Dakar-fermeture des frontières: la galère des vendeurs guinéens à Sandaga…
DAKAR- Au pays de la Teranga, vit une forte communauté guinéenne. Il y a peu de statistiques fiables sur le nombre exact de guinéens vivant dans ce pays. Ils évoluent dans diverses activités avec une forte concentration dans le secteur informel. Des milliers d’entre eux font le commerce, dont la vente des fruits. Au marché de Sandaga, ils sont nombreux à avoir un regard sur la Guinée. La plus part de ceux-là que nous avons interrogés, sont doublement peinés. D’une part, la situation sociopolitique de leut pays d'origine qui n'est pas reluisante, de l'autre, la fermeture des frontières qui impacte leurs activités. Alors les produits fruitiers provenant de la Guinée se font rares sur le marché sénégalais, ces ressortissants guinéens interpellent les autorités de leur pays d'origine. Africaguinee.com est allé à la rencontre de certains de ces guinéens.
Installé depuis plusieurs décennies à Dakar, Mamadou Aliou Diallo, vend des fruits au marché Sandaga, l'un des plus grands centre de négoce de la capitale sénégalaise. Il vit de ce petit commerce. Depuis la fermeture des frontières entre la Guinée et le Sénégal, son activité est impactée.
«Les denrées en provenance de la Guinée ont une importance capitale dans le marché au Sénégal ici. Avec la fermeture des frontières, même les sénégalais ressentent de la peine à cause de l’absence des fruits guinéens sur le marché. Habituellement, avec les fruits guinéens, ils font beaucoup plus de bénéfice par rapport à ceux venus d’autres pays qui, aujourd’hui, sont en train de reprendre le dessus. Comme vous le voyez ici, il y a des fruits en provenance de l’Afrique du Sud, du Maroc, de l’Algérie», déplore ce guinéen vendeur de fruits.
Pour cet autre ressortissant guinéen, la fermeture des frontières n'est pas profitable aux débrouillards. « Certains fruits proviennent de l’Europe à cause de l’ouverture du pays, mais cela n’est pas profitable à ceux qui se débrouillent dans les marchés. Aujourd’hui, des centaines de femmes guinéennes sont bloquées partout. Les bananes, les avocats et les ananas qui viennent de la Guinée sont absents du marché sénégalais. Cela préoccupe les guinéens qui exportent. Nous qui avons nos places à Sandaga, nous prenons les denrées des autres pays, on n’attend pas la Guinée pour ça. Les pertes, c’est pour les guinéens qui exportent. Donc, à notre Etat de les sauver », précise Alphadio Bah dit Laamungoun.
Originaire de Pita, Alpha Oumar Bah se lamente, lui aussi, de la fermeture des frontières qui, selon lui, cause assez de pertes aux exportateurs.
« La situation qui prévaut avec la fermeture des frontières préoccupe les guinéens. Chacun cherche à faire la promotion des produits de son pays. Si vous constatez, les avocats ne viennent plus de la Guinée. Le hic, c'est que les guinéens ne peuvent pas tout absorber sur place, et nous n’avons pas les moyens de conserver, tout pourri sur place. Le kilogramme d’avocat se négocie ici aujourd’hui à 5000 FCFA (91.000 GNF). Si la Guinée exportait, ce montant pourrait rentrer au pays. Malheureusement, nos avocats pourrissent au pays là-bas alors c’est une perte pour les producteurs guinéens. Les maliens, les sénégalais et les ivoiriens profitent de notre absence sur le marché. Les ananas de la Guinée étaient très convoités ici. Mais actuellement, c’est les ananas de la Côte d’Ivoire qui font la loi ici. Nous avons vu un camion en provenance de la Guinée qui est sorti par Siguiri, le camion a traversé tout le territoire du Mali pour arriver à Dakar. Tout ça, c’est des difficultés pour nous et ce n'est pas rentable » , déplore-t-il tout en souhaitant la décrispation de la situation politique en Guinée.
A l’image des centaines d’autres femmes, Aminata Camara est exportatrice des légumes vers le marché hebdomadaire de Diawbhé en territoire sénégalais. Son activité est à l'arrêt depuis la fermeture des frontières, il y a quatre mois. Pire, elle a enregistré des pertes énormes.
« Partout, dans le monde, si on ferme des frontières, on laisse 24 heures à ceux qui sont sur la route pour éviter des désagréments. La nuit de l’annonce de la fermeture des frontières, nos camions de choux étaient déjà à la frontière. Le lendemain, on devrait traverser. La décision est tombée, ils ont préféré nous laisser perdre que de nous accorder une faveur. Finalement, tout est pourri dans les camions. On a subi beaucoup de pertes. Nous étions déjà du côté de Diawbhé pour attendre. Le kilo de choux qui était à 400 FCFA est vendu à 1000FCFA aujourd’hui », explique-t-elle.
D’autres victimes de la fermeture des frontières, ce sont les propriétaires des fermes avicoles en Guinée. Ceux-ci sont aussi fortement touchés par la rupture des produits qui servent à l’alimentation des poules pondeuses. Certains ont même jeté la clé sous le paillasson en attendant de voir une issue favorable. C’est le cas de docteur Mamadou Saliou Bah, fermier à Labé.
« 2020 a été une année difficile pour nous les aviculteurs. Certains avaient décidé de se reposer un peu parce que les problèmes ne faisaient que se multiplier. Les gens reprenaient peu à peu quand les frontières ont été fermées à nouveau. Même le maïs qui constitue un ingrédient important dans l’alimentation des poules pondeuses vient de l’étranger, les tourteaux de Cotton, les tourteaux d’arachides, les poissons salés séchés viennent du Sénégal. C’est tous ces produits qui sont mélangés pour nourrir les pondeuses. Même le concentré, parfois, vient du Sénégal. Nous entendons que la pêche existe en Guinée, mais nous n’avons pas une usine. D’ailleurs, les poissons pêchés dans nos eaux ne suffisent même pas pour la consommation domestique alors qu’au Sénégal les poissons sont abondants. Mais, si les frontières sont fermées comment importer les produits en Guinée pour sauver nos fermes ? D’ailleurs, certains vendent les poules pondeuses à perte pour éviter qu’elles ne meurent. Et c’est ce qui fait que fait la production des œufs est en baisse», a expliqué ce fermier.
La fermeture de la frontière guinéo-sénégalaise, n’affecte pas seulement les producteurs. D’autres conséquences, pas des moindres commencent à se faire sentir. Une crise généralisée des produits divers commence sur les marchés de la région de Labé directement ouvert au Sénégal. Les bouteilles de gaz de 6kg, vendues en temps normal entre 100 et 110 mille Gnf, se négocient entre 190 et 200 mille. Les boîtes de lait de 30 cl, autrefois vendues entre 3500 et 4000, sont déjà vendues entre 5500, 6000 et 7000 Gnf. Un sac de sel de 25kg qui coûtait moins de 40 mille Gnf a atteint la barre de 100 mille. Et les produits exportés souvent vers le Sénégal pourrissent sur place faute d'absorption totale par les populations locales.
Alpha Ousmane Bah(AOB)
Pour africaguinee.com
Créé le 6 janvier 2021 19:13Nous vous proposons aussi
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