De Conakry à Kiev : A la découverte de Sadio Diallo, aviateur civil…
KIEV-Issa Sadio Diallo est parti en Ukraine en 1986 à travers une bourse de l’Etat guinéen pour ramener un diplôme d’aviateur civil, dans l’espoir de servir son pays. Malheureusement, une fois de retour en Guinée en 1993, la chance ne lui a pas souri. Comme beaucoup d’autres boursiers, il ne trouve aucune issue au bercail. Une situation qui l’oblige à retourne s’installer à Kiev, son rêve de servir son pays brisé.
Issa Sadio Diallo garde sa passion pour l’aviation. Mais le destin a fait qu’il n’a pas pu exercer dans le domaine qui le passionne depuis son enfance. « Projet de conception d’un turboréacteur à double contours, pour un aéronef de transport commercial avec une masse maximale au décollage de 180 tonnes et un rayon de vol moyen de 9000km », c’est son thème soutenance qu’il a présenté avec brio. Une soutenance sanctionnée par une mention excellente. Le témoignage de M. Diallo aujourd'hui, vice-consul de Guinée en Ukraine est passionnant.
AFRICAGUINEE.COM: Monsieur Issa Sadio Diallo ! Depuis 36 ans vous vivez en Ukraine. Vous aviez décroché une bourse d’Etat dans l’aviation civile. Comment vous vous êtes retrouvés dans cette filière ?
ISSA SADIO DIALLO : L’aviation, c’est quelque chose qui me tenait à cœur. L’histoire remonte à mon enfance à partir de mon quartier de Labé, Misside Hinndè. J’habitais à côté de l’aéroport, je voyais les avions décoller ou atterrir. Je me posais la question : comment un engin comme ça avec tout son poids pouvait se lever et voler ? Je suis resté dans cette interrogation jusqu’à ce que j’aie eu mon Bac à Labé. Après mon admission, j’ai été orienté à l’ENAM (école nationale des arts et métiers) à Conakry. Au départ, je devrais faire machinisme agricole. Après deux mois de cours, il y a eu une demande du ministre d’alors pour créer une faculté d’aviation civile en Guinée. Directement, j’ai postulé avec d’autres. J’ai été parmi ceux qui ont été retenus en première position. A l’ENAM de Conakry, il y avait donc cette faculté d’aviation civile. Au départ, on pensait qu’on allait être de grands ingénieurs pour servir notre compagnie Air Guinée. Vers la fin, nous avons compris qu’ils voulaient juste former des agents contrôleurs de tour.
La colère a éclaté à notre niveau parce que c’est les meilleurs qu’ils avaient sélectionnés. On se disait que nous n’avons pas cherché le bac pour être un simple agent de tour de contrôle. Fort heureusement pour moi et certains membres du groupe, une bourse nous a été accordée pour l’Ukraine. Je suis allé directement à la faculté de mécanique et cellule. C’est un monde qui me tient à cœur bien que je n’aie pas travaillé dedans, mais jusqu’à présent je fais des cours dans le domaine. Même récemment j’ai fait des cours en sécurité de système aérien. Ils ont aussi un centre de Boeing où je continue à passer suivre des cours. Le métier, je le suis toujours.
Expliquez-nous comment vous êtes partis en Ukraine ?
Je suis venu en Ukraine au mois de septembre 1986. Le Général Lansana Conté avait accordé une bourse à certains étudiants guinéens pour venir faire des études en aviation civile. Moi, j’ai été admis à l’institut d’ingénierie de l’aviation civile de Kiev. Avant mon arrivée, j’avais suivi des cours de langue russe pour un an (septembre 1986 à Aout 1987). En Septembre 1987, j’ai commencé les cours à l’université d’aviation civile.
Vous n’avez pas rendu service à la Guinée qui a assuré les frais de vos études. Pourquoi ?
Lorsque j’ai terminé mes études en février 1993, je suis rentré au pays avec mes diplômes et tous mes dossiers frais pour travailler au compte du pays à la fonction publique. A cette époque-là, il s’est avéré que la compagnie nationale Air Guinée avec le hangar qui était là, il y avait une gestion mixte civile-militaire. Il n’y avait que 2 avions fonctionnels, un 737 utilisés comme aéronef qui effectue des vols commerciaux et un autre 737 qui faisait office d’Avion d’Etat pour les missions officielles du gouvernement et du Président de la république. L’avion était aménagé à cet effet. (…) Je suis resté au pays jusqu’en 1994, comme il n’y avait pas un travail garanti que je pouvais faire, je suis revenu en Ukraine en 1994 pour mettre en place une petite société avec des amis. En 1995 je suis reparti en Guinée, je faisais partie d’un groupe de personnes qui ont envoyé des camions de marque KRAZ au pays.
Malheureusement, j’ai perdu les traces de ces camions avec beaucoup de soucis et en Guinée et au Mali. J’ai trouvé que le mieux, il fallait changer de filière de business. J’avais très vite compris que ce n’est pas évident de travailler avec certains compatriotes. Finalement, je me suis installé ici pour travailler sur place dans le commerce et autres. J’ai des boutiques de vêtement par-ci par-là particulièrement. J’exporte des denrées alimentaires vers la Guinée et une partie de l’Afrique. Avant la guerre j’exportais beaucoup jusqu’en Angola, la farine pour l’Ethiopie, le Soudan et un peu d’intrants agricoles. Je fais des négociations dans ce domaine aussi.
Qui étaient vos compagnons au compte des bourses offerts par l’Etat guinéen ?
Dans le même décret de bourse, j'étais venu avec Sanoussy Diallo. Lui, il a fini ses études dans la faculté d'économie du transport aérien. Nous avions trouvé Dr Konaté Karamoko, qui d'ailleurs a fait la même faculté de Mécanique en aviation civile. L'année d’après notre arrivée, nous ont rejoint deux autres étudiant de notre promotion. Ces deux derniers ont fait la faculté de Radioélectrique et équipement de navigation aérienne. Il s’agissait de Conde Ismael et notre regretté feu El hadj Mamadou Younoussa Diallo. Après eux, sont arrivés Bah Mamadou Djouma qui a fait la faculté d'électricité de l'aviation civile et Bryan Barry qui a fait la faculté d'informatique. Nous avions tous été de brillants étudiants et avions soutenus avec mention.
Malheureusement, la chance de pouvoir travailler n'a pas souris à beaucoup d'entre nous. A ce jour, aucun d'entre nous, en ma connaissance, n'a de poste à l'aviation civile ou à Air Guinée. Pourtant, nous pouvions et avions voulu servir notre chère patrie, personnellement mes demandes étaient déposées à ces deux directions, mais tout n'est pas facile ! Actuellement je suis entrepreneur privé, je fais des négociations dans le commerce, les transports, l'industrie, etc. Je suis membre fondateur de l'ONG "African Council in Ukraine " que j’ai présidée.
Avant votre départ c’est des guinéens qui donnaient ces cours à l’ENAM ?
Des guinéens bien sûr ! A l’ENAM, on avait les capitaines Bah Lamine professeur d’Operations aériennes, Réné Alseny Gomes qui fut ministre de l’intérieur qui tenait les cours de circulation aérienne, Monsieur Dianté Keita de l’ANA, Elhadj Mamady Kaba, qui fut également ministre, le colonel Moustapha Bah, professeur Aérodynamique, dynamique de vol et Thermodynamique. Je me rappelle d’un passage où il nous disait quand le pilote active sa vitesse de croisière, l’avion après il allume sa pipe et il croise ses bras. Ça nous faisait rire vraiment. Ils étaient nombreux Thierno Amadou Diallo, anglais technique. Jean Carter Hélice, l’alphabet aéronautique, la météorologie. Je garde des bons souvenirs.
Après tout comment vous êtes devenus vice-consul de Guinée en Ukraine ?
De 2012 à 2021 j'exerçais les fonctions de vice-consul honoraire de la République de Guinée en Ukraine. D’ici, j'ai été choisi par l'ambassade de Guinée à Moscou à l'époque. J'assumais ces fonctions de consul depuis des années à titre humanitaire et bénévole en assistant les compatriotes à tous les niveaux et à n'importe quel moment. C'est une mission que je m'étais fixée pour être utile et rendre service à ma patrie qui m'a formé.
Un dernier mot ?
Je regrette que des cadres compétents bien formés ou ayant le potentiel de l'être ne trouvent pas la chance de partager les connaissances qu’ils ont acquises, non sans difficultés, avec la population qui a tant besoin des services de qualité !
Propos recueillis par Alpha Ousmane AOB Bah
Pour Africaguinee.com
Tél. : (+224) 664 93 45 45
Créé le 26 avril 2022 20:21Nous vous proposons aussi
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