Bouteflika à nouveau candidat : il n’a pas encore de dauphin incontestable
ALGER- L'actuel président algérien n'entend pas prendre sa retraite de sitôt. Samedi 22 février, Abdelaziz Bouteflika, 76 ans, a annoncé qu'il briguerait un quatrième mandat présidentiel. Les élections se tiendront le 17 avril prochain. Pour Abdelmalek Alaoui, politologue, cette nouvelle candidature prouve que la relève n'est pas encore assurée.
Avait-t-il vraiment le choix ? Selon plusieurs fins observateurs de la chose algérienne, la candidature à l’élection présidentielle d’Abdelaziz Bouteflika – officielle depuis samedi dernier – était "inéluctable", au nom de la survie du clan présidentiel face à l’emprise des généraux.
Visiblement épuisé par l’accident vasculaire cérébral (AVC) qui l’avait terrassé au printemps dernier et l’avait obligé à une longue hospitalisation en France, incapable de se tenir debout ni même de prononcer un discours, Abdelaziz Bouteflika tente désormais de se maintenir à tout prix à la tête de l’État Algérien, qu’il dirige depuis plus de quatorze ans.
Même diminué, Bouteflika ne lâchera rien
Son état de santé précaire a été balayé d’un revers de la main par ses plus fervents partisans, certains n’hésitant pas à mettre en avant l’exemple – un peu daté – du président américain Franklin Delano Roosevelt, qui dirigea la première puissance mondiale et mena la Seconde Guerre mondiale en chaise roulante.
Certains ont avancé l’hypothèse que Bouteflika était désormais "candidat à son insu", l’annonce même de sa candidature ayant été faite à travers le premier ministre Abdelmalek Sellal, qui devrait également faire office de directeur de campagne.
Or, ce serait mal connaître l’homme et son caractère ombrageux que de penser que Bouteflika n’a pas choisi d’être candidat pour cette quatrième fois.
Même diminué, le président algérien ne lâchera rien jusqu’au dernier moment, voulant à tout prix continuer à protéger son cercle de fidèles, composé notamment de son frère et directeur de cabinet, Saïd, de l’ancien ministre de l’énergie Chékib Khélil, et de l’actuel Premier ministre ainsi que de quelques membres du gouvernement.
Le discret général "Toufik", toujours inamovible
Célibataire car "marié à l’Algérie" selon sa propre expression, Bouteflika compte également sur le chef d’État-Major, le général Ahmed Gaïd Salah, à la pointe du combat contre les adversaires du président.
Gaïd Salah est ainsi en train de livrer un formidable bras de fer face au mystérieux et tout-puissant chef du redoutable service de renseignement algérien, le général Mohamed Médiène "Toufik". Discret – il n’existe aucune photo publique de lui – autant que paranoïaque et ascétique, "Toufik" est à la tête du Département renseignement sécurité (DRS) depuis plus de vingt ans, et les Algériens comme les commentateurs lui prêtent des pouvoirs étendus, voyant son empreinte partout.
Depuis quatre ans, le DRS de "Toufik" diligente des enquêtes anti-corruption qui se rapprochent de plus en plus du clan présidentiel, ce qui a vraisemblablement poussé Bouteflika à tenter de "démonétiser" l’inamovible patron des services à l’été dernier, à travers une vaste restructuration de l’appareil sécuritaire.
Au début de l’année, une seconde estocade est portée à l’encontre du général "Toufik" à travers des critiques par voie de presse émises par le secrétaire général du FLN, Amar Saidani, membre du tout premier cercle du président Bouteflika. À ce moment, le tout-Alger bruisse d’une destitution prochaine et brutale du chef des services, mais rien n’arrive.
Las, cette double tentative d’affaiblissement du patron du DRS aura été vaine et n’aura que radicalisé encore plus le mystérieux général qui a depuis actionné ses réseaux de l’ombre et ses relais médiatiques pour faire campagne contre l’option "Boutefliquatre".
C’est ainsi que les Algériens ont assisté, médusés, à un bal médiatique d’anciens généraux de l’Armée nationale populaire (ANP) appelant à "respecter" le travail accompli par le DRS et son chef, rappelant par la même la centralité, voire le caractère sacré des services secrets dans la gestion de ce pays à part.
L'Algérie n'a pas pris le bon virage économique
Ce n’est là qu’un des multiples paradoxes qui traversent l’Algérie contemporaine, un pays jeune – la moitié des habitants a moins de 19 ans – dirigé par une génération qui a lutté pour l’indépendance et qui dépasse allègrement les 70, voire 80 ans, dont les avatars actuels les plus emblématiques sont Bouteflika, Médiène, Gaïd Salah et consorts.
Habituée au clair-obscur qu’entretiennent savamment ses dirigeants depuis l’indépendance, l’Algérie demeure l’un des mystères les plus insondables du monde arabe.
En effet, cette puissance gazière au richissime sous-sol n’a pas réussi sa transformation économique qui l’aurait sans doute propulsé au rang de puissance régionale à l’instar des Emirats ou du Qatar. Elle a toutefois réussi à préserver sa stabilité depuis la fin de la guerre civile des années 1990, en traversant le "printemps arabe" de manière paisible.
Les affrontements inter-nomenklatura de ces dernières semaines montrent toutefois que l’édifice que d’aucuns penseraient indestructible repose malgré tout sur un équilibre fragile et souffre de l’absence de dauphin incontestable pour succéder à Bouteflika.
Certains commencent donc à évoquer un scénario inattendu dans lequel le pacte secret qui lie les tenants du pouvoir algérien profond serait en train de se disloquer. Plus de cinquante ans après l’indépendance, cette option devrait permettre de faire émerger – enfin – une nouvelle génération de dirigeants algériens.
Source: Leplus.fr
Créé le 26 février 2014 10:04Nous vous proposons aussi
TAGS
étiquettes: Afrique