Coup d’Etat, évacuation des étrangers : témoignage inédit d’un guinéen « bloqué » à Niamey
NIAMEY-Mamadou Saliou Baldé était en mission en Niamey au compte d’une institution lorsque le coup d’Etat du 26 juillet est intervenu. Avec la fermeture des frontières décidée par les nouvelles autorités militaires, cet expert s’est retrouvé dans une situation de blocage difficile quand soudain une aubaine s’est présentée. Africaguinee.com l’a joint au téléphone depuis Niamey alors qu’il était sur le point d’embarquer pour être évacué. Son témoignage sur les évènements en cours dans ce pays sahélien est édifiant.
AFRICAGUINEE.COM : Vous étiez en mission à Niamey lorsque ce coup d’Etat est intervenu. Comment avez-vous vécu cette situation ?
MAMADOU SALIOU BALDÉ : Je devais retourner depuis samedi passé sur Conakry lorsqu’il y a eu le coup d’Etat et la fermeture des frontières. L’institution qui m’a envoyé ici a essayé de nous glisser parmi les évacués de la France. Hier, il y avait du monde à l’aéroport sans qu’il n’y ait assez d’avions. Aujourd’hui (mercredi 2 août 2023, ndlr) on espère pouvoir s’embarquer. On est dans la file d’attente.
Dans la journée de mardi, il y a eu deux avions de la France qui sont arrivés, chaque vol est reparti avec environ 250 passagers. Le troisième a été annulé dans la nuit, il devrait arriver vers 1h du matin. Il y a eu aussi un vol italien qui a aussi embarqué des passagers. Ce mercredi matin, il y a un premier vol français qui est en train d’embarquer. C’est la situation qui prévaut ici.
Comment avez-vous vécu cette expérience en tant qu’étranger ?
C’était très difficile parce qu’au début on avait reçu des consignes de rester confinés dans nos différents appartements ou dans les hôtels. Ce temps de confinement, notamment au premier jour du coup d’Etat le mercredi jusqu’à jeudi, on angoissait à l’idée que ça éclate, alors qu’on est dans un pays étranger bien que proche de notre pays mais on n’avait aucun moyen de sortie. On a envisagé tous les scénarios possibles à travers les frontières terrestres, mais là il y avait des risques. A la dernière minute on appris cette opération d’évacuation, c’était donc une aubaine.
Est-ce que vous avez rencontré des Guinéens qui soient dans la même situation que vous ?
Je n’ai pas rencontré un guinéen mais il y a beaucoup de nationalités comme des camerounais, des résidents français, qui étaient venus travailler au Niger ici, de simples binationaux, des sénégalais, et d’autres nationalités. Mais là je n’ai pas rencontré un guinéen dans le cadre de cette évacuation. Nous sommes dans l’attente d’un avion de la France pour évacuer vers Paris et à partir de là, prendre un vol pour Conakry.
Mais je dois préciser que l’affluence qui était là le mardi n’est pas la même ce mercredi. Hier, il y avait une foule d’expatriés de toutes les nationalités européennes confondues. Je pense que cela pourrait fortement diminuer aujourd’hui. On s’attend à avoir trois vols français pour ce mercredi, c’est ce qu’ils nous ont donné comme information.
Est-ce que la capitale Niamey est militarisée ?
Contrairement à ce qu’on lit dans les médias internationaux, il n’y a vraiment pas le feu à Niamey. C’est juste que des mouvements de départ ou d’évacuation qui créent la peur, sinon tout fonctionne. La ville n’est pas militarisée, il y a des checkpoints à quelques endroits comme à l’entrée de la Présidence. Au niveau des checkpoints, des militaires fouillent les véhicules mais ils laissent passer les fonctionnaires et les civils.
Au niveau de l’aéroport aussi, on voit également des pickups des militaires, bien armés mais je pense qu’ils sont là pour sécuriser les opérations d’évacuation. Il y a aussi une forte présence de militaires français à l’aéroport. Ils sécurisent l’évacuation de l’intérieur comme l’extérieur de l’aéroport.
Quel est le sentiment qui se dégage chez les nigériens que vous avez rencontrés ?
C’est surtout un mouvement de patriotisme qui se dégage globalement avec les quelques nigériens que j’ai pu rencontrer. Mais il y a une fraction interne au Niger ici qui s’est creusée dans le temps avec l’ancien régime. C’est comme si la grande majorité est favorable à ce coup d’Etat. Les nigériens soutiennent, et le sentiment anti occidental, plus précisément anti-français se développe très rapidement. Les gens ont un certain ras-le-bol de tout ce qui vient de l’occident actuellement. Les gens sont décidés.
On a reçu dans les alertes de sécurité, un document qui faisait état de risques de difficultés à accéder à l’aéroport. Parce qu’il y a des groupes de personnes qui se disent des ‘’patriotes’’ qui estiment qu’il faut bloquer l’évacuation des occidentaux. Ils incitent les gens à aller bloquer les points qui mènent vers l’aéroport pour empêcher l’évacuation des étrangers pour le seul motif que si tous les étrangers partent, les nigériens seront laissés à leur propre sort. C’est pourquoi on a regagné très tôt l’aéroport parce que c’est une menace assez sérieuse.
Quelle est la situation qui prévaut à l’aéroport ?
Au niveau de l’aéroport, c’est très calme, les gens sont dans le fil. Au début, ils priorisaient les Français mais là, comme il y a assez de places, ils ont permis à tous ceux qui ont des visas ou une carte de résidence de pouvoir s’embarquer. Ayant un visa en cours de validé, je cherche à m’embarquer dans ce lot.
A suivre…
Siddy Koundara Diallo
Pour Africaguinee.com
Créé le 2 août 2023 20:50Nous vous proposons aussi
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