Cherif Mohamed Abdallah : « Aucun homme politique ne peut me manipuler… » (Interview)
CONAKRY- Longtemps accusé de militer au sein d’une formation politique, Cherif Mohamed Abdallah qui préside les destinées du « Groupe Organisé des Hommes d’Affaires », vient de trancher. Dans cette interview exclusive à notre rédaction, Cherif Mohamed Abdallah parle également de son engagement au sein des Forces Sociales qui réclament la baisse du prix du carburant à la pompe. Exclusif…
AFRICAGUINEE.COM : Qu’est-ce qui vous a motivé à militer au sein des forces sociales en étant un homme d’affaires ?
CHERIF MOHAMED ABDALLAH : Vous savez il est tout à fait logique d’adhérer à des mouvements sociaux ou bien de créer des mouvements sociaux. Si vous entendez forces sociales, ce n’est personne, c’est l’ensemble des mouvements des citoyens, de la société civile, du secteur privé et de tout ce qui s’en suit. C’est ça un mouvement social. Donc nous avons vu la situation qui prévalait, il fallait un peu attirer l’attention des autorités de notre pays par rapport aux difficultés que nous vivons sur le terrain. Donc tout ce qui doit se faire doit être vérifié. D’abord la conséquence de cette chose sur le terrain.
J’ai adhéré à ce mouvement à cause de la cherté de vie, parce que la vie coûte chère en Guinée, surtout pour nous les opérateurs économiques. Si tout le monde est victime une fois, les opérateurs économiques sont victimes deux fois. Pendant la période d’Ebola comme vous le savez, rien ne marchait, nous même au sein du GOHA, nous avions décidé d’interrompre toutes nos activités économiques pour se consacrer à la sensibilisation et au dépôt des kits sanitaires sur tout le territoire national, et je pense que ça donné un résultat extraordinaire parce que dans tous les marchés de la République, tous les ports et débarcadères il n’y a pas eu un seul cas d’Ebola. Et pourtant c’est des millions de personnes qui défilent là. Donc l’action du GOHA a donné un résultat. Grâce à notre partenaire qui est l’UNICEF nous avons pu équiper toutes les frontières du pays, certaines frontières qui étaient fermées notamment le Sénégal, la Guinée Bissau, la Côte d’Ivoire, le Libéria et la Sierra Léone, mais grâce à l’équipement que nous avons déposé en partenariat avec l’UNICEF au niveau de ces frontières là, ça motivé les Etats là pour pouvoir ouvrir les frontières. Pendant les périodes les plus difficiles, pendant qu’on attaquait les gens vers Forécariah, c’est lorsque le GOHA est arrivée et nous avons sensibilisé les gens de Forécariah, ils ont déposé les kits à l’intérieur des marchés et ils ont imposé à tous ceux qui viennent des villages de laver les mains, que les villageois de Forécariah ont compris que ce n’est pas quelque chose de méchant parce que ça existe au marché. C’est en ce moment qu’ils ont commencé à réclamer des kits avec le GOHA sinon ils n’avaient pas confiance, on était en train dire que Ebola était envoyée par des politiques. Depuis lors ils ont cessé d’attaquer les organismes internationaux sur le terrain.
Parlant justement de ces forces sociales, aujourd’hui on a l’impression que le mouvement est en train de s’estomper, vous avez pris du recul. Où se situe le blocus à votre avis ?
Pour moi il n’y a pas de blocus. Si vous voyez qu’il y a tout ça c’est dû au pèlerinage parce que moi-même j’ai demandé lorsque les syndicats avaient dit qu’au niveau de l’aéroport il y aura une grève générale, nous avons alerté les syndicalistes par voie médiatique pour faire en sorte que les pèlerins partent sans inquiétude parce nous sommes des musulmans pratiquants, tout ce qui peut entraver les religions, nous ne pouvons cautionner en tant que musulmans pratiquants. Nous avons aussi près de 98% de musulmans dans ce pays, donc si les gens se débrouillent jusqu’à avoir quelque chose, mettez-vous à leur place, vous êtes prêt à aller à la Mecque pour ce devoir religieux et que quelqu’un essaye de vous perturber, ça vous ferait très mal. Ce qui fait qu’on ne peut pas s’associer à quoi que ce soit par rapport à ça pour perturber ces pèlerins. Mais Dieu merci, nous avons lancé des appels ça été accepté par les partenaires du syndicat parce que nous avons une certaine expérience avec les syndicats. La grève du janvier et février 2007, nous, nous avions fait un travail sérieux pour calmer la situation sur le terrain. Ce n’est pas de la démagogie, juste après ces mouvements syndicaux il y a eu le feu Ibrahima Fofana et Hadja Rabiatou Sera Diallo, les deux secrétaires généraux de la CNTG et de l’USTG, avec près d’une soixantaine de personnes, étaient venus nous rendre visite au siège du GOHA à Boussoura à l’époque avec une lettre de reconnaissance signée de Rabiatou et de Fofana, et une autre lettre parce qu’à l’époque nous avions enregistré 418 opérateurs économiques victimes de pillages.
Croyez-vous à cette jonction d’efforts entre les forces sociales et les syndicats ?
Absolument, vous savez tout ce qu’on fait dans la vie, il faut le faire sérieusement avec conviction. Il ne faut jamais accepter de clignoter à gauche pour aller à droite, parce si vous le faites, le monde est là. S’il n’y a pas de transparence sur ce que nous faisons, on ne peut pas évoluer. Il faut qu’il y ait la transparence, il faut oser dire la vérité aux collaborateurs et il faut aussi oser dire la vérité aux autorités de notre pays en commençant même par le chef de l’Etat, si vous n’osez pas lui dire la vérité, vous serez en train de le tromper parce que celui qui ne dit pas la vérité, il ment. C’est pourquoi nous avons dit la synergie d’actions entre les forces sociales et les syndicats, c’est quelque chose de tout à fait anormal. Mais, il faut qu’il y ait une concertation sérieuse à l’interne pour que personne ne prenne des engagements sans consulter les autres parce que c’est ce qui peut amener les problèmes. Nous, nous avons vu seulement des syndicats au niveau de l’aéroport comme quoi une grève est annoncée, on ne connaissait pas mais puisque nous sommes des musulmans pratiquants et nous représentons quelque chose sur le terrain, nous avons qu’on ne va cautionner cela. Mais comme les syndicats ont accepté de suspendre le mot d’ordre de grève au niveau de l’aéroport de Conakry, c’est quelque chose de salutaire. Je vais attirer l’attention de tout le monde, au niveau du port autonome de Conakry, depuis le début de ce mouvement on est en train de faire payer aux opérateurs économiques des surestaries et d’autres sociétés les font payer les taxes de retard et c’est une situation qui n’a pas été provoqué par les commerçants. Donc on ne doit pas les faire payer des retards qu’ils n’ont pas provoqués. Parce que ça, ça serait des arnaques et tous les opérateurs économiques qui ont payé ces surestaries-là, doivent être remboursés et là j’attire l’attention des syndicats et les forces sociales au tour de ça. Tout le monde doit se lever pour dire halte à ça parce que ce n’est pas la faute des opérateurs économiques. Nous au GOHA, nous sommes les protecteurs des opérateurs économiques, nous sommes une organisation de promotion et de défense des droits des opérateurs économiques. Chacun doit se retrouver dans ces mouvements-là, chacun doit protéger ces intérêts dans ces mouvements-là. On ne va pas s’embarquer pour s’embarquer seulement, on s’embarque pour comprendre exactement est-ce que c’est utile pour nous opérateurs économiques ? Pourquoi nous sommes embarqués dedans ? C’est parce que nous savons pertinemment que tout de suite si les prix changent sur le terrain, ils vont dire que ce sont les commerçants qui sont entrain de rendre la vie chère alors que ce n’est pas le cas. C’est sûr et certain si le carburant augmente, ça va se répercuter sur les prix des denrées alimentaires.
Pourtant il y a des opérateurs économiques qui promettent de maintenir les prix intacts…
Les opérateurs économiques qui ont pris l’engagement pour dire que les prix ne vont augmenter, moi je les contredis, ils ne peuvent pas prendre cet engagement. Au fait ça, c’est des choses dépassées, c’est les mêmes versions et les mêmes actions depuis plusieurs décennies, c’est comme ça qu’on a l’habitude de tromper les autorités. Un importateur amène sa marchandise au niveau du port, d’accord, je leur donne raison, ils peuvent vendre aux prix qu’ils ont l’habitude de vendre au niveau du port parce que eux ils ne sont pas concernés par rapport à la cherté et à l’augmentation du prix du carburant à l’intérieur de la Guinée. Ils peuvent vendre leurs marchandises au port, donc ils peuvent maintenir leurs prix mais ils ne peuvent pas maitriser la chaine de distribution. Les commerçants achètent avec eux au niveau du port, ils vont payer le transport avec les camions jusqu’au marché de Madina ou les autres marchés de la capitale, voir toutes les villes de l’intérieur de la Guinée. Donc ils vont payer en gros avec eux, ils vont payer le transport, maintenant les demis grossistes achètent avec les grossistes, ceux-ci à leur tour vont payer le transport, maintenant les détaillants achètent avec les demis grossistes, ce sont les détaillants-là qui sont en contact direct avec le peuple. Il y a trois étapes de transport que les commerçants payent avant que ça n’arrive au niveau de la population. Qui peut prendre des engagements pour dire que les prix ne vont pas changer ? C’est comme ça qu’ils ont l’habitude de tromper les anciens Présidents et l’actuel Président, et ça va continuer comme ça.
Vous êtes souvent accusé d’être à la solde de certains Hommes politiques. Que répondez-vous ?
Vous savez en Guinée c’est difficile, parce que j’ai un teint clair et Elhadj Cellou est de teint clair (…), il ne faut pas tourner autour du pot. Dès qu’on défend les opérateurs économiques, ils disent qu’il est entrain de soutenir Elhadj Cellou Dalein, il est membre de l’UFDG. Dès qu’on fait une autre action avec l’Etat, ils disent qu’il a rejoint Alpha Condé maintenant il est jaune. Soit vous êtes vert-blanc, soit vous êtes jaune. Ce sont des démagogues qui racontent ça. Moi je m’en fous de ça, je ne suis pas manipulé par qui que ce soit, ni par le chef de file de l’opposition, ni par le chef de l’Etat, parce que je ne suis pas manipulable. On ne peut pas m’acheter.
Dans un passé très récent, vous nourrissiez des ambitions pour présider la chambre de commerce. Est-ce que vous êtes toujours dans ce combat ?
Oui effectivement, mais je ne dis pas qu’il faut obligatoirement que ça soit moi, on peut trouver un consensus, mais s’il n’y a ni consensus ni élection, on n’acceptera jamais qu’on mette un homme tordu devant la chambre du commerce. Nous connaissons des opérateurs économiques ici qu’on peut accepter, ceux-ci peuvent nous représenter, tout le monde se connait dans ce pays-là. Par contre d’autres nous avons déjà leurs dossiers, nous les connaissons parfaitement bien, on n’acceptera pas qu’ils parlent e notre nom parce que nous savons qu’ils sont tordus. Donc faites un sondage vous allez constater que les commerçants à travers le pays soutiennent le GOHA. Nous avons créé le GOHA nous-même, nous avons pu installer le GOHA dans toute la Guinée et dans le monde entier, des sections et sous-sections, l’organisation a pris un gabarit international malgré les difficultés et les sabotages à tous les niveaux mais nous avons pu mener le GOHA sans budget et le GOHA représente quelque chose en Guinée, c’est incontestable, tout le monde le sait. Donc ce n’est pas la chambre du commerce que nous ne pouvons pas diriger, on peut diriger la chambre du commerce comme on peut manipuler les doigts de la main tellement que c’est facile pour nous. Il est plus difficile de diriger le GOHA que de diriger la chambre du commerce. C’est une institution de l’Etat, c’est semi public. D’ailleurs quand vous êtes là-bas vous serez toujours des bénis oui-oui, c’est complètement diffèrent du GOHA qui est une organisation non gouvernementale. Mais puisque nous voulons le développement de notre pays, nous voulons des bonnes actions pour notre pays, c’est pourquoi nous voulons vraiment diriger la chambre de commerce ou seconder un opérateur économique valable, consensuel, que tout le monde peut accepter.
Vous avez un dernier message…
Je voudrais que tous les guinéens soient unis par rapport à la situation que nous vivons. Nous ne voulons pas que les gens continuent à parler d’ethnies dans ce pays. Ces derniers temps dès que vous parlez, si vous êtes de la Moyenne Guinée, c’est parce que vous êtes Peulh, si vous parlez de la Haute Guinée c’est parce vous êtes Malinkés. Nous, nous n’aimons pas ça, nous voulons que toute la Guinée soit unie, qu’on travaille et qu’on laisse les problèmes d’ethnies parce que chacun peut faire quelque chose, chacun a été utile à un moment donné. Nous, nous voulons que toute la Guinée soit réconciliée, que tout le monde soit ensemble, que tu sois de la Haute Guinée, de la Moyenne Guinée, de la Guinée Forestière ou de la Basse Guinée parce que sans ça nous n’irons nulle part.
Entretien réalisé par Oumar Bady Diallo
Pour Africaguinee.com
Créé le 3 août 2018 18:44Nous vous proposons aussi
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