Cours à distance : Que des couacs, Mory Sangaré interpellé…
CONAKRY-Les cours à distance initiés par le gouvernement pour permettre aux élèves de terminer les programmes avant le début des examens nationaux sont vivement critiqués dans la cité. Si les élèves se plaignent du manque de compréhension et la rapidité des cours diffusés à la télévision et à la radio, certains enseignants et syndicalistes ne voient d’ailleurs pas l’opportunité des cours à distance. Selon eux, le pays ne dispose pas de moyens logistiques adéquats qui facilitent la transmission de ces cours. Le ministre de l’Education Mory Sangaré est interpelé.
Depuis le début de ces fameux cours à la télévision et à la radio, élèves et encadreurs interrogés par Africaguinee.com, crient au scandale. Comment dans un pays où l’électricité est un luxe pour la plus grande majorité de la population peut-on initier des cours en ligne ?, s’interroge un encadreur. En Guinée, les délestages se font sentir même dans la capitale. A Conakry, le courant ne couvre pas tous les quartiers. Malgré la construction de plusieurs barrages électriques, les populations ont du mal à avoir le courant pendant 6 heures dans les 24 heures. Et cela constitue un handicap considérable dans la retransmission des cours à la télévision.
A l’intérieur du pays, on peut compter au bout des doigts les grandes villes qui ont la chance d’avoir le courant pendant 2 heures durant toute la journée. Au-delà de ces grandes villes, le courant électrique est quasi inexistant dans les sous-préfectures et les districts à l’intérieur de la Guinée alors que des milliers d’élèves y vivent.
Comme beaucoup d’autres élèves, Koria Keïta élève en terminale sciences sociales a du mal comprendre les cours qui sont dispensés à la télévision. Interrogée sur ce sujet, cette candidate au Baccalauréat unique session 2020 a dénoncé plusieurs manquements dans ce système initié par le gouvernement guinéen.
« Je suis les cours à la télévision. Le lundi j’avais suivi les mathématiques mais malheureusement je n’avais rien compris. Imaginez lorsqu’on était à l’école on suivait les cours pendant 2 heures et qu’on n’arrivait pas à comprendre. Ce n’est pas un cours de 46 minutes, de 30 minutes suivi à la télévision ou à la radio qu’on va comprendre. C’est un peu compliqué, je n’arrive pas à comprendre. Même si on a envie de poser des questions je me demande comment les poser à travers ce système. C’est un peu gauche. Encore, je trouve les cours rapide, je n’ai rien saisi des cours », a dénoncé cette élève avant de lancer un appel aux autorités.
« Je demande aux autorités de venir en aide en trouvant un autre moyen pour que les examens se déroulent dans les bonnes conditions afin que nous puissions décrocher nos examens. Parce qu’avec ces cours distance, on n’arrive pas à comprendre les explications et le temps est minime », a déploré cette candidate au BAC cette année.
Yaya Barry est également candidat au Brevet d’Etude du Premier Cycle BEPC. Avant d’expliquer qu’il a du mal à comprendre les cours à la télévision, cet élève soutient que ce programme est en retard par rapport à l’évolution des cours dans les classes.
« Le mardi dernier, j’ai suivi le cours à la télévision mais le problème c’est le premier chapitre qu’ils ont donné alors que nous on a fini ce chapitre. Mais les cours sont rapides, difficilement on va comprendre. Je demande au gouvernement de revoir ce système pour nous permettre de bien capter les cours », a expliqué cet élève de la 10ème année.
Chez les encadreurs, certains enseignants restent sceptiques sur le bon fonctionnement et l’impact de ce système. Ousmane I Bah donne des cours d’histoire et géographie dans plusieurs écoles de la capitale Conakry. Selon lui, ces cours à distance ne toucheront que 10% des candidats de cette année.
« Je salue l’initiative qui est bonne mais vue la situation de notre pays, la cible ne pourra jamais atteindre. Avec ces cours à distance, à mon avis c’est seulement peut-être 10% des candidats aux examens qui pourront en bénéficier. Parce qu’on constate même à Conakry ici il y a des endroits qui n’ont pas le courant régulièrement et généralement les élèves guinéens ne sont pas habitués à suivre les cours en ligne. Moi j’aurais voulu qu’on passe par des sensibilisations d’abord avant d’imposer ça aux élèves. Cela va créer l’inégalité entre les élèves parce que certains pourront suivre et d’autres n’auront pas l’occasion. Donc je ne vois pas réellement la bonne marche de ces cours à distance », a expliqué cet enseignant.
« Si toute fois lors des examens ils arrivent à donner le premier et le deuxième chapitre qu’on a eu à faire, peut être les élèves pourront s’en sortir. Mais s’ils disent qu’à partir de ces cours en ligne ils vont proposer des sujets, j’avoue que ça va être un échec total. Donc j’interpelle le ministre de l’éducation nationale sur cet aspect », a-t-il ajouté.
De son côté, le Secrétaire Général du Syndicat Libre des Enseignants et Chercheurs de Guinée (SLECG) dit n’avoir pas vu l’opportunité d’organiser ces cours à distance. Selon lui, c’est seulement les élèves qui ont des parents riches qui pourront bénéficier de ce programme.
En ce qui concerne les élèves qui se trouvent dans les zones reculées et qui ne pourront pas suivre ces cours à distance, l’Association des Elèves, Etudiants et Diplômés pour le Développement (AED) dit avoir pensé une à une solution. Mouloukou Souleymane Diawara, propose la reprise des cours pour les candidats aux examens.
« Nous avons pensé aux élèves qui se trouvent à l’intérieur du pays qui n’ont pas accès à la télévision ni à l’internet. A ces élèves, nous sommes en train de proposer parallèlement une autre solution d’approche pour leur permettre de continuer les cours. Cette solution, nous pensons vu qu’à l’intérieur du pays le virus n’a pas été encore propagé et que toutes les préfectures ont les données sur le nombre des cas, on pourrait envisager un dispositif amenant dans un premier temps pour les candidats aux examens de revenir dans les classes en fonction d’un programme établi, tout en respectant les gestes barrières pour que les élèves puissent recevoir les cours. On pourrait également procéder aux cours accélérés pour permettre aux élèves qui se trouvent dans les zones reculées qui n’ont pas accès à l’électricité et à l’internet d’avoir la possibilité de poursuivre les cours et terminer les programmes », a préconisé le Président de l’Association des Elèves, Etudiants et Diplômés pour le Développement (AED).
Oumar Bady Diallo
Pour Africaguinee.com
Tel: (00224) 666 134 023
Créé le 4 mai 2020 17:45Nous vous proposons aussi
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