Confidences de Hadja André Touré : « le coup d’Etat militaire, l’enveloppe de Conté et le geôle de Kindia… »
CONAKRY-Comment les militaires ont-ils pris le Pouvoir en 1984 après la mort de Sékou Touré ? La veuve du premier président de la Guinée indépendante vient de lever un coin du voile sur cette page de l’histoire du pays. Hadja André Touré qui s’est exprimé sur les ondes des médias d’Etat, parle également de son arrestation, de ses moments d’emprisonnement à Kindia, jusqu’à l’exil de sa famille. L’ex première dame veut que la vérité historique sur son feu époux soit rétablie.
Le coup d’Etat militaire de 1984…
« (…) Le Président Houphouët Boigny m’a dit (après l’enterrement de Sékou Touré): André il n’y a pas de vacance de Pouvoir. Il faut leur dire de prendre vite le Pouvoir. Le jour où on devait annoncer que c’est Béa Premier ministre qui continuait, pour finir le mandat avant les élections, les militaires ont fait leur coup d’Etat. Il y a eu des mensonges, encore des mensonges. On disait que la famille du Président Sékou Touré ne voulait pas laisser le Pouvoir. Ils ont dit qu’ils prenaient le Pouvoir pour éviter la guerre civile dans le pays. Or c’est archi-faux.
Des années de prison
Après le coup d’Etat on a arrêté toute la famille, mon beau-frère, le grand-frère de mon mari, ses sœurs, le gouvernement tous ont été arrêtés, même des gens qui n’ont jamais assumé une parcelle de Pouvoir. On nous a amené à Kindia. Certains ont été libérés tôt. Mais nous, nous sommes restés quatre années en prison sans raisons. C’était une période difficile.
Mais ce qui était très difficile pour moi, c’était le fait d’être avec certaines personnes comme la femme de Diarra, qui était avec moi dans la même cellule. C’était insupportable pour moi. La cohabitation-là était pire que la prison pour moi. Mais on devait l’accepter. Nous avons fait quatre années d’emprisonnement sans raisons. Souvent quand on nous interrogeait, c’était pour savoir comment l’Etat fonctionnait. Un jour, un jeune de Kouroussa qui avait commencé à assister aux interrogatoires, a écouté. Il a dit qu’ils ont été trompés. Il est passé cellule par cellule pour nous présenter des excuses.
Je n’ai jamais gardé de rancunes. Si on est tranquille avec sa conscience, vous dormez tranquillement. Je n’ai jamais voulu faire de mal à qui que soit. C’est le social que j’ai aimé toute ma vie. Quand on m’a emprisonné, j’avais tellement de projets. Je voulais construire une école pour les enfants aveugles à Kankan. J’avais contacté l’ambassade du Canada pour ça. Je voyais ces projets se gâter. C’est ce que je regrettais surtout…
Les médicaments d’Houphouët
Le Président Houphouët a beaucoup fait pour nous pendant notre emprisonnement. Je suis tombée malade en prison. J’ai beau dire au régisseur que j’avais mon médicament, de me l’apporter. Ils ne me l’ont pas donné. J’ai failli mourir. Parce que quand ce médicament me manque tout mon corps vit au ralenti. Même manger est difficile pour moi. C’est par l’intermédiaire de l’ambassade de Côte d’Ivoire que je recevais mon produit.
De l’exil
A notre sortie de prison, je vivais chez ma sœur parce que je n’avais nulle part où aller. Je suis allée après sur invitation du Roi Hassane 2 pour me soigner au Maroc. Mohamed ne voulait pas aller. Mais il avait été menacé par le commandant Sow qui était à l’époque Gouverneur à Faranah. C’est ainsi que nous sommes allés au Maroc… On nous a obligés à nous exiler, sinon nous ne voulions pas.
L’enveloppe de Conté…
C’est à la mort de ma mère que j’ai pu rentrer ici. Le Président Lansana Conté s’est occupé des funérailles de ma mère. La famille s’est réunie pour aller le remercier. Quand on a quitté, il m’a envoyé frère Kozo pour me dire qu’il veut me rencontrer seule. Je suis allée. Dans son bureau, il m’a salué, m’a demandé si tout allait bien. J’ai dit oui tout va bien. Il a mis sa main dans sa poche, pour sortir une enveloppe, il me l’a tendu. Ma réaction était violente. Ah non, ça je ne l’ai pas supporté. J’ai dit Monsieur le Président vous savez que je ne peux pas accepter votre enveloppe. Parce que pour moi, prendre son enveloppe, c’était comme si je buvais le sang de nos compagnons qui ont été tués.
On a eu des moments assez durs, mais j’ai tout accepté. Je me suis dit que c’est Dieu. A notre sortie de prison, on nous a dit que Mohamed devait résider à Faranah, et qu’il ne pouvait pas se déplacer sans autorisation. Moi je devais résider à Macenta chez ma mère, je ne devais pas me déplacer sans autorisation…
Arrivé à Macenta, le Gouverneur Toupou qui n’était autre que mon garde de corps, un illettré parfait qu’ils ont mis comme gouverneur (rires). Il dit qu’il est préoccupé par ma présence, pour ne pas que je fui. Il est venu voir Lansana Conté à Conakry pour lui dire ses préoccupations. Ce dernier lui dit « ce ne sont pas des prisonniers, je les ai libéré. Laisse-les tranquille ». C’est ce que nous avons vécu…
Les cases Bellevue
Les cases de Bellevue que le Gouvernement utilise toujours, il (Sékou Touré, ndlr) a acheté ce terrain en 1956 lorsqu’il était maire. C’était un terrain vague. C’est son adjoint El-haj Fofana qui l’a encouragé à acheter ce terrain, qui était un dépotoir d’ordures. Il a donné l’argent à El-hadj Fofana qui lui acheté le terrain. El-hadj est allé trois fois voir le Président Lansana Conté lui dire que ce terrain est une propriété privée du Président Sékou Touré, mais il ne l’a pas écouté…
Je voudrais que la vérité soit rétablie. Sékou Touré a tout donné à son Peuple ».
Une synthèse de Diallo Boubacar 1
Pour Africaguinee.com
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Créé le 21 mai 2016 21:08
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