Délivrance de l’extrait de naissance numérique : Le responsable de l’état civil de Ratoma crève l’abcès…
CONAKRY- C’est un secret de polichinelle. De nombreux citoyens éprouvent des difficultés pour obtenir des documents officiels comme l'extrait de naissance numérique, nécessaire pour la confection de la carte d’identité nationale biométrique. Le calvaire a atteint un nouveau seuil ces dernières semaines. Dans les mairies, c’est la cohue totale. Pour parler de cette situation, votre quotidien en ligne a rencontré le chef service de l'état civil de la Commune de Ratoma. Au micro d’Africaguinee.com, M. Aliou Souaré parle sans détours. Il préconise aussi des pistes de solution pour soulager les citoyens.
AFRICAGUINEE.COM : Il y a beaucoup des plaintes liées à l'obtention des documents officiels, notamment l'extrait de naissance numérique et la carte d'identité nationale biométrique. Expliquez-nous les difficultés auxquelles vous êtes confrontés dans cette opération dans la Commune de Ratoma?
ALIOU SOUARÉ : Il y a des difficultés et je pense qu'il y en aura encore. Tant qu'on ne respectera pas les préalables nécessaires pour faciliter l'obtention de ces documents. Premièrement, pour obtenir la carte d'identité nationale biométrique il faut avoir un extrait de naissance numérique. Pour obtenir un extrait de naissance numérique, il faut avoir d'abord un extrait naissance ordinaire que tu as obtenu à ta naissance ou bien que tu as obtenu à travers un jugement supplétif. Mais ce qu'il faut comprendre, l'état civil a connu beaucoup des problèmes en Guinée. Il fut un temps, c'est des Maires dans les PRL qui délivraient des actes, ensuite il y a eu les commandants d'arrondissement. Des personnes qui ne sont pas formées en la matière ont produit beaucoup de documents qui ne restent pas les règles. A ce niveau maintenant, il y en a beaucoup qui ont des faux papiers.
Vous voulez dire par-là qu'il y a des gens qui viennent ici avec des faux papiers pour chercher l'extrait de naissance numérique ?
Oui il y a des gens qui viennent avec des faux papiers ici. Et, ils sont très nombreux d'ailleurs. On nous dit de digitaliser ça. Or, quand on digitalise un faux papier, on multiplie la fausseté. Partout où on a besoin d'un extrait de naissance, il y a des esprits malveillants qui produisent ces actes et nous, nous sommes là pour décanter puisque si nous voulons que la société guinéenne soit plus ou moins consciente, il faut que la conscience commence au niveau premier de ta naissance. Si au niveau de ton extrait de naissance, il y a des arrangements, laissez-moi vous dire que vous verrez des personnes qui auront besoin de s'arranger pour aboutir à un niveau qui ne sont pas bons pour la nation.
Comment se fait le paiement des frais liés à l'obtention de ces documents ?
Quand tu as un bon extrait, il te faut aller à la banque (Orabank ndlr) pour payer 160 mille Gnf. Les citoyens nous racontent les problèmes auxquels ils font face au niveau des banques. Certains nous signalent des cas de corruption. Ils achètent même le reçu tellement que les files sont longues. C'est indépendamment de notre volonté, mais les citoyens ont ce problème.
Est-ce que vous êtes suffisamment équipés pour confectionner ces documents dans un délai raisonnable ici à la Commune de Ratoma ?
Les difficultés des citoyens à notre niveau, ce qu'ils viennent à la commune ici à 5h du matin pour s'inscrire sur des listes. Quand ils s'inscrivent, par exemple la semaine dernière, on a inscrit 1268 personnes mais malheureusement on n'a que quatre (4) ordinateurs de saisie, un seul ordinateur pour valider tout ça, une seule imprimante qui arrive souvent à tomber en panne. Dès que tu tires 50 actes, il faut la laisser se refroidir au moins pendant 1h de temps pour reprendre la situation. Ça ralenti le processus.
Nous apprenons également que si par malheur vous faites des erreurs sur ces documents, par exemple sur le nom de la personne ou la date de naissance de l'intéressé…, il vous est impossible de rectifier. Expliquez-nous…
Malheureusement si on arrive à faire une erreur, la technique installée ne permet pas à un officier de l'état civil de corriger une erreur, si petite soit-elle. Pour corriger une erreur, il faut faire une randonnée d'un mois au Ministère de la Sécurité et au Ministère de l'administration du territoire et de la décentralisation. Ça peut durer, deux mois, trois mois…il y a même des gens qui ont déposé, ça fait six (6) mois pour corriger une simple lettre sur leur nom, mais les dossiers sont toujours là-bas et ils n'ont pas corrigé.
Qui prend en charge vos prestations ?
Les jeunes que nous avons ici et qui font le travail n'ont aucune rémunération. Jusqu'à présent c'est la commune qui essaie de penser à eux alors qu'ils travaillent même les dimanches. C'est pourquoi actuellement, la demande est forte. Puisqu'il y a eu une décision nationale pour dire qu'il faut que tout le monde ait sa carte biométrique. Vous voyez l'affluence que ça crée au niveau de Conakry tout en sachant que cette technique n'existe ni à Coyah, ni à Dubréka, ni à Forécaryah, ni à Boffa, ni à Fria…
Tous les cadres qui sont dans ces localités sont obligés de profiter de certains jours pour venir à Conakry pour chercher ces documents.
Imaginez-vous quelqu'un qui exerce une fonction dans les préfectures, il abandonne son travail pour l’obtention d’un papier. Non seulement il aura la pression de là où il travaille mais aussi la pression du temps qui est là. Voilà en quelque sorte les peines que nous enregistrons dans la numérisation des actes de naissance tout en comprenant que tant qu'on ne fait pas l'extrait de naissance numérique, la police ne peut rien faire pour avoir la carte d'identité nationale biométrique.
Quelles solutions préconisez-vous ?
La première des choses, il faut décentraliser ces services. Il faut amener ces services jusqu'auprès des citoyens. Quelque soit ce que cela nécessite, en matière d’installations techniques. Puisque les partenaires ont signé un contrat avec l'Etat, ils n'ont qu'à redoubler d'efforts pour faire des installations à plusieurs endroits pour que l'attroupement ne soit pas seulement au niveau des cinq (5) communes de la capitale.
Ensuite, il faut multiplier le nombre d'ordinateurs pour faciliter le travail. L'autre chose, il faut qu'on donne la possibilité et la compétence aux chefs de service de l'état civil de procéder à la correction de certaines erreurs de forme parce que c'est nous qui sommes devant les citoyens. Nous voyons la mine serrée d'un individu qui a perdu plus de deux mois pour avoir son acte de naissance et qu'il trouve après que son acte comporte des erreurs. Si on permet aux chefs de service de l'état civil de corriger ces erreurs cela pourra améliorer les qualités de service rendus.
Mais avec ce que nous vivons là, on n'a de la peine, on rentre à la maison des fois on n’arrive même pas à dormir parce que c'est comme si on est dans un champ de bataille. Tout ça parce que nous voulons avoir des résultats, mais les moyens qui accompagnent pour avoir ces résultats font défaut.
Interview réalisée par Oumar Bady Diallo
Pour Africaguinee.com
Tel : (00224) 666 134 023
Créé le 14 décembre 2022 10:07Nous vous proposons aussi
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