Dadis, Alpha, Blaise, Bolloré et le port de Conakry : Mamadou Sylla lance un pavé dans la mare…
CONAKRY- C’est une saga de grands magnats digne d’un film hollywoodien ! Elhadj Mamadou Sylla, homme d’affaires très proche du Pouvoir depuis le temps de Lansana Conté, vient de faire de nouvelles révélations sur l’affaire Vincent Bolloré mis en examen à Paris pour corruption supposée dans l’acquisition du Port autonome de Conakry. Le leader de l’Union démocratique de Guinée (UDG) s’est confié à notre rédaction. Bonne lecture.
AFRICAGUINEE.COM : Vincent Bolloré a été mis en examen en France pour corruption d’agents publics étrangers pour obtenir le terminal à conteneur du port de Conakry. Que savez-vous de la venue du Groupe Bolloré en Guinée ?
ELHADJ MAMADOU SYLLA : En 2010, Vincent Bolloré a acquis le Port Autonome de Conakry par décret Présidentiel. Ce qui n’est pas normal. C’est quand même une convention de 25 ans et un montant de 500 millions d’euros. C’était trop pour faire signer ça en catimini. Ce n’est pas normal.
Le Terminal à conteneur était ténu par Nécotrans. Dites-nous comment le Groupe Nécotrans filiale de Getma International a bénéficié du marché d’exploitation du port ?
Nécotrans a soumissionné comme les cinq autres sociétés. Bolloré qui a duré dans la sous-région avait aussi soumissionné. Je rappelle que Bolloré est rentré en Guinée à travers Entag où il était actionnaire. Quand l’usine a pris feu toutes les nouvelles machines qui étaient là, il a tout pris pour s’installer ailleurs dans la sous-région au détriment de la Guinée. Tous les grands commerçants qui sont dans le marché de la cigarette le savent.
Nécotrans a remporté le marché sur les cinq candidats en lice. Bolloré voulait avoir le port en franc symbolique. A l’époque, il me demandait de l’aider. Même Demba Fadiga ne l’a pas nié quand on l’a interrogé sur les ondes d’une radio locale. Je connaissais mieux le dossier que tout le monde. Tous ceux qui parlent du dossier aujourd’hui ne le maitrisent pas. J’étais président du Patronat, président du secteur privé, à ce titre tout ce qui se passait surtout quand c’est économique j’étais au courant. Le marché du port avait fait trop de bruit. C’est pourquoi le Gouvernement a décidé de lancer un appel d’offres. Après Nécotrans a gagné le marché, il a payé une partie de la somme pour commencer à travailler. En 2008, le Président Conté est décédé.
Après Bolloré et ceux qui le soutiennent sont revenus à la charge pour dire qu’il faudrait qu’ils aient le Port. Il est passé par ses relations pour tenter d’annuler le contrat par Dadis Camara. Quand Dadis disait qu’il va annuler toutes les concessions minières, ils ont profité de ça pour dire qu’il faut aussi annuler le contrat du Port. Pour un début, Dadis a donné son accord, mais après quelques jours, il y a eu les mains des gens du Burkina Faso là-dans. Puisque la femme de Blaise Compaoré est actionnaire de Nécotrans. Blaise a fait venir son aide de camp qui était le Général Diendéré à l’époque. Finalement Dadis Camara a changé d’avis. Il a laissé Nécotrans de Getma International continuer le contrat. Il a simplement demandé de verser le montant qui restait 7.500.000 euros.
A ma grande surprise après deux ans, quand le Pr Alpha Condé est arrivé au Pouvoir, il a annulé le contrat par décret. Ce qui n’est pas normal. S’il dit que premier qui a gagné le marché est défaillant, mais le second est là. Je rappelle que Bolloré était troisième sur la liste. Mais qu’il soit deuxième ou troisième, quand le premier fait défaillance, qu’est-ce qu’on fait ? C’est des démarches de négociation. Mais le décret de résiliation du contrat de Nécotrans a été signé, deux jours après, on a attribué par décret le marché à Bolloré. Ce n’était pas du tout clair.
En plus on a dit que Bolloré va investir 500 millions d’euros pendant les 25 ans d’exploitation. Mais l’argent là, il ne l’a pas investi en Guinée. Il est parti faire des investissements au Cameroun dans un projet de palmier à huile. Ça veut dire qu’aujourd’hui ce sont les guinéens qui sont en train de payer ça. Le prix d’un conteneur aujourd’hui est plus cher en Guinée que dans tous les autres pays de la sous-région. Vous savez qu’au Bénin Patrice Tallon lui a enlevé le contrat. Ceux qui connaissent réellement Bolloré refusent de lui donner des marchés. Chez nous, comme notre président est son ami, il vient comme ça alors que toutes les formalités de contrats ne sont pas valables.
Pourquoi Dadis a accepté de maintenir le contrat de Nécotrans ?
Vous savez que les militaires à l’époque avaient besoin d’alliés sur le plan de la sous-région et sur le plan international. Comme Blaise était président de la CEDEAO et président de l’Union Africaine, sa femme était actionnaire, il a intercédé, Dadis a accepté. Pour avoir le ticket d’entrée, Nécotrans de Getma International a payé 15 millions d’euros, alors que celui qui était arrivé 2ème proposait 10 millions d’euros, Bolloré voulait payer 5 millions d’euros. Comme je le disais, que ce soit deuxième ou troisième, le contrat est trop lourd pour le signer en catimini.
Vous dites que vous êtes prêts à aller témoigner devant la justice française si on vous sollicitait. Pourquoi ?
C’est pour mon pays et pour la manifestation de la vérité. Si mon pays perd d’argent, c’est le pauvre citoyen qui souffre. Etant soldat de mon pays, je me bats pour que la vérité soit là et que s’il y a un dû que la Guinée doit recevoir, qu’on nous le retourne. Parce que même si moi je ne bénéficie pas, mes petit-fils vont en bénéficier demain.
En 2010 vous étiez alliés d’Alpha Condé. Pourquoi c’est maintenant que vous faites ces dénonciations ?
C’est vrai que j’ai quitté Alpha Condé il y a un an. Mais je l’ai servi loyalement en tant qu’allié. Ce n’est pas parce que je l’ai quitté que j’interviens sur ça aujourd’hui. Je n’ai pas été consulté. Je pensais qu’à l’époque, avant qu’il ne signe ces contrats, il allait se rassurer de beaucoup de choses en me consultant en tant qu’allié. S’il l’avait fait, j’allais le conseiller (…). Mais dès qu’il a signé le décret de résiliation du contrat de Nécotrans, ce sont les militaires qui sont venus se jeter sur le port. Ils ont tout bloqué. Tout cela n’était pas bon pour l’image du pays. Parce que ça peut décourager d’autres investisseurs de venir investir chez nous (…) Donc, si je ne dénonce pas ça, j’aurai manqué à mon devoir de bon citoyen. Pour la manifestation de la vérité, si la justice française m’invite je suis prêt à aller donner plus de détails.
Entretien réalisé par Diallo Boubacar 1
Pour Africaguinee.com
Tel : (00224) 655 311 112
Créé le 28 avril 2018 20:32
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