« Brutalité » ou « humanité »? La polémique continue sur les migrants à Paris

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PARIS-La polémique s'est poursuivie mardi sur la gestion des migrants à Paris, associations et partis de gauche dénonçant la "brutalité" du gouvernement, qui les accuse en retour de "démagogie".


Le Défenseur des droits, Jacques Toubon, aussi chargé de veiller à la déontologie des personnels de sécurité, a ouvert une enquête sur l'opération d'évacuation de migrants de lundi halle Pajol, dans le XVIIIe arrondissement de Paris, après que des associations eurent dénoncé des "violences policières".

Quelques 84 personnes avaient été emmenées au commissariat et des policiers avaient fait usage de gaz lacrymogènes contre des migrants et des militants qui tentaient de faire barrage.

Face aux critiques qui se font entendre jusque dans les rangs de la majorité, le ministre de l'Intérieur a assuré que le gouvernement avait agi "avec humanité". "Il est plus difficile d'agir avec humanité et responsabilité que de commenter sur tous les plateaux de télévision avec la plus grande démagogie les difficultés auxquelles le gouvernement est confronté", a martelé Bernard Cazeneuve à l'Assemblée nationale.

Depuis l'évacuation le 2 juin du campement sous le métro aérien de La Chapelle, dans le nord de Paris, où plus de 350 personnes, principalement des Soudanais et des Érythréens, s'entassaient depuis des mois dans des conditions indignes, clandestins et policiers se livrent au jeu du chat et de la souris.

Plusieurs dizaines de migrants ont été délogés ces derniers jours du parvis de l'église Saint-Bernard – célèbre depuis l'évacuation musclée des sans-papiers qui l'avaient occupée en 1996 – et de la halle Pajol, lors d'opérations policières très médiatisées.

"La façon dont ont été traités ces migrants a aboli toute frontière politique entre les pratiques" de la droite et "celles du gouvernement en ce qui concerne l'immigration", a jugé mardi le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples, dénonçant la "brutalité de la rafle".

Plus de 300 personnes ont manifesté mardi soir dans le calme devant la halle Pajol, à l'appel de syndicats, d'associations et de partis de gauche.

"Les évacuations ne régleront rien. Il faut des solutions pérennes. Paris est une ville refuge, il faut l'assumer, créer une structure d'accueil pour les migrants", a déclaré sur place à l'AFP Ian Brossat, adjoint (PCF) au Logement de Paris.

– Centre d'accueil –

A quelques centaines de mètres des manifestants, plusieurs dizaines de clandestins ont installés leurs couvertures et matelas au milieu des géraniums et des framboisiers du Bois Dormoy, un jardin associatif. "La situation est très inquiétante, aucun médecin n'est venu les voir alors que plusieurs d'entre eux ont la gale", s'indigne Pauline Mercury, qui recueille vêtements, nourriture et produits d'hygiène apportés par des riverains.

Face aux associations qui réclament un "plan d'urgence", le ministre de l'Intérieur a assuré que le gouvernement propose un hébergement "à tous ceux qui relèvent de l'asile en France".

Mais beaucoup préfèrent tenter de rejoindre la Grande-Bretagne ou l'Allemagne: parmi les 471 personnes évacuées de La Chapelle, 277 n'ont pas souhaité demander l'asile, selon le préfet d'Ile-de-France, Jean-François Carenco, qui assure aussi agir avec "fermeté et humanité".

"Ces 277 migrants se sont vu proposer par l'État un hébergement à titre humanitaire exceptionnel d'au moins sept nuits", mais "certains d'entre eux ont refusé l'hébergement proposé comme l'attestent l'enregistrement de places inoccupées", 75 la nuit dernière, a ajouté le préfet, dénonçant "l'instrumentalisation faite de cette situation".

De son coté, la mairie a dit "étudier avec l'État" la possibilité d'ouvrir "dans quelques semaines" un "centre d'accueil" pour les migrants géré par des associations.

Plus de 100.000 migrants et réfugiés sont arrivés en Europe depuis le début de l'année via la Méditerranée, a relevé mardi le Haut Commissariat de l'ONU pour les réfugiés.

Originaires essentiellement d'Afrique subsaharienne et du Moyen-Orient, ces migrants fuyant la violence et les conflits s'efforcent de gagner l'Europe à la faveur du chaos régnant en Libye. Ce pays, véritable plaque tournante de l'émigration africaine, est le lieu de transit de nombreux ressortissants, notamment de la Corne de l'Afrique et d'Afrique de l'Ouest.

AFP

Créé le 9 juin 2015 20:43

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