Crise ukrainienne : l’Occident annonce une série de sanctions contre la Russie
Le feu vert du Parlement russe à une opération militaire en Ukraine est « le début d’une invasion » du pays, a dénoncé le président des Etats-Unis, Joe Biden, en dévoilant de premières sanctions contre Moscou, comme ses partenaires occidentaux. Des mesures qui restent pour l’instant modestes par rapport à celles promises en cas d’invasion d’ampleur.
La crainte d’une escalade militaire en Ukraine est à son paroxysme depuis que Vladimir Poutine a reconnu, lundi, l’indépendance des entités sécessionnistes de Louhansk et de Donetsk, situées dans l’est de ce pays. Selon Washington, 150 000 soldats russes ont été déployés aux portes de l’Ukraine.
A Moscou, le vice-ministre de la défense, Nikolaï Pankov, a lu devant le Sénat une demande du président russe de déployer des troupes dans les entités de Donetsk et Lougansk, au motif qu’une « armée [ukrainienne] de 60 000 hommes et de blindés lourds » serait prête à attaquer.
Vladimir Poutine acte la fin du processus de paix
Juste après avoir reçu l’accord des élus, M. Poutine a dénoncé une fois encore les exactions que Kiev commet d’après lui contre les séparatistes du Donbass. Il a laissé planer le doute sur le calendrier de l’envoi de forces armées, en réclamant une « démilitarisation » de l’Ukraine, qui ferait « mieux » de renoncer à son ambition de rejoindre l’OTAN pour choisir la « neutralité ».
« Je n’ai pas dit que nos soldats vont y aller là, maintenant (…) Cela dépendra, comme on dit, de la situation sur le terrain », a-t-il déclaré, s’exprimant lors d’une conférence de presse surprise. Juste après, la diplomatie russe a annoncé l’évacuation prochaine de ses diplomates d’Ukraine.
M. Poutine a aussi revendiqué pour les séparatistes l’ensemble des régions administratives de Louhansk et de Donetsk, dont la superficie dépasse largement celle des territoires sous leur contrôle. Moscou a aussi établi des relations diplomatiques avec les deux régions.
Le président de la Fédération de Russie a également annoncé que les accords de Minsk, signés en 2015 pour établir un cessez-le-feu dans l’est de l’Ukraine, « n’existent plus », actant ainsi la fin du processus de paix en cours, sous médiation franco-allemande.
L’Allemagne suspend l’autorisation du gazoduc Nord Stream 2
Du côté des Occidentaux, la mesure de représailles la plus forte a été annoncée par Berlin, qui a suspendu le gazoduc Nord Stream 2, projet phare pour Berlin comme pour Vladimir Poutine. Le coup d’arrêt, peut-être définitif, à ce chantier pharaonique a été donné par Olaf Scholz, le chancelier allemand lui-même.
« Nous devons réévaluer la situation, en particulier en ce qui concerne Nord Stream 2 », a déclaré M. Scholz lors d’une conférence de presse, ajoutant que le ministère de l’économie allait réexaminer le processus de certification compte tenu des actions de la Russie.
Le projet Nord Stream 2, chapeauté par le géant gazier public russe Gazprom et financé en partie par des compagnies énergétiques européennes, dont l’allemand Uniper et le français Engie, est censé permettre à la Russie de fournir à l’Allemagne deux fois plus de gaz tout en contournant l’Ukraine. Nord Stream 2 relie la Russie à l’Allemagne par un tube de 1 230 kilomètres sous la mer Baltique d’une capacité de 55 milliards de mètres cubes de gaz par an, sur le même parcours que son jumeau Nord Stream 1, opérationnel depuis 2012.
Le projet, estimé à plus de 10 milliards d’euros, a été cofinancé par cinq groupes européens du secteur de l’énergie. L’Allemagne est au sein de l’Union européenne le principal promoteur du gazoduc, qui, selon elle, l’aidera à accomplir la transition énergétique dans laquelle elle s’est engagée, tout en faisant de son territoire un hub gazier européen.
L’Ukraine, au premier chef, craignait de perdre les revenus qu’elle tire du transit du gaz russe et d’être plus vulnérable vis-à-vis de Moscou. Son président, Vlodymyr Zelensky, a réitéré mardi matin son appel à un arrêt « immédiat » du projet. Son chef de la diplomatie s’est félicité de la suspension, « politiquement et moralement justifiée ».
Sur Twitter, Dmitri Medvedev, le vice-président du conseil de sécurité de Russie, a ironisé : « Bienvenue dans un nouveau monde où les Européens paieront bientôt 2 000 euros le mètre cube de gaz ! »
Joe Biden annonce des sanctions financières
A la Maison Blanche, le président américain, Joe Biden, a dénoncé mardi « le début d’une invasion russe de l’Ukraine », annonçant des sanctions financières contre la Russie et de nouvelles livraisons d’armes « défensives » à l’Ukraine.
M. Biden a annoncé une « première tranche » de sanctions qui doivent couper la Russie des financements occidentaux et visent les « élites russes » ainsi que des institutions financières. « Nous mettons en place de vastes sanctions sur la dette souveraine russe. Cela signifie que nous coupons le gouvernement russe du financement occidental », a-t-il déclaré.
Si la Russie « poursuit son agression », les Etats-Unis continueront à fournir une assistance défensive à l’Ukraine, a-t-il insisté. « J’ai autorisé le redéploiement de forces américaines déjà positionnées en Europe pour renforcer nos alliés baltes, l’Estonie, la Lettonie et la Lituanie », a poursuivi le chef de l’exécutif.
M. Biden a rappelé que les Etats-Unis n’abandonnaient pas l’espoir de trouver une issue diplomatique. « Il ne fait aucun doute que la Russie est l’agresseur, nous sommes donc conscients des défis auxquels nous sommes confrontés », a-t-il dit. « Néanmoins, il est encore temps d’éviter le scénario du pire qui infligera d’énormes souffrances à des millions de personnes. »
Rencontre annulée entre les chefs de la diplomatie russe et américain
Le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, a, lui, annoncé mardi qu’il ne rencontrera pas comme prévu son homologue russe Sergueï Lavrov.
« Maintenant que nous voyons que l’invasion a commencé et que la Russie a clairement rejeté toute diplomatie, cela ne fait aucun sens de se rencontrer à ce stade », a déclaré M. Blinken au cours d’une conférence de presse commune avec le ministre ukrainien des affaires étrangères, Dmytro Kuleba.
MM. Blinken et Lavrov devaient initialement se rencontrer jeudi 24 février. Cette réunion devait même servir de préalable au sommet proposé dimanche soir par Emmanuel Macron entre le président américain Joe Biden et son homologue russe Vladimir Poutine.
L’UE annonce « un paquet de sanctions »
Les 27 Etats membres de l’UE ont approuvé une série de sanctions contre la Russie. « Nous sommes tombés d’accord sur un premier paquet de sanctions à l’unanimité », a annoncé le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, à l’issue de la réunion des 27 ministres des affaires étrangères à Paris.
Ces sanctions, qui doivent encore être formellement adoptées pour entrer en vigueur, « feront très mal à la Russie », a ajouté le chef de la diplomatie de l’UE, Josep Borrell, en précisant que le gel d’avoirs et l’interdiction de visas viseront notamment les 351 députés russes de la Douma qui ont approuvé la reconnaissance de l’indépendance des territoires séparatistes.
« Les sanctions cibleront également 27 individus et entités qui contribuent à miner ou menacer l’intégrité territoriale de l’Ukraine, sa souveraineté et son indépendance », a détaillé Josep Borrell en évoquant « les acteurs du secteur de la défense qui jouent un rôle dans l’invasion » du pays, « ceux qui ont lancé une campagne de désinformation contre l’Ukraine » et « les banques qui financent les responsables russes et d’autres opérations dans ces territoires » séparatistes.
L’UE compte également cibler « les relations économiques entre les deux régions et l’Union européenne », et enfin « la capacité de l’Etat russe et de son gouvernement à accéder à notre marché financier et aux marchés de capitaux européens pour refinancer leur dette », a-t-il ajouté.
Londres sanctionne des banques
A Londres, le premier ministre britannique, Boris Johnson, a annoncé des sanctions visant trois oligarques proches du Kremlin et cinq banques russes. Des mesures minimes pour Londres, la place forte financière des grandes fortunes russes.
« Aujourd’hui, le Royaume-Uni sanctionne les cinq banques russes suivantes : Rossiya, IS Bank, General Bank, Promsvyazbank et Black Sea Bank, et nous sanctionnons trois individus disposant d’une très importante fortune », a déclaré le chef du gouvernement au Parlement. « Il s’agit de la première tranche, du premier barrage de ce que nous sommes prêts à faire », a-t-il ajouté.
Parmi les trois personnes sanctionnées figurent l’homme d’affaires Guennadi Timtchenko, un proche de Vladimir Poutine. « Tous les actifs qu’ils détiennent au Royaume-Uni seront gelés et les individus concernés se verront interdire tout voyage ici », a précisé Boris Johnson.
Le premier ministre britannique s’est également opposé aux matchs internationaux en Russie, comme la finale de Ligue des champions de football, le 28 mai, à Saint-Pétersbourg.
LeMonde.fr
Créé le 23 février 2022 02:19Nous vous proposons aussi
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