Dr Fodé Oussou répond à Goumou : « Nous ne cautionnerons pas un dialogue de façade… »

Dr Fodé Oussou Fofana, vice-président de l'UFDG

CONAKRY-En Guinée, un dialogue de sourds s’est instauré entre la junte et une partie de la classe politique autour de la relance du cadre de dialogue. Alors que le Gouvernement affirme sa porte est ouverte et que la dialogue a commencé, certaines coalitions politiques soutiennent le contraire, exigeant un dialogue structuré.


Alors que la confusion persiste, le Premier ministre a réaffirmé la main tendue du Gouvernement à la classe politique jugée « réfractaire » au dialogue. Africaguinee.com a interrogé Dr Fodé Oussou Fofana, un des dirigeants de l’ANAD (Alliance Nationale pour l’Alternance et la Démocratie). Dans cet entretien, il explique les exigences de leur coalition politique et donne un conseil au Premier ministre pour réussir sa mission.

AFRICAGUINEE.COM : Le Premier Ministre de la Transition vous a tendu la main réaffirmant lundi que le Gouvernement est toujours ouvert au dialogue. Quelle est votre réaction ?

DR FODE OUSSOU FOFANA : Le Premier ministre doit savoir que nous sommes dans la transition depuis une année. Je n’ai jamais vu une junte, dans aucun pays au monde faire la fête d’une transition. Ils devaient se poser la question de savoir qu’est-ce qu’ils ont fait pendant cette année pour sortir de la Transition ? Quels sont les actes posés pour le retour à l’ordre constitutionnel ? Il ne s’agit des mots, mais des actes concrets. Lorsqu’on parle de cadre de dialogue, il faut que les gens comprennent ce dont il s’agit. J’ai l’impression qu’ils veulent faire croire aux gens que le CNRD n’est pas concerné par le dialogue et que c’est seulement les partis politiques qui sont les acteurs. C’est une perception erronée.

L’article 77 de la charte de la transition dit que le chronogramme de la transition est fixé de commun accord entre le CNRD et les forces vives de la Nation. Cette disposition a été piétinée. Ils nous disent que c’est 36 mois alors que personne ne sait comment ils ont concocté ces 36 mois. Mais même ça, on ne sait quand est-ce le compte à rebours a commencé. Tantôt on dit que c’est au mois de mai, tantôt ils disent qu’il faut faire le recensement général de la population pour tirer le fichier électoral. C’est la confusion totale. On se demande on est dans quoi ?

Quel type de dialogue demandez-vous ?

Nous demandons un cadre de dialogue structuré, mettant autour de la table, le CNRD et les forces vives. Nous n’avons rien contre un parti politique, mais dans tous les pays au monde, quand les gens doivent se retrouver, ce sont les partis les plus représentatifs qui se retrouvent. On ne peut dialoguer dans le brouhaha.

Comment devrait-on structurer ce cadre ?

Aujourd’hui, sur le plan politique, il y a deux catégories. La première est d’accord avec les 36 mois proposés par le CNRD, ils sont d’accord qu’il faut faire la refondation de l’Etat, ils sont d’accord qu’il faut faire le recensement général de la population. Ils sont d’avis avec tout ce que le CNRD pose comme action.

La seconde catégorie concerne ces partis politiques qui ne sont pas d’accord avec cette approche. Il y en a qui pensent qu’en quinze mois, on peut organiser les élections, il y en a qui pensent que la transition n’a pas pour rôle de faire la refondation de l’Etat. C’est pourquoi nous demandons un dialogue structuré avec le CNRD pour aplanir cette dichotomie.

Maintenant, ceux qui sont d’accord avec le CNRD devraient normalement avoir deux attitudes : c’est de se calmer en laissant le CNRD défendre ses positions ou bien laisser le CNRD prendre la responsabilité de les désigner comme ses représentants autour de la table de négociation. Mais, au lieu de deux, on ne peut pas se retrouver à trois. Ceux qui veulent le CNRD et le Gouvernement d’un côté, les partis politiques qui soutiennent le Gouvernement et le CNRD de l’autre côté et en face le troisième camp qui n’est pas d’accord, cette approche ne marchera pas.

Quel conseil avez-vous à donner au Premier ministre ?

Si j’ai un conseil à donner au Premier ministre, c’est de capitaliser les expériences antérieures en matière de dialogue. Sous Alpha Condé, on parvenait à discuter, trouver un accord, même si le hic, il faut le reconnaître, Alpha Condé ne mettait pas en œuvre les conclusions.  Mais tu ne peux pas mettre 150 personnes autour de la table pour dire que c’est un cadre de dialogue. On ne peut pas réunir autour de la table les religieux, la classe sociale et ouvrière etc. La Transition est hautement politique. Pour le retour à l’ordre constitutionnel, ce ne sont pas les forgerons ou les religieux qui vont compétir, ce sont les partis politiques. Ce sont les partis politiques qui sont concernés par les élections.

Mais Bernard Goumou affirme qu’ils ne peuvent pas mettre la corde au cou à un parti politique pour venir autour de la table…

Quand on entend un Premier ministre parler comme ça, en donnant l’impression que nous ne voulons pas dialoguer, ce n’est pas juste. Il faut que les gens comprennent qu’il ne s’agit pas d’un monologue, mais d’un dialogue mettant autour de la table des acteurs ayant des positions divergentes autour de la conduite de la Transition. Il ne s’agit pas d’aller dans les radios raconter des incohérences pour polluer le débat. Si on se met autour de la table de manière structurée, on leur démontrera que tout ce qu’ils racontent c’est inutile. On va leur montrer par A plus B qu’on peut organiser des élections en 15 mois.

Nous réaffirmons haut et fort que nous sommes demandeurs d’un dialogue, mais on ne peut accepter un dialogue de façade. Nous ne cautionnerons pas ça parce que ça ne sert à rien. Les partis politiques devenus « mouvements de soutiens » ne sont pas concernés parce qu’on ne parle de conférence nationale où on donne la parole à tout le monde. Ça nous étonne que pendant une année qu’on ne soit pas capable de mettre en place un cadre de dialogue structuré. On dirait qu’ils ont peur d’écouter nos arguments. Ils font ce qu’ils veulent, et nous on doit suivre, ça ne peut marcher comme ça. Si j’ai conseil à donner au Premier ministre, il n’a qu’à apprendre sur les dialogues du passé où on parvenait à nous entendre.

A suivre…

Oumar Bady Diallo

Pour Africaguinee.com

Créé le 6 septembre 2022 17:33

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