pas bras-Ballin face aux malades. Le fait de prendre en charge le malade dans une structure spécialisée et faire des soins symptomatiques est un facteur de survie pour les malades. Actuellement en Guinée, il y a plusieurs personnes qui sont tombées malades, qui sont admises dans des centres de traitement, qu’on a traité, qui sont ressorties guéries et ne sont absolument plus contagieuses, qui n’ont aucun problème, aucune séquelle. Ceci pour inciter la population à se référer vers le système de santé. Il faut absolument éviter de garder des gens qui pourraient être malades. Si quelqu’un qui est malade d’Ebola est caché par sa famille, il va certainement mourir à la maison, mais il va contaminer toutes les personnes qui sont autour. Et ça va créer encore d’autres malades.
-Est-ce qu’on contracter cette maladie en consommant les fruits ?
Non absolument pas ! Il n’y a aucun risque de consommer des fruits. De toute façon le virus est extrêmement fragile, il ne peut pas rester comme ça à l’extérieur. Sur ce point il faut rappeler que la contamination se fait par contact direct avec les liquides biologiques d’un malade, quelqu’un qui est à un stade avancé de la maladie, qui saigne, qui a des diarrhées, des vomissements. C’est le contact direct avec ces liquides biologiques qui est la voie de contamination. C’est celle là qu’il faut prendre en compte.
–Votre Organisation, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) dit que c’est l’une des épidémies les plus inquiétantes jamais rencontrée, dites-nous quelle est la particularité de cette épidémie en Guinée ?
L’OMS n’a pas dit que c’est l’une des épidémies les plus inquiétantes. L’OMS dit que c’était une épidémie qui pose des problèmes en termes de gestion parce que comme toutes les épidémies d’Ebola, ce sont des épidémies qui sont compliquées à gérer, qui demandent beaucoup de moyens et de méthode. Et là en plus on est dans une zone urbaine parce qu’elle concerne Conakry. Donc, ça pose davantage de problèmes pour mettre en place les mesures de contrôle.
-Est-ce qu’il y a ce jour des mesures préventives particulières qui sont prises pour freiner la maladie ?
Alors là c’est essentiellement la formation pour les personnes qui vivent en zone forestière. Il ne faut absolument pas être contact avec les animaux morts ou malades, ne pas les manipuler. Eviter de préparer des animaux sauvages parce que la contamination se fait aussi à la préparation, par exemple d’un singe. Quand on l’écorche, on est en contact avec le sang, c’est là que la contamination peut se faire si le singe est malade.
Ensuite à part cette catégorie bien particulière, la question c’est le risque de rester autour du malade. Donc, il faut que la famille ne prenne pas en charge le malade. Il faut qu’elle se réfère aux services de santé en appelant le 115. Les corps des personnes décédées d’Ebola sont extrêmement contagieux. Donc, les corps doivent être pris en charge par une équipe spécialisée. Actuellement c’est la croix rouge. Donc il ne faut pas que la famille prenne en charge le nettoyage du corps de la personne décédée d’Ebola.
Ce qui est extrêmement dangereux c’est de penser que les personnes malades sont plus en sécurité à la maison. Au contraire elles vont mourir à la maison parce qu’elles ne seront pas soignées correctement et en plus de ça, elles vont contaminer les personnes qui sont au tour. Donc il faut absolument se référer au système de santé. Et la voie la plus simple, c’est d’appeler le 115.
-Tous les efforts aujourd’hui, c’est pour amener la population à s’inscrire dans la logique de la prévention, quel message avez-vous à lancer à l’endroit de celle-ci ?
Je crois que s’il y a un message à donner à la population, c’est de lui dire que si elle se pose des questions, si elle pense qu’il pourrait y avoir quelqu’un à la maison qui est malade d’Ebola ou bien quelqu’un qui décédé brutalement, il ne faut pas penser qu’il décédé d’Ebola, il faut appeler le 115 qui est un numéro vert mis en place par le ministère de la santé, en ce moment là ça déclenche l’investigation.
Merci docteur
Je vous en prie
Entretien réalisé par Diallo Boubacar 1
Pour Africaguinee.com
Tel : (00224) 664 935 132
Créé le 16 avril 2014 23:55Nous vous proposons aussi
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