Nouvelle constitution: un Capitaine interpelle Alpha Condé…

Misbaou Sow

CONAKRY-Misbaou Sow n’est pas prêt à enfiler à nouveau sa tenue de militaire. Il a troqué son uniforme  pour le costume de politicien. Rentré des Etats-Unis où il a vécu pendant  une décennie, cet ancien parachutiste et commando ranger  décide de faire  son entrée en politique en Guinée. Cet ancien promotionnaire  de l’ancien chef de la junte militaire Moussa Dadis Camara,  du Général Namory Traoré, actuel chef d’Etat-major général des armées, Nouhou Thiam et Souleymane Kéléfa Diallo, a vu sa carrière basculée après les évènements des 2 et 3 février 1996. Il sera arrêté et accusé d’être le cerveau de la révolte des militaires pour réclamer l’amélioration de leurs  conditions de vie. Il restera derrière les barreaux jusqu’en  1998  avant d’être acquitté au bénéfice du doute.


Le 14 juillet 2003 il sera de nouveau arrêté avec d’autres hommes en uniforme. Il réussira de s’évader de prison en avril 2005, avant de s’exiler d’abord au Sénégal, puis au Mali, ensuite au Burkina, pour enfin poser ses valises aux  Etats-Unis en avril 2007. De retour au pays Misbaou Sow décide de prendre les rênes du Rassemblement des forces démocratiques (RFD). Il s’est confié à notre rédaction.

AFRICAGUINEE.COM : Quelle est votre position sur le projet de référendum Constitutionnel ?

CAPITAINE MISBAOU SOW : Le problème fondamental n’est pas la révision de la constitution. C’est le fait de simuler le changement ou la révision constitutionnelle avec un 3ème mandat du président. Tout le problème tourne autour de cela sinon modifier la constitution n’est pas mauvaise en soit. La constitution est amendable à tout moment suivant l’évolution de la société.

Vous souhaiteriez que le Président tranche à propos de ce sujet ?

Oui il est nécessaire (…), mais c’est un peu délicat pour lui, je le comprends très bien. Si le président dit tout  de suite qu’il n’ira pas à un 3èmemandat, il y aura des troubles au sein de sa mouvance politique puisque tous les dinosaures ne comptent que sur lui pour  continuer de piller l’économie du pays. S’il dit aussi qu’il va aller à un 3èmemandat, les troubles seront désormais du côté de la population guinéenne qui ne veut plus d’un président à vie.

Êtes-vous pour ou contre le changement de la constitution ?

Pourquoi cherchons-nous à changer une constitution alors que le président Alpha Condé est à son deuxième et dernier mandat ? Est-ce que ce gouvernement est bien placé pour amender  la constitution maintenant là ? Pourquoi ils ne l’ont pas fait  et le soumettre au peuple depuis 2010 ? S’ils l’avaient fait, on pouvait bien l’entendre. Il y a quelque chose qui est caché dedans, c’est ce qui pousse le peuple à manifester sa curiosité. Comme je l’ai dit tantôt, il faut se demander pourquoi il chercherait à changer la constitution ? Pour moi, soit il est poussé par un lobby ou il veut achever ses projets ? Même ça, est-ce qu’il ne peut pas trouver un dauphin dans la mouvance présidentielle pour continuer ses projets ? Dans l’un ou l’autre cas, pour moi, Alpha Condé a besoin d’être rassuré qu’il sera en sécurité une fois après avoir quitté le pouvoir, que ses biens seront en sécurité et qu’il sera reconnu en tant qu’ancien chef d’Etat, comme un héros national.

Etes-vous solidaire du FNDC qui est en train de se battre sur le terrain pour qu’on respecte la constitution ?

Je suis membre fondateur de ce front et je suis le premier signataire dans le procès-verbal qui a mis le FNDC en scelle. Nous menons un combat qui n’est pas politique mais plutôt patriotique au sein de ce front.

Vous vous êtes attaqué aux anciens ministres en disant qu’ils se lancent en politique pour défendre ce qu’ils ont volé. Pourquoi ?

C’est vrai que je l’ai dit (…), n’importe quel ministre qui est évincé du gouvernement crée un parti politique pour se protéger et protéger ce qu’il a volé au peuple.

Qu’est-ce qui a concouru à votre arrivée dans ce marigot politique guinéen ?

Quand j’étais dans l’armée j’ai beaucoup subi. Imaginez-vous huit années passées en prison. J’ai fait les plus grandes prisons du pays, du sous-sol du camp Samory, aux 32 escaliers du camp Alpha Yaya, en passant par le camp Makambo, la prison sur l’Ile de Kassa, le PM 3 de la ville,  la maison centrale de coronthie et la maison centrale de Kindia. J’ai fait tout ça, avant que je ne me retrouve aux Etats-Unis, où j’ai fait les sciences politiques et où j’ai été adopté. J’ai décidé donc de retourner dans mon pays afin d’aider mon peuple à sortir de l’ornière. Voilà ce qui m’a motivé de rentrer en Guinée puisque j’incarne l’unité nationale et le pardon.

Quel est votre atout pour y arriver ?

Je suis né au Foutah où j’ai fait une partie de mes études avant de me retrouver en Basse-côte. Ma carrière militaire je l’ai débuté en Haute-Guinée et j’ai fait assez de missions militaires en Guinée-forestière dans le cadre du maintien d’ordre. Je connais toutes les communautés pour bien les gérer et unir le peuple exactement comme dans l’armée. Pour commencer cela, je proposerais que tous les étudiants de toutes les universités fassent la formation militaire obligatoire. Ils auront 18 mois, c’est-à-dire 6 mois de formation commune de base et 12 mois pour celle relative au choix dans l’armée. Cela va nous permettre d’avoir à long terme un peuple  solide, solidaire et qui peut facilement se défendre face à n’importe qu’elle attaque venant de l’extérieur.

Pourquoi vous vous êtes retrouvés en prison ?

J’ai été accusé à plusieurs reprises de tentative de coup d’Etat, chose qui n’a jamais été prouvée d’ailleurs. Chaque fois qu’on me présente devant une  juridiction je suis purement et simplement acquitté. Mais le hic, ce que le chef n’aime pas un subordonné populaire au sein de l’armée. Et à l’approche du décès du Général Lansana Conté, des officiers supérieurs et généraux  qui étaient autour de lui voulaient s’accaparer du pouvoir. Donc il fallait arrêter tous les jeunes officiers qui pouvaient leur porter ombrage. C’est dans cette lancée qu’ils m’ont arrêté et gardé pendant quatre ans pour la seconde fois en 2003, après mon arrestation au lendemain du coup d’Etat manqué en 1996.

On dit que vous étiez justement impliqué dans ce coup de 1996 et que vous aviez joué un rôle prépondérant dans l’arrestation du président Lansana Conté à l’époque. Parlez-nous-en ?

A l’arrestation du président Lansana Conté à l’époque, j’étais au camp Alpha Yaya. Quand on parle de rôle, j’étais un instructeur proche des jeunes soldats. Ce jour j’ai cherché à temporiser les militaires en leur demandant de rester tranquille et leur dire que le président arrivait pour s’adresser à nous.

Etiez-vous ce jour du côté du Camp Alpha Yaya ou de l’usine militaire de la Tannerie ?

J’étais au camp Alpha Yaya et c’est deux mois après cette mutinerie qu’on m’a arrêté. J’ai vécu le calvaire total en prison. En fait je dis calvaire puisque que quand tu n’es pas impliqué dans quelque chose, tu es injustement arrêté, emprisonné et isolé de ta famille, c’est dur.

Où étiez-vous détenus et dans quelles conditions ?

J’étais dans un premier temps détenu  au Camp Alpha Yaya avant de nous transférer au  camp Samory où ils ont regroupé les militaires. De là on m’a transféré sur l’île de Kassa, certainement pour éviter que mes hommes ne viennent me chercher. 

Comment avez eu cette popularité dont vous vous attribuez ?

Quand on est responsable il faut défendre la loi. Je m’oppose farouchement contre l’injustice et même devant la hiérarchie c’était comme ça que j’agissais. Je n’ai pas de parti-pris. Tu es dans l’erreur tu es sanctionné et tu travailles bien tu es récompensé. C’était ma devise.

Vous qui avez vécu dans l’armée, vous aviez senti qu’il allait y avoir un changement à la mort du président Conté pour dire que des sous-officiers allaient prendre le pouvoir  devant les officiers supérieurs ?

Oui bien sûr ! Quand il y a remue-ménage ce sont les soldats qu’on voit. Dans la plupart des armées, ils sont les victimes de l’injustice. Des officiers supérieurs se partages tous les avantages et la troupe n’a rien. Moi qui n’aime pas cette façon de faire et jouissant bien- sûr d’une côte de popularité au sein de la troupe, j’ai été victime d’une supercherie et ils m’ont arrêté.

Comment aviez-vous réussi à sortir de prison ?

Il y a eu une force extérieure qui est venue nous trouver en prison et nous dire de sortir. Vous êtes libre ! Dès lors je me suis dit que le président Conté étant malade, tout le monde s’attendait à sa mort d’un moment à l’autre. Pour moi il était donc décédé, c’est une fois dehors que j’ai su qu’il vivait encore. La seule chose qui m’a animé, je pensais qu’il y avait eu un coup d’Etat. C’était en 2005.

Vous avez comment pour sortir du pays ?

Je suis parti vers le Sénégal ensuite au Mali pour  le Burkina-Faso  avant de rejoindre les Etats-Unis.

Quelles étaient vos relations avec le capitaine Dadis Camara, ancien chef de la junte militaire ?

Nous entretenons de bonnes relations. Nous sommes de la même promotion (…), il était à l’intendance moi au BATA (Bataillon autonome des Troupes Aéroportées, ndlr). Quand il a pris le pouvoir moi j’étais déjà aux Etats-Unis, par contre lorsqu’il est allé au Burkina j’y suis allé pour le saluer et m’enquérir de son état de santé.

Vous êtes désormais dans la politique, est-ce que croyez avoir le soutien de vos anciens frères d’armes ?

Je suis en politique et j’ai le soutien de tout le peuple de Guinée. Concernant mes frères militaires il y a cette solidarité qui existe toujours entre nous. Vous savez, l’armée est une famille c’est-à-dire  quel que soit ce qui va se passer dès que tu rencontres ton compagnon d’arme c’est l’amour qui règne entre vous. Ce sont des souvenirs qui vous reviennent à l’idée.

Un dernier message à l’endroit de nos lecteurs ?

Je demande au peuple de Guinée de savoir que nous sommes face à un nouveau rendez-vous ! Un rendez-vous qu’il ne faut pas manquer. Nous avons manqué tous les autres, il est temps de pouvoir choisir le bon chemin. Ce chemin qui pourra conduire le peuple de Guinée vers un bonheur collectif.

 

Interview réalisée par Diallo Boubacar 1

Et Bah Boubacar Loudah

Pour Africaguinee.com

Tél. : (00224) 655 311 112

Créé le 22 juin 2019 13:12

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