Commissaire Marie Gomez de l’OPROGEM : « Nous recevons des présumés violeurs qui ont le SIDA… »
CONAKRY- Le viol est devenu un fléau difficile à éradiquer en Guinée. Les statistiques de l’Office de protection du genre, de l'enfance et des mœurs (OPROGEM), font froid dans le dos. Rien que dans le premier semestre 2020, 148 cas de viols ont été enregistrés contre 396 cas durant toute l’année dernière. Il ressort que pour la plus part, les victimes sont des mineures et ont été violées par un membre de leur famille. Dans cette interview, la Directrice générale adjointe de l’OPROGEM, la Commissaire Marie Gomez donne les raisons de la recrudescence du viol sur mineurs dans le pays.
AFRICAGUINEE.COM : Qu’est-ce qui explique la recrudescence des viols en Guinée ?
COMMISSAIRE MARIE GOMEZ : Un jour ne passe pas sans qu’on ne parle du viol. Cela nous inquiète. Après analyse, nous avons compris que les présumés violeurs ciblent les mineurs parce que les enfants sont des couches vulnérables. On peut les amadouer avec 500 ou 1000 Gnf. Il y a des victimes qu’on reçoit dont le présumé violeur ne leur a donné que 1000 Gnf ou 5 mille. Le montant le plus élevé c’est 300 mille. C’est d’ailleurs le tout dernier cas, l’enseignant qui a violé les deux filles âgées de 13 et 15 ans. C’est la première fois qu’un présumé violeur a donné un montant aussi élevé. Sinon, les présumés violeurs essaient de jouer sur la mentalité des enfants en leur offrant de bonbons, des biscuits.
Comment analysez-vous le comportement de ces violeurs que vous interrogez ?
La majeur partie des présumés violeurs que nous recevons ici, que nous entendons sur procès-verbal, il y a certains qui nous disent ‘’j’ai pris tel molécule, j’ai bus tel jus’’ c’est des propos comme ça qu’ils nous avancent. Il y a en a qui disent même «je ne sais même pas comment cela m’est arrivé’’. Mais, selon le médecin légiste, ces présumés violeurs sont des personnes qui sont bien portantes. Mais, nous ne pouvons pas l’affirmer parce que cela ne relève pas de notre compétence. Nous nous sommes rendus compte qu’il y a une défaillance de part et d’autre. Les produits pharmaceutiques importés dans ce pays, il faudrait qu’il y ait un contrôle là-dessus. Les gens prennent les médicaments pour se mettre en forme. Les personnes âgées qui veulent se mettre en forme pour satisfaire leurs besoins biologiques, quand ils prennent ça et qu’ils dépassent la norme, ils agissent sans se rendre compte. Quand cela arrive ils agissent sans se rendre compte que c’est sur leurs filles ou leurs nièces qu’ils commettent leur sale besogne. Il y a aussi les boissons énergétiques qu’on consomme n’importe comment. Des présumés violeurs, eux-mêmes, nous disent qu’ils ont pris ces boissons et que, par la suite, ils ont agi sans se rendre compte.
Est-ce que vous faites des examens médicaux sur ces présumés violeurs ?
Parmi ces présumés violeurs, il y en a certains qui sont malades. Il faudrait bien que les parents sachent que cette histoire de pesanteur sociale, il faudrait bien que cela cesse. L’intervention des leaders religieux ou des élus locaux dans les dossiers de viol enfreint à la procédure. La victime qui vient chez nous il y a deux volets : le volet médical et le volet pénal. Nous constituons tous les dossiers. Nous referons la victime à la médecine légale non seulement pour le rapport médicolégal, mais aussi par rapport aux analyses sérologiques et biochimiques pour voir si la victime n’a pas contracté une maladie sexuellement transmissible. Parce que nous recevons des présumés violeurs ici qui ont le SIDA. Donc, il faudrait bien que les parents arrêtent de négocier sur les dossiers de viols quand leurs enfants sont victimes. Ils n’ont qu’à les envoyer vers nous pour que les orientions vers les hôpitaux. Il y a des centres qui ont un partenariat avec le ministère de la Santé et le ministère de l’Action sociale qui nous aident dans ce sens afin que ces personnes-là puissent bénéficier des traitements qu’il faut.
Que préconisez-vous pour freiner ce phénomène dans notre société ?
Le ministère de la Sécurité à travers l’OPROGEM a un souci majeur par rapport à la protection des couches vulnérables. Tout ce que nous pouvons demander à la population guinéenne surtout aux pères et aux mères de famille c’est de ne pas hésiter de venir nous voir pour dénoncer quand leurs enfants sont victimes. Avant, le viol était un sujet tabou, mais maintenant le tabou est brisé. Quand on nous dénonce une affaire de viol, nous agissons automatiquement pour interpeller les personnes mises en cause. Si les faits sont établis, nous transférons les dossiers devant les tribunaux comme la loi le demande. Il ne faudrait pas que les parents aient peur de venir vers la police. Les parents doivent comprendre aussi que si les enfants sont victimes de viol, ce n’est pas nécessaire de venir jusqu’à la direction de l’OPROGEM. Ils peuvent aller dans le commissariat le plus proche de chez eux. Nous avons nos représentants dans tous les commissariats qui vont les recevoir et examiner leurs dossiers.
Propos recueillis par Oumar Bady Diallo
Pour Africaguinee.com
Tel: (00224) 666 134 023
Créé le 11 septembre 2020 19:28Nous vous proposons aussi
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