Crise à la RTG, plainte annoncée contre Aminata Kaba : Martin Fancinadouno fait le grand déballage…
CONAKRY- A la Radiodiffusion télévision guinéenne (RTG), les jours se suivent et se ressemble. La crise qui secoue la mère des médias en Guinée perdure.
Alors qu’un espoir se dessinait suite à la reprise du dossier par le premier ministre, les choses ne se sont vites dégradées. Conséquence, le syndicat a décidé de maintenir la pression en poursuivant le débrayage. Les travailleurs n’assurent que le service minimum jusqu’à ce que leur plateforme revendicative soit satisfaite.
Dans ce contexte de bras de fer avec la ministre de l’information et de la communication, les travailleurs ont décidé de ramener l’ancien logo de la RTG. Suite aux violences dont ont été victimes certains travailleurs vendredi dernier, le syndicat n’exclue pas de porter plainte contre madame Aminata Kaba.
Pourquoi la négociation enclenchée par le Premier ministre n’a pas abouti ? Qu’est-ce qui s’est passé ? Pourquoi la crise s’est crispée d’un cran ? Jusqu’où comptent aller les travailleurs de la RTG ? Africaguinee.com a interrogé Saa Matin Fancinadouno, secrétaire général du syndicat des travailleurs de la RTG.
AFRICAGUINEE.COM : Une crise secoue la RTG depuis quelques semaines. Où en sommes-nous dans les négociations ?
SAA MARTIN FANCINADOUNO : D’abord, je vais vous parler de la genèse de ce conflit. Car cette affaire de suspension du directeur Général Fanah Soumah n’est qu’un élément déclencheur pour les travailleurs de la RTG qui ont décidé de manifester leur mécontentement. Il y a eu cumul de problèmes. Nous sommes partis du logo, par la suite un problème de facturation par Madame la ministre qui a dit que désormais, toutes les prestations de la RTG devraient être payées au trésor, nous avons sensibilisé les travailleurs il n’y a pas eu de problème. Le logo de la RTG, au niveau de la présidence, la DCI (direction de communication et de l’information) a pris le dessus. Nous avons digéré. Il y a aussi eu le problème de budget quand les gens ont fait comprendre aux autorités du ministère de l’information et de la communication que la RTG avait son budget de production et de fonctionnement.
La RTG est logée dans le budget du ministère de la communication, mais jamais une aiguille n’est revenue à la RTG. Qui gère ce budget et à quelle fin ? Pendant que la RTG traverse des moments les plus difficiles de son histoire en termes de fonctionnement. Il n’y a pas d’équipements adéquats, il n’y a pas de caméras, le parc automobile est vétuste avec tous les problèmes qui s’en suivent.
Voulez-vous dire que tous ces problèmes sont venus se greffer au cas du plateau et autres ?
Après l’installation du plateau, il a eu des problèmes, d’abord techniques. Les présentateurs ont voulu aller en grève au lendemain de l’opérationnalisation. Pourquoi, alors que le logo est parti ? Tout est flou à l’antenne. Le plateau en tant que tel n’est pas mal mais les équipements ne sont pas de qualité, il n’y a pas d’éclairage, le son n’était pas audible, on voyait tous les captures qui circulaient les réseaux sociaux.
Alors, la ministre est venue au plateau, il y a cet incident technique. La télé a lâché, elle a dit que c’est un sabotage. Moi en tant qu’acteur social et syndicaliste, je l’ai dit et répété, Mme la ministre devrait se demander entre elle et les équipements qu’elle a installés à Koloma, qui a saboté l’autre ? C’est dire que si elle devrait s’en prendre à quelqu’un, c’est d’abord de comprendre comment les équipements sont obtenus ? Qui les a livrés et qui a conduit les travaux ? Le lendemain elle prend une décision sanctionnant le Directeur général de la RTG et le Rédacteur en Chef de la télévision nationale. Ce dernier n’était pas là d’ailleurs, ça ne relève pas de lui, il ne connait pas qu’est-ce qu’il y a comme fonctionnement technique à la régie et les autres compartiments techniques. Lui son rôle, c’est comment la ligne éditoriale est observée. Est-ce que des propos offensant le président de la République ont été tenus ? Est-ce que ce sont des propos qui mettent à mal le tissu social ? C’est son rôle de veiller sur ça.
Le directeur général, on dira dans le système franco-français, s’il y a faute, il faut taper la tête. Mais si nous rentrons dans les détails, il y a un directeur de chaine de la télévision nationale, il y a le directeur technique, celui des studios, tous ceux-ci ne sont pas inquiétés mais c’est le directeur général qui est inquiété. Voilà pourquoi les travailleurs n’ont pas compris. Ils ont pensé que c’est des agissements purs et durs de l’autorité du ministère de l’information et de la communication. Ils sont descendus en ville, loin du syndicat, il y a eu des propos allant dans tous les sens. Il était prévu qu’il n’allait pas y avoir de journal, mais nous sommes intervenus, car les auditeurs et téléspectateurs, pour le respect de monsieur le président de la République qui n’a rien à voir (…), on a dit qu’on va passer le minimum. C’est ce qui fut avec 32 minutes de journal 20h 30.
Le lendemain, nous sommes transportés au ministère, on a engagé les négociations avec Mme la ministre. C’était un week-end, on nous a dit d’attendre le lundi. Le jour j nous y sommes allés, c’est en cela d’ailleurs je salue les efforts du premier ministre, du ministre de la fonction publique, du conseiller en communication du premier ministre.
Ce jour, les concernés (Fana Soumah et Adama Keita) se sont exprimés ainsi que le directeur technique de la RTG. La commission discipline a eu d’amples informations. Mais le problème, la ministre a un conseil de discipline à son département, ce conseil n’a pas été saisi pour entendre messieurs Fana Soumah et Adama Keita. Elle saisit directement la commission discipline de la fonction publique, le premier ministre, elle demande, au-delà de la sanction, que la signature des comptes de la RTG à la banque centrale soit retirée à Fana Soumah. Ça vient prouver les agissements de Mme la ministre contre l’autorité de la RTG.
Alors que nous, on avait pensé qu’elle avait juste fait une mise à disposition de ces deux cadres. Ce sont des mesures conservatoires qui devraient être étudiées à l’interne, examinées par le conseil de discipline du département de l’information et de la communication. On retient donc, la faute n’a pas été consultée. Il n’y a pas eu d’avertissement et elle a pris la sanction. On nous dira que c’est une sanction d’ordre administratif, mais ce qu’on peut retenir, si une décision administrative engendre un conflit, voilà ce qui explique l’implication du syndicat pour tenter de résoudre cette crise qui perdure d’ailleurs.
Que peut-on retenir de la médiation du premier ministre Dr Bernard Goumou ?
Lors de notre dernière au cours de laquelle lui-même a salué nos efforts, le niveau de responsabilité des travailleurs de la RTG pour accepter de faire le service minimum, et décrocher la bande passante (…). Il a invité à la sagesse, en nous demandant de retourner vers Mme la ministre et gérer le reste en famille et que lui a déjà balisé le chemin. On a salué l’approche du premier ministre. Il a désigné son ministre de la fonction publique pour nous accompagner et nous sommes allés chez la ministre.
Alors, Mme la ministre est aujourd’hui devant un grand dilemme. Il y a ceux qui attisent autour d’elle. Il y a des gens qui tirent de ficelles, certains même ne veulent pas que la RTG ne revienne au cabinet, que son directeur sanctionné ne soit pas rétabli. Ces gens-là, nous les avons identifiés. Le moment venu vous entendrez les travailleurs de la RTG sur leur sort.
Au ministère, Mme est venue avec M. François Mara, directeur général de l’AGP et monsieur Koné directeur général du journal Horoya. Nous étions deux syndicalistes, mais j’ai dit au ministre de la fonction publique que les deux autres ne devraient pas participer à la réunion, finalement ils sont restés à côté.
Après la prise de parole de monsieur le ministre, nous syndicalistes avons enchainé. C’est ainsi que nous avons présenté toutes nos excuses à Mme le ministre au nom des travailleurs de la RTG si toutefois elle a été touchée par certains propos dans le cadre de la gestion de cette crise. On lui a expliqué l’enjeu de reprendre la RTG, notre Directeur général et Rédacteur en chef. Et que s’il y a des manquements à un niveau nous les assumons et promettront que cela ne se reproduira plus. On a promis que nous syndicalistes allons-nous employer pour que cette réconciliation entre elle et les travailleurs soit effective.
Nous lui avons fait cette promesse, et par la suite, elle a aussi dit de lui donner 5 minutes et se retrouver monsieur le premier ministre. Nous sommes rentrés. J’attendais la primeur de l’information avec monsieur le premier quand on s’est quittés. Le ministre de la fonction publique a déclaré la fumée blanche a jailli, qu’il ne pouvait que la remercier. On nous a dit de rentrer et que le lendemain, on nous donnera l’acte rétablissant nos chefs à leurs fonctions. Car le principe est acquis.
Nous sommes revenus vers les travailleurs, on avait réussi à les convaincre les à reprendre le travail à la suite de notre rencontre avec le PM et le ministre de la fonction publique. Parce qu’il faut respecter l’autorité de l’Etat. C’est ainsi que le travail normal a commencé.
Alors, on est revenus à la RTG Boulbinet où il y avait l’essentiel des travailleurs. Le camarade Boubacar Bah, le trésorier de la fédération du syndicat professionnel des travailleurs du ministère de la communication a pris la parole pour annoncer que la fumée blanche a jailli. Que nos camarades sanctionnés seront rétablis dans leurs fonctions le lendemain. J’ai renchéri en disant aux travailleurs de tourner la page et de considérer la ministre comme notre maman, de reprendre le travail.
On avait prévu même de couper le gâteau avec la ministre si la décision nous parvenait le jeudi soir, et évidemment que Fana Soumah et Adama Keita viennent lui présenter des excuses et qu’on enterre la hache de guerre. Le jeudi 18 mai, on attendait la fin du conseil des ministres pour recevoir la ministre à la Boulbinet. Mais ce jour, on est restés jusqu’à 16 heures, rien. J’ai appelé le ministre de la fonction publique pour l’informer qu’on n’a pas l’acte. Le ministre était surpris. Il a contacté le premier ministre et la ministre de l’information et de la communication.
Finalement vers 17h 30, le premier ministre a dépêché son conseiller en communication Aboubacar Camara qui est allé voir la ministre. Jusqu’à 20h 30, il sort nous voir pour dire que la ministre a posé d’autres conditions. Et que rien n’est obtenu. Les travailleurs étaient dans tous leurs états. Mais puisqu’il faisait nuit on leur a dit de rentrer pour attendre des instructions à suivre. C’était très difficile pour nous d’autant plus qu’on avait annoncé la fumée blanche. Mais puisque les travailleurs de la RTG ont confiance au syndicat, c’est pourquoi on s’est retrouvé vendredi en ville, à Kaloum.
Nos camarades se sont rendus là-bas. J’étais à Koloma, les travailleurs m’ont appelé pour me dire que la ministre est arrivée au département. Je suis passé donc à Koloma pour prendre la première décision que les travailleurs nous ont dite, qui est celle du retour de l’ancien logo de la RTG. Je suis passé, ils ont remplacé le logo devant moi après on a pris la décision qu’il n’y aura pas de journal de 13h et de 19 h à la télé. A la radio, il n’y aura pas d’émissions interactives. On assure juste le service minimum.
Alors que je rejoignais les autres au département en ville, les travailleurs m’ont appelé pour m’informer que la ministre a appelé 14 pickups de gendarmes. Certains éléments les ont agressés. D’abord notre collègue Makalé Soumah, elle était assise, le gars (gendarme) est venu marcher sur son pied. Elle c’est comme s’il savait qu’elle était une personne à mobilité réduite. Son pied s’est enflé et puis il l’a frappée. Les mêmes éléments ont frappé certains d’entre nous, dont une femme en état de grossesse, un autre de Boulbinet a été frappé, ils lui ont retiré son téléphone et son argent. On a pratiquement sept (7) cas à gérer.
Sous le feu de l’action on a annoncé qu’on va porter plainte contre la ministre parce que c’est elle qui a fait venir les gendarmes. Mais j’ai averti le conseiller en communication du premier ministre sur ce qui venait de se passer. De négociation en négociation, le premier ministre nous a dit de rentrer jusqu’au lundi 22 mai car il n’est pas en Guinée. Nous avons respecté son instruction et on a quitté les lieux.
Mais les travailleurs n’ont pas manqué de dénoncer l’attitude de la ministre qui a fait un rétropédalage. Voulait-il discréditer le syndicat ou diviser les travailleurs ? Dans tous les cas, nous nous sommes ensemble et évoluons.
On avait dit qu’on portait plainte contre elle. Mais lorsque nous nous sommes retrouvés et avons consulté les autres organisations syndicales maires, ils nous ont dit de murir la réflexion. Dans tous les cas, nous attendons le premier ministre pour lui faire le point.
A suivre…
Entretien réalisé par Siddy Koundara Diallo
Pour Africaguinee.com
Tel : (00224) 664 72 76 28
Créé le 21 mai 2023 14:09Nous vous proposons aussi
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