De la vie de Miss à celle de militante engagée : Le parcours inspirant de Fatimata Gueye…
DAKAR- « Ayant perdu très tôt mon père, j’ai vite compris qu’il faut rester debout à tout prix pour réussir ». Surnommée la « diva du Fuuta Toro », Fatimata Gueye est une militante engagée et entrepreneure. A l’occasion de ce mois de mars dédié à la Femme, Africaguinee.com l’a interrogé.
Fatimata est native du village de Diaba Lidoubè, nord du Sénégal, département de Podor, région de Saint Louis. Soutenue par sa mère, elle a fait ses études élémentaires dans son village. Depuis sa tendre enfance, elle a eu l’amour pour les concours de miss. Une activité difficile à mener dans une communauté conservatrice.
En dépit de tout, Fatimata a réussi à surmonter les obstacles et obtenir l’adhésion de ses parents pour faire ce qu’elle aime. Cette femme a brassé plusieurs couronnes dans sa région d’origine. Elle a notamment été miss du département de Podor, miss de la région de Matam en 2013 et miss Labaɗo en 2017. En 2019, elle a été 1ère Dauphine du concours « Reine Black Authentic ».
Cela n’a pas affecté ses études. Diplômée en markéting et commerce international, celle qui est surnommée la diva du Fuuta Toro, décide de s’engager dans la lutte contre la dépigmentation dans son pays avec le concept « Sénégal dans la Peau ». Un combat difficile au Sénégal où la dépigmentation est très ancrée. En plus de ce combat, elle mène également d’autres activités humanitaires. Entretien exclusif.
AFRICAGUINEE.COM : Vous avez été miss dans votre région d’origine ensuite dauphine à Dakar. Racontez-vos débuts ?
FATIMATA GUEYE : Merci Monsieur Bah, merci aussi à Africaguinee.com, qui est un organe par lequel nous nous informons de l’actualité guinéenne. Je suis peulh du Sénégal précisément de la région du Nord. Notre communauté reste très attachée à sa tradition. Elle est soudée, ambitieuse et ouverte.
Pour parler de mes débuts, je dois dire que depuis j’étais toute petite, j’aimais être miss. Mais c’est une fois arrivée au collège de Galoya qu’on m’a vraiment encouragé à m’engager dans des compétitions de Miss. De la 6ème à la 3ème (de la 7eme à la 10eme Année, NDLR) j’ai presque remporté toutes les compétitions auxquelles j’ai participé. Ça c’était au village. De passage, je salue toute la communauté de Galaynaaɓe. C’est grâce à ses encouragements que je suis allée au concours de Miss départemental de Podor en 2013. Podor relève de la région de Saint-Louis. Je suis la première Miss à quitter le département de Podor pour entrer dans la région de Matam.
Pour la petite histoire, c’est la commune de Oréfondé qui avait organisé un festival avec les Fans club Modou Lô que je salue de passage. Ils ont invité la fille qui a remporté le concours Miss du département de Podor. Je suis allée remporter la couronne. Oréfondé n’avait jamais participé au concours au niveau régional de Matam. Ils m’ont demandé d’aller prendre part à leur nom. Donc je suis allée à Matam pour représenter Oréfondé. J’ai remporté la couronne de Miss région de Matam 2013-2014, ensuite j’ai pris part au concours Miss Sénégal, puis Miss Labaɗo 2019. Au concours de Miss Reine Black Authentique, je suis sortie première Dauphine.
Avez-vous rencontré des difficultés avec les parents au début de votre carrière ?
Des obstacles familiaux, oui, j’en ai rencontré. Mais ma mère m’a beaucoup soutenue. Comme partout, le début n’a pas été facile surtout avec notre éducation. Mais j’ai pu montrer une autre image positive pour obtenir l’adhésion des parents. Il fallait montrer aux parents qu’une personne peut rester à la maison et adopter des mauvais comportements tout comme une personne peut faire le tour du monde et rester correcte. J’ai été exemplaire. C’est ce qui m’a permis d’avoir le soutien et l’acceptation de mes parents. Mais j’avoue qu’au début, c’était trop difficile. Dieu merci si je suis arrivée jusque-là, c’est grâce à la bénédiction et au soutien des parents. La vie n’a pas été si facile pour moi, quand je grandissais, je ne voyais que ma mère, j’ai perdu mon père très tôt. C’est là que j’ai compris qu’il faut rester debout à tout prix pour réussir.
Après le village, la région, Cap sur Dakar pour les études supérieures. Comment vous avez pu vous intégrer dans une telle ville ?
Rires ! C’est une évidence. Je suis arrivée à Dakar en 2014. J’ai fait ma formation en markéting commerce international. A côté, il fallait trouver quoi faire pour survivre dans la dignité. J’ai fait pas mal de petits boulots dans diverses entreprises. A la longue, je me suis rendu compte qu’il faut travailler pour soi. Créer quelques choses qui m’appartient. C’est difficile de faire un saut dans l’inconnu mais je me suis battue pour créer mon entreprise (…). C’est une entreprise spécialisée dans l’import-export, dans l’évènementiel, le commerce et la transformation des produits. Je fais la promotion des produits bio pour accompagner la lutte contre la dépigmentation.
Qu’est-ce qui vous a poussé à s’engager dans cette lutte ?
Quand j’ai été miss Matam, j’ai mené des campagnes de lutte contre le paludisme au Sénégal. Je suis allée dans les 14 régions du Sénégal, sensibiliser contre le paludisme, c’était en 2014. Je faisais aussi le social dans les écoles pour récompenser les meilleures élèves, aider les femmes à envoyer leurs filles à l’école. C’est fréquent de voir des filles qui abandonnent les études à mi-chemin. Quand j’ai été première dauphine Reine Black authentic à Dakar, tous les pays africains étaient réunis ici.
L’idée de créer l’association ‘’Sénégal dans la peau’’ est partie de là. L’Etat du Sénégal m’a reconnu. J’ai orienté le travail sur le social, l’humanitaire, éducation et la santé. Mais la santé vient en première position. Tous les projets du monde se greffent à la santé de ceux qui l’exécutent. C’est la santé avant tout. J’ai engagé la lutte contre la dépigmentation au Sénégal et en Afrique. Aujourd’hui, tenez-vous bien le Sénégal est le deuxième pays en Afrique après le Congo en termes de dépigmentation. Il ne fallait pas laisser passer ça comme ça.
La dépigmentation dérange la société sénégalaise et l’Afrique. Dans ce combat je ne suis pas seule, j’ai des médecins et dermatologues sénégalais et africains qui sont derrière moi pour m’aider à faire comprendre les dangers qui y découlent. Nous avons commencé par créer de l’huile bio à base des produits locaux qui se trouvent en Afrique. L’Afrique a des excellents produits naturels que nous n’utilisons pas. On a tout ici mais il nous manque de courage pour créer quelque chose de naturel.
Comment vous arrivez à surmonter les obstacles ?
Au début, c’était difficile mais nous rendons grâce à Dieu, la société sénégalaise comprend progressivement. Avec la sensibilisation il y a des sénégalaises qui ont arrêté la dépigmentation qui rejoignent le mouvement de lutte. L’autre aspect important qu’il faut dénoncer il y a des personnes qui font des produits toxiques pour donner aux femmes. L’autre angle, il y a des hommes qui poussent les femmes à changer leur peau. Imaginez quand tous les hommes exigent tous d’avoir des femmes à la peau claire. C’est aux femmes d’avoir le courage de rester elles-mêmes. Que tu sois claire, marron ou noir reste naturelle, ne fais jamais recours à la dépigmentation. Les femmes noires les plus célèbres, les plus connues sont celles qui ont gardé la peau noire avec fierté. Gardons cette belle couleur, chocolat, caramel. Si certains hommes noirs préfèrent la peau claire mais ils ne sont pas les seuls hommes sur terre. Des européens, des américains se bronzent à un certain moment parce qu’ils trouvent notre peau magnifique.
Si on rejette les femmes que nous sommes à cause de notre couleur de peau, il n’y a pas de problème, dirigez-vous vers les hommes qui feront tout pour avoir une belle femme ébène à leurs côtés. Il faut qu’on reste naturel à tout prix. Il y aura des hommes qui nous aimeront.
Est-ce qu’il y a des activités où fait la promotion des femmes naturelles existent au Sénégal ?
Oui, surtout dans le monde du Cinéma. Vous savez dans un film, ce n’est pas le message seulement et le contenu, mais dedans on vend aussi la culture, l’état naturel des personnes et du pays d’origine des films. Dieu merci, aujourd’hui au Sénégal, on voit des femmes naturelles sans égratignures de cosmétiques. Dans les séries TV avec l’industrie Cinématographique sénégalaises, c’est les femmes naturelles qui se valorisent, c’est elles qui sont choisies, c’est elles qui passent le bon message et qui attirent les regards dans ces films. Voici un angle positif de la lutte ; les réalisateurs contribuent à garder les femmes naturelles pour espérer des rôles dans un film.
A quel niveau vous focalisez votre lutte réellement ? Est-ce dans les marchés, les rues ou les salons de beauté ?
(Éclats de rires) je suis toujours sur le terrain à la rencontre des gens qui sont dépigmentés qui sont même vraiment horribles à voir. En dépit de tout, je discute avec eux, je demande c’est quoi leur problème. Elles donnent des réponses, je les encourage à abandonner. Certains acceptent sur place après avoir compris les méfaits de cette dépigmentation. Il y a une catégorie aussi qui n’ose même pas sortir. Dans les couloirs, ils disent que c’est moi qui sabote leur marché, que je dérange tout le monde, alors que je ne suis que là pour sensibiliser avec des vidéos et des photos des personnes victimes de dépigmentation. Ce combat n’est pas pour moi seule mais pour nous tous.
Les femmes africaines à la peau noire sont très belles. J’ai juste commencé au Sénégal où la société en souffre mais comme je le dis, nous irons dans d’autres pays du contient pour montrer que ça ne va pas. Après toutes les régions du Sénégal, nous irons dans les autres pays de la sous-région pour sensibiliser.
Est-ce que vous vous faites aider par les autorités pour barrer la route aux produits éclaircissants ?
C’est difficile de lutter contre l’hydroquinone en Afrique, les pays sont pleins de produits constitués de ses composantes. En Europe, tu n’oses même pas. Tu peux les mettre au fond de la valise pour les transporter mais quand on te prend avec, tu auras de sérieux problèmes. Malheureusement on prend les produits hydroquinones là-bas et dans d’autres continents on les envoie en Afrique. C’est ce qui m’énerve. Il faut que nous femmes africaines qu’on se revoit nous-mêmes, il faut réfléchir. Les européens adulent la peau noire. Ils voient une personne dépigmentée, on te considère fou ou malade parce que Dieu te donne quelque chose de merveilleux, tu enlèves tout. La dépigmentation crée beaucoup de maladies. Le diabète qui touche fort l’Afrique aujourd’hui est très mauvais avec la dépigmentation, ça conduit facilement à l’amputation. Les produits de dépigmentation sont constitués de sucre en partie. La dépigmentation développe beaucoup de maladies il faut qu’on fasse attention.
Fatima ! En plus de la lutte contre la dépigmentation, vous êtes également engagée pour la cause des droits de la Femme. Parlez-nous-en !
Quand vous menez ce genre de combat pour la cause des femmes, certains donne l’impression que vous êtes en train de remonter les femmes contre les maris. Non ! Loin de là, ce n’est pas le cas. Mais les gens comprennent peu à peu. Dans mon combat je n’incite jamais les femmes contre les maris pour des droits quelconques, non. Mon combat auprès des femmes, c’est d’avoir l’esprit d’entrepreneurial. Le mal, c’est de rester à la maison du matin au soir sans rien faire, le mari apporte tout. Il faut absolument rester dans ton foyer mais tu peux travailler, tu peux ne pas sortir de la maison, mais entreprendre sur place et aider ton mari. Imaginez si une femme est formée en transformation alimentaire avec ton diplôme tu restes chez toi tu travailles pour toi. Tu peux fabriquer du savon, de l’eau de javel, des poudres à laver, des jus naturels, des galettes et beaucoup d’autres choses pour vendre sur le marché. Mon combat c’est dans ce sens.
Au lieu d’attendre le mari à tout moment pour dire donne je vais me laver, m’habiller, c’est cette idée qu’il faut rompre dans le foyer. Il faut que la femme aide au lieu d’être un poids dans la société. Il faut que nous soyons des femmes battantes. C’est l’esprit de l’entreprenariat. Je suis militante et entrepreneure. On doit aider les femmes dans l’esprit là ; il faut les former afin qu’elles soient utiles pour tous.
Merci Fatimata Gueye
Merci à vous aussi Afrciaguinee.com
Entretien réalisé par Alpha Ousmane Bah
Pour Africaguinee.com
Tel : (+224) 664 93 45 45
Créé le 7 mars 2023 16:35Nous vous proposons aussi
TAGS
étiquettes: 08 mars