Cheick Sako : « Ceux qui bénéficieront de la grâce présidentielle cette année… » (Exclusif)

Maître Cheick Sako, Ministre guinéen de la justice

CONAKRY- C’est une information exclusive qu’a donnée cette semaine le Ministre d’Etat chargé de la justice, Maître Cheick Sako, à un journaliste de notre rédaction. Le Ministre Sako a annoncé la grâce présidentielle pour une centaine de prisonniers. Quels ont été les critères de choix de ces prisonniers ? Mme Fatou Badiar et cie feront-ils partie ? Le Chef du département de la justice revient ici sur les conditions de libération de ces prisonniers. Dans cette interview exclusive, Maître Cheick Sako fait également des annonces sur le dossier des massacres du 28 septembre 2009, notamment sur l’ancien Président Dadis Camara. Exclusif !!!


 

AFRICAGUINEE.COM : Maître Cheick Sako bonjour !

CHEICK SAKO : Bonjour Monsieur Souaré !

Le Président de l’Institution Nationale Indépendante des Droits de l’Homme, Mamady Kaba, a appelé récemment la Guinée au transfèrement du dossier des massacres du 28 septembre 2009 au niveau de la Cour Pénale Internationale. Pensez-vous qu’un tel scénario est envisageable à ce stade ?

J’ai lu les propos de Monsieur Kaba qui est le président de l’INIIDH. Monsieur le président de l’INDH est dans son droit quand il dit qu’il faut reprendre ce procès à la justice guinéenne pour le renvoyer à la CPI, en substance c’était ça. Je crois qu’il a dit que la Guinée n’a pas les moyens (…). J’étais un peu surpris de ses propos. Moi je suis sur une logique, étant responsable de la justice dans ce pays, quand je suis arrivé il y a trois ans cette affaire était déjà en cours puisqu’on est à la 7ème année. Il y a un pool de trois juges d’instruction qui ont été mis sur pied et qui travaillent sur ce dossier. J’ai fait assez d’interviews sur cette affaire et j’ai dit que la justice guinéenne traitera ce dossier jusqu’au bout. Il ne s’agit pas simplement de le dire mais de le faire. C’est ce qu’on est en train de faire présentement, nous sommes à l’étape de l’instruction. Vous nous direz que l’instruction dure depuis sept ans, et je rappelle qu’on est dans un cas de crime de masse, crime contre l’humanité, il n’y a pas de prescription. Moi j’ai l’obligation morale et juridique pour le citoyen guinéen, pour que le procès se fasse dans de bons termes en respectant le droit et la procédure, c’est très important. Pour finir la- dessus, plus de 400 personnes ont été auditionnées du côté des victimes, une quinzaine de personnes sont inculpées dans ce dossier et il reste deux ou trois personnes et on espère le faire avant la fin de cette année ou au plus tard en début de l’an prochain pour clore complètement ce dossier et commencer la préparation du procès. Maintenant pour répondre aux propos du président de l’INDH, il faut que je sois assez claire. Je pense qu’il a tort sur le plan du droit, sur le plan du droit on ne peut pas dire de go il faut que la CPI prenne cette affaire pour la traiter, ce n’est pas possible. Je le renvoie sur le droit international, le principe de subsidiarité veut que la justice de l’Etat national en l’occurrence la Guinée traite ce dossier. La CPI ne peut reprendre ce dossier que s’il y a une incapacité de la justice guinéenne de le traiter ou une lenteur excessive. Ce n’est pas un hasard que la procureure Fatou Bensouda et ces deux adjoints viennent au moins une fois par an en Guinée pour s’enquérir de son évolution. Moi-même je suis en contact avec la CPI. Donc je dirais que Monsieur le président de l’INDH est allé plus loin que sa pensée et il n’est pas question pour l’instant que la CPI reprenne ce dossier, la justice guinéenne peut traiter ce dossier. Après le stade de l’instruction nous passerons au stade du jugement.

Monsieur Mamady Kaba évoque notamment le manque de moyens pour l’organisation de ce procès. Qu’en dites-vous ?

 J’ai été à New-York il y a huit mois pour chercher des financements pour ce jugement, j’ai obtenu (….). Je n’ai pas eu que des promesses mais j’ai obtenu des engagements fermes de la part de l’ONU et du département d’Etat des Etats –Unis) qui vont se matérialiser dès janvier. Cela nous permettra d’organiser ce procès qui va durer à minima six à huit mois. Cela veut aussi dire qu’il faut qu’on ait un autre site à Conakry ou à l’intérieur du pays, peu importe, pour que ce procès puisse se faire, et pendant ce temps la justice classique peut continuer. On ne peut pas le faire à la cour d’appel parce qu’on va porter ombrage à la justice classique. C’est pour vous dire donc que ce n’est pas une petite affaire. Une dernière chose, le Sénégal a pu organiser le procès d’Hissen Habré avec l’aide internationale, notamment le Tchad. Sans cette aide, le Sénégal n’aurait pas pu organiser ce procès. Donc le procès du 28 septembre est beaucoup plus consistant le nombre d’inculpés et surtout le nombre de victimes, donc cela demande plus de travail et de temps. Donc sans aide internationale on ne pourra pas faire le procès. Moi j’ai des engagements avec les Etats-Unis, j’ai signé une convention avec leur Ambassadeur ici et l’ONU aussi avec le bureau de Madame Bangoura. Tout ça pour rassurer à la fois Monsieur Kaba et les citoyens que la justice guinéenne fera son travail. Après l’instruction, au plus tard fin décembre début janvier, on va commencer la préparation du procès et je l’ai annoncé ce sera en 2017.

Doit-on s’attendre au limogeage de tous les cadres cités dans cette affaire et qui sont encore en fonction ?

Je me suis déjà prononcé sur ça. Mon collègue de l’unité nationale et de la citoyenneté aussi. C’est un acte de souveraineté. Quand le Président de la République prend un acte, il ne m’appartient pas en tant que ministre de le juger. C’est pourquoi je ne me suis pas prononcé sur le fait que certaines personnes inculpées soient en fonction ou aient un lien avec l’Etat. Je ne me prononcerai pas là-dessus parce que c’est un acte de souveraineté. En revanche avant le procès, ceux qui sont en fonction, bien sûr ils vont quitter leur fonction. Pour être jugé. En matière criminelle, soit on se constitue prisonnier, dans les cours d’assises c’est une obligation, soit on peut atténuer en n’exerçant aucune fonction étatique publique avant le procès. Le délai sera fixé en respectant le code de procédure pénale.

L’ancien Président guinéen Dadis Camara qui est exil  va-t-il prendre part à ce procès qui se tiendra certainement en Guinée ?

Le procès se tiendra en Guinée. Ce n’est pas envisageable que ce procès soit déporté dans un pays voisin ou à la CPI. Je suis ferme là-dessus. Concernant l’ancien président de la République, M. Dadis Camara, il a dit lui-même qu’il viendra se défendre devant le tribunal criminel. Il aura ses avocats, il sera présumé innocent jusqu’à ce que le tribunal statue sur son cas. Lui, il a été très clair. Ce sont les gens qui disent du n’importe quoi en son nom. Les magistrats se sont déplacés à Ouagadougou, on l’a interrogé pendant plusieurs jours, il a été inculpé. Il a dit qu’il viendrait devant le tribunal pour se défendre.

De sources sûres nous apprenons que plusieurs prisonniers politiques vont bientôt bénéficier d’une grâce présidentielle. Confirmez-vous cette information ?

 

Si vous me permettez, il faut que je rectifie votre dire. Il n’y a pas de prisonniers politiques en Guinée. Il faut qu’on soit clair. Un prisonnier politique est quelqu’un qui est privé de liberté pour des opinions politiques. En revanche, quand des militants des partis politiques commettent des infractions d’ordre pénal, correctionnel ou criminel, ils restent militants de partis politiques, mais ils ne sont pas des prisonniers politiques non plus. Puisqu’on leur applique le code pénal ou le code de procédure pénal. On a actuellement des militants de l’UFDG (principal parti d’opposition en Guinée, Ndlr) qui sont en prison à Boké et ailleurs. On a aussi des militants du RPG (parti au pouvoir en Guinée, Ndlr) qui sont en prison à Kankan, à Siguiri et ailleurs. Pour moi, ce ne sont pas des prisonniers politiques, ce sont des prisonniers de droit commun. C’est des citoyens guinéens qui ont des activités politiques mais c’est des prisonniers de droit commun.

Effectivement, en tant que Ministre de la justice de ce pays, je me suis donné cette obligation. Chaque fin d’année, on présentera un projet de décret de grâce à Monsieur le Président de la République pour qu’il puisse gracier un certain nombre de nos concitoyens qui sont dans les prisons de Guinée. Vous avez la primeur. On a choisi des gens dans toutes les prisons de Guinée. Après, la Constitution donne ce pouvoir à Monsieur le Président de la République, il a l’impérium pour ça. Mon rôle en tant que ministre de la Justice, c’est de fixer des critères, apporter ce projet de décret à Monsieur le Président de la République, lui donner les explications qui sied. Ensuite qu’il le fasse ou pas, on ne peut pas lui forcer la main. Mais mon rôle, dans un Etat de Droit, chaque année, il faut qu’il y’ait des mesures de grâce concernant les concitoyens privés de liberté. Mais on ne le fera pas n’importe comment. Il faut qu’on se base sur des critères.

Quels sont ces critères ?

On a pris les critères de l’année dernière qu’on a affinés un peu plus. L’un des critères, c’est d’exclure tous ceux qui sont condamnés à des peines criminelles ou assimilées (viol, incendie volontaire, assassinat…), c’est une question d’éthique. Le deuxième critère, la peine doit être inférieure ou égale à cinq ans. Le troisième critère, on a exclu toutes les infractions graves contre le genre, les personnes vulnérables, les mineurs, les handicapés. Il faut que les personnes qui vont bénéficier de cette grâce aient purgé au moins la moitié de leur peine parce que ce n’est pas un blanc-seing qu’on donne aussi aux prisonniers. On n’a pas inventé, ça se trouve dans le code de procédure pénal. La maison centrale de Conakry, celles de Kindia, Labé, Kankan, Nzérékoré, et dans toutes les préfectures, on a pu avoir des prisonniers de droit commun qui rentrent dans ces critères. Pour l’instant ça nous fait 120 personnes. Ce qui n’est pas rien.

Cela voudrait dire que cette grâce qui va certainement être accordée par le Président de la République n’est pas liée à l’accord politique qui a été signé le 12 octobre dernier ?

Vous pouvez me faire confiance, je ne suis quelqu’un qui cède sur des pressions politiques. J’ai dépassé l’âge. J’ai dit que dans notre pays, nous serons toujours indépendants par rapport à qui que soit, notamment par rapport aux forces politiques et aux forces de l’argent. Pour répondre à votre question, le projet de décret que je vais déposer à Monsieur le Président de la République, je vous ai tantôt dit que c’était les condamnés des droits communs. Il n’y aucun élément politique là-dans. Ensuite, il y a eu un accord politique qui a été signé entre les forces politiques du pays. Je suis un citoyen, nonobstant ma qualité de Ministre. Dans cet accord politique, il est dit qu’on doit élargir certains prisonniers ayant un lien avec la politique. J’avais demandé au ministre de l’Administration du Territoire de préciser dans cet accord, sur ce point, d’exclure toute infraction à caractère criminel ou assimilé. Si vous voyez l’accord politique cela est indiqué. Ce qui me met à l’aise. Nonobstant cet accord-là, il faut que j’inclue quelques éléments du code de procédure pénale. La loi me permet de prendre des arrêtés de libération conditionnelle (…). Ça permettra sur la base de ces accords de libérer certaines personnes qui ont certes commis des infractions d’ordre pénal ayant un lien avec une activité politique.

 

Interview réalisée par SOUARE Mamadou Hassimiou

Pour Africaguinee.com

Tél. : (+224) 655 31 11 11

 

Créé le 13 décembre 2016 10:30

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