Diaspora guinéenne : Du Maroc en Chine, le parcours inspirant de Diana Diallo…

GHOUANZOU- Guinéenne de 30 ans, Diana Diallo a connu un parcours atypique. En 2011, elle a décroché son diplôme en administration des affaires (gestion commerciale) au Maroc. Diana Diallo décide alors de rentrer en Guinée pour intégrer le monde professionnel, mais le virus des études ne l’avait toujours pas lâché.
Au début, elle nourrissait l’ambition de se rendre au Canada, mais le destin l’a finalement conduit vers l’empire du milieu. En Chine, elle a approfondi ses études avant de se lancer dans les affaires. Aujourd’hui, elle est membre du haut conseil des guinéens de l’étranger de Chine. En séjour en Guinée, Africaguinee.com l’a rencontrée pour parler de son parcours. Inspirant!
AFRICAGUINEE.COM : Diana Diallo après des années d’études au Maroc ; vous vous retrouvez en Chine pour affronter la vie. Revenez-nous sur vos parcours dans le royaume chérifien ?
DIANA DIALLO : J’ai obtenu mon diplôme de licence 3 au Maroc en administration des affaires, ensuite je me suis spécialisée en gestion commerciale en 2011. Après, je suis rentrée à Conakry dans le but d’intégrer le milieu professionnel. En vain. Alors, j’ai décidé d’aller au Canada, c’est pendant les démarches que l’idée de la Chine m’est parvenue comme par hasard. Du coup, les formalités ont été plus faciles. En septembre 2011, j’ai foulé le sol chinois.
Racontez-nous un peu vos années d’études au Maroc…
Les difficultés nous en avons eu suffisamment au Maroc. Que tu sois financé par tes parents ou pris en charge par l’État, la réalité se présente de la même façon. Les 3 années n’ont pas été faciles. Mais comme nous étions partis pour des raisons bien déterminées, il a fallu une concentration pour ramener un diplôme.
Vous avez raté une opportunité pour le Canada, vous prenez le chemin du géant de l’Asie qui est la Chine. Aviez-vous pensé à des perspectives de travail ou d’études en Chine avant de vous engager ?
Depuis le Maroc, on avait à un moment envisagé des échanges d’études à travers mon université marocaine avec celle d’une chinoise. Ce projet semblait être avorté mais tout était là. C’est à mon retour au pays alors que je tenais à aller au Canada, tout est accéléré. Lors d’un échange avec une sœur qui voyage souvent en Chine pour acheter de la marchandise, elle me dit : ça te dit la Chine ? actuellement c’est le leader du Monde surtout en matière de commerce international. Du coup, je me suis dite pourquoi pas. Elle m’a mis en rapport avec un étudiant burundais. Les démarches, l’inscription et le visa tout s’est passé en 2 mois. Je me suis retrouvée en Chine.
Comment vous vous êtes intégrées ?
C’est vrai que la Chine est un pays ouvert au Monde. Donc l’anglais est beaucoup parlé ; mais ce qui c’était primordial c’est la langue locale, le chinois. Ça m’a permis d’être une citoyenne transversale. Ceux qui vont en Chine dans le cadre du business même s’ils parlent anglais, ils trouvent qu’il y a des ingrédients qui manquent sans le chinois.
Ça vous a pris combien de temps pour parler le chinois ?
(Rires) C’est une langue de ton. Elle n’est pas trop riche en vocabulaire mais en ton. Si vous ratez le ton, le message est raté. Un seul mot peut avoir 4 tons et un ton neutre. C’est effectivement une langue à temps dans l’emploi des mots. Je crois que ça m’a pris 2 ans. Après, j’ai commencé un bac+4 en informatique anglais cette fois-ci.
Après les études, c’est le boulot. Parlez-nous-en !
J’ai vécu mes 10 ans dans la province de Ghouanzou, c’est une ville où nos parents commerçants se rendent pour acheter de la marchandise avec l’existence des industries. Avec la maitrise des langues ; c’est facile d’être occupé en Chine. C’est le monde entier s’y rend ; les grands marchés à produits sont là. Nous sommes obligés de monter et descendre avec les clients qui exigent le type de produits qu’ils veulent, tu dois participer à la discussion des prix ; le mode de paiement et tout.
Depuis les bancs je faisais ce travail, à côté je travaille aussi avec des compagnies dans le transport maritime en direction de beaucoup de pays notamment de l’Afrique de l’ouest et du centre : Guinée, Sénégal, Mali, Côte-d’Ivoire, Gabon, Nigeria, Cameroun etc. Parfois aussi il y a certains embarquements par voie aérienne. Ce sont des produits légers notamment.
Comment se passe la collaboration particulièrement avec les importateurs guinéens ?
Au début, je travaillais avec des maliens qui vivaient au Gabon ; leurs marchandises partent beaucoup vers ce pays, des camerounais aussi. Dans le monde du business l’exclusion n’est pas si fréquente surtout dans un pays comme la Chine ou des milliers de personnes se retrouvent tous les jours. Récemment, j’ai commencé à travailler avec des guinéens. J’ai connu ; il faut l’avouer des commerçants guinéens très particuliers dans les démarches lorsque je travaillais dans le cargo guinéen. Mais bon parfois même si tu n’en tiens pas, tu es obligé de traiter avec la personne qui est en face.
C’est fréquent de rencontrer des commerçants guinéens qui te parlent dans les langues nationales du pays. Tu parles chinois, tu parles anglais ; aide-moi à comprendre la nature de ce produit ; je veux tel contact. Nous aussi, nous faisons le nécessaire pour avoir ce qu’ils veulent ; c’est-à-dire les satisfaire, on les conduit dans les marchés. En fin de journée le marché est conclu ; la paie s’effectue ; des journées sont rémunérées le plus souvent à 50 dollars, le jour ; vous percevez moins si le travail se prolonge jusqu’à une semaine ; si vous bougez encore avec eux dans d’autres provinces ou dans les usines, la rémunération change selon les zones et le travail effectué. Ce qui est important ; si un marché est conclu avec une usine ; le commerçant vous paye, l’usine aussi vous accorde un petit pourcentage.
Le monde entier se plaint de la vie chère. Comment le quotidien se manifeste en Chine surtout pour un étranger ?
Le coût de la vie dépend des régions. A côté, il faut noter qu’il y a beaucoup des inégalités sociales. La province où je vis est une grande métropole, donc la vie est très chère là-bas. Ce n’est pas trop loin de Hong-Kong au Sud du pays. C’est la ville commerciale de la Chine. Quand tu gagnes des marchés ; tu peux joindre les deux bouts sans problèmes. Tout dépend de ta crédibilité. Il y a des gens en Afrique qui peuvent te faire confiance, tu négocies tout pour eux à distance après tu embarques ; d’autres viennent vous faites les courses ensemble. Après, les deux parties sont contentes.
Ce que tu ne peux pas trouver comme travail, c’est dans le monde bureautique. Il ne faut pas occulter aussi les inégalités au niveau du passeport ; le passeport américain et européen sont plus valeureux que le passeport africain, en Afrique celui qui est mieux ici c’est le passeport Sud-africain. Pour les autres, il y a des soucis. Donc, tu trouveras mieux de te lancer dans les affaires au lieu de miser sur les bureaux. Donc, on opte pour l’informel.
L’informel, les affaires, être rémunéré à la tache c’est bien mais en période de crise c’est compliqué. Parlons du coronavirus qui est parti de la CHINE. Le pays a été confiné, des étrangers ont été persécutés. Comment vous avez vécu ces moments ?
Un très mauvais souvenir pour nous. C’est une période très difficile, la crise sanitaire a affecté beaucoup de gens et tous les secteurs d’activités ; le pays était l’arrêt d’un coup. Et ça continue d’affecter parce qu’il y a un nouveau confinement en cours dans toute la Chine particulièrement la ville de Ghouanzou. Cette période a été particulièrement difficile pour nous les africains. Africains noirs américains, nous avons été confinés, le monde entier en a parlé. L’impression qui s’est dégagé de cette crise sanitaire, c’est comme-ci c’est nous africains qui avons fait naitre le virus.
Nous étions dans les maisons ; les hôtels, nous n’avions pas le droit de sortir à tout moment. Même si on te voyait dans un endroit les gens s’éloignent de toi. Je me rappelle quand tu montais dans un bus on te laisse seul dans le bus. Il n’y avait pas de commerce tout était à l’arrêt. Près d’un mois nous étions confinés ; c’est suite aux pressions internationales que nous avons connus un répit. Le gouvernement chinois a facilité un peu les choses avec des campagnes de sensibilisation auprès de la population locale pour un changement de mentalité. Avec ce nouveau confinement il se fait de manière civilisée. Il y a moins de ségrégations.
La crise s’est déclarée d’un coup à partir de la ville de Wuan. Si tu n’avais pas réservé d’argent en banque la souffrance va te secouer ; nous sommes tous victimes. Le gouvernement guinéen avait fait un geste pour les compatriotes comme beaucoup de pays d’ailleurs. Après le travail en ligne a repris progressivement, les frets maritimes ont augmenté, un conteneur qui coûtait moins de 5000 dollars en transport s’est retrouvé entre 16000 et 17 000 dollars. Finalement, les commandes étaient faibles, les gens ne pouvaient plus commander comme avant ; le transport est devenu particulièrement cher. Certains de nos parents ont été victimes d’arnaque en ligne à des milliers de dollars. Après on a survécu.
Vous vous organisez comment au sein de la communauté guinéenne de Ghouanzou ?
C’est la province qui regorge de beaucoup plus d’africains. Les guinéens font partie des communautés les plus importantes en termes de nombre (businessman ; étudiants, résidents) tout. La communauté guinéenne a un président, un vice-président. Une association qui regroupe toutes les entités de la Guinée, les femmes aussi. Même des partis politiques ont des fédérations.
Vous êtes en séjour en Guinée. Nous apprenons que le retour en Chine pour les résidents qui sont sortis en période de crise sanitaire est compliqué. Comptez-vous répartir ?
Bon, c’est vrai mon séjour se prolonge en Guinée ! Le retour en chine est très compliqué surtout pour ceux qui ont quitté pendant la période de crise sanitaire particulièrement les étudiants ; ils n’ont pas pu rentrer encore en Chine. Parmi eux il y a une sœur qui suivait ses études en Chine, elle est venue avant l’obtention de son diplôme ; maintenant le retour est un peu difficile pour elle et les autres.
Risquer un retour en Chine sans la garantie d’entrer n’est pas recommandé. Surtout que le billet d’avion coûte entre 9000 et 10000 dollars. Prendre 100 millions de francs guinéens pour un billet d’avion. Si vous êtes rejetés après ,vous voyez le désastre financier. A côté, il y a le visa. Nous qui sommes rentrés, nous ne sommes pas prêts à repartir d’abord. Donc, nous sommes là pour l’instant.
Interview réalisée par Alpha Ousmane AOB Bah
Pour Africaguinee.com
Tél. : (+224) 664 93 45 45
Créé le 7 juin 2022 20:56Nous vous proposons aussi
TAGS
étiquettes: Diaspora guinéenne, Interviews