Boubacar Diallo « Grenade » : « Lors des manifestations, Cellou Dalein nous disait toujours… » (Exclusif)

Boubacar Diallo "Grenade"

KINDIA- Depuis la prison civile de Kindia, Boubacar Diallo vient de faire de nouvelles révélations. Celui qui est considéré comme étant l’auteur de plusieurs crimes commis lors des manifestations politiques a expliqué dans quelles circonstances il est revenu en Guinée, son arrestation à Conakry, mais aussi de ses conditions de détention à la prison civile de Kindia. Dans cette interview, « Grenade » cite également des noms, notamment celui de Cellou Dalein Diallo qui leur donnait des « consignes » à l’occasion de chaque manifestation. C’est une exclusivité d’Africaguinee.com !


 

AFRICAGUINEECOM : Boubacar Diallo « Grenade » expliquez-nous dans quelles conditions êtes-vous détenus à la maison centrale de Kindia ?

BOUBACAR DIALLO « GRENADE » : Je suis Boubacar Diallo dit grenade, je suis un détenu politique qui demande justice concernant mon arrestation. Aujourd’hui je me demande pourquoi je suis là jusqu’à présent et les raisons de ma détention alors que toutes les charges contre ma personne ont été annulées. Après tous les rapports médicaux sur mon état de santé, je me demande pourquoi je n’ai toujours pas bénéficié d’une liberté provisoire pour des soins médicaux intenses ou mon transfèrement à Conakry pour des raisons de famille et mon droit à un jugement équitable dans les meilleurs délais. Je ne suis pas juriste c’est vrai, mais je pense qu’un article existe dans le code de procédure pénale selon lequel toute personne poursuivie a droit à une liberté provisoire lorsque les charges sont annulées. Je demande ma libération ne serait-ce que provisoire.

S’agissant des conditions de ma détention à Kindia, depuis que je suis transféré ici, je me demande pourquoi on m’a envoyé ici. Je m’interroge pourquoi on m’a fait venir ici parce que je ne suis pas plus que AOB et Toumba Diakité (deux autres détenus à la maison centrale de Conakry, Ndlr). Je ne les offense pas mais c’est les détenus les plus célèbres actuellement en Guinée. Les accusations portées contre eux sont les plus graves. Moi je suis un simple militant d’un parti politique influent dans le pays.

Revenant sur vos conditions de détention, avant on disait que vous ne receviez pas de visite, est-ce toujours le cas ?

Tout dernièrement, ils ont accepté les visites pour deux personnes. Ma petite amie qui venait souvent ici. La visite a également été autorisée pour ma grand-mère. Le juge a accepté ces des personnes là, je suis tranquille. Mais j’avoue que suis devenu une autre personne dans la prison ici parce qu’on dit chaque douleur rend plus fort mais ma douleur m’a rendu non seulement plus fort et plus intelligent encore.

 Premièrement, je me suis retrouvé au cœur d’une trahison, deux je suis militant d’un parti politique qui veut le bonheur du peuple de Guinée, un parti qui dit non à l’injustice, à l’insécurité, à l’ethnocentrisme. Je me suis dit avec Cellou Dalein il va nous apporter une vie meilleure qui était enveloppée par les ténèbres de l’ignorance. J’ai donné ma vie pour soutenir la vérité, ça fait partie des raisons qui m’ont poussé à entrer en contact avec vous à travers cet échange écrit parce qu’on n’accepte pas de téléphone ici. Je préfère mourir avec la vérité que vivre avec le mensonge.

Sékou Souapé vous a accusé de lui avoir demandé de l’argent à plusieurs reprises pour soutenir la scolarité de votre jeune sœur. Est-ce vrai ?

Je suis pas là pour me défendre, je jure sur la tombe de ma mère que je ne l’ai jamais fait. Il a essayé plusieurs fois de me rencontrer, de me convaincre au téléphone. Je me demandais comment ils ont eu mon numéro. C’est pourquoi je vous ai dit chaque trahison te rend plus fort parce que je ne sais pas encore qui lui a communiqué mon numéro. Je n’ai pas accepté de les rencontrer, je leur ai dit que je ne suis pas ce qu’ils pensent. J’ai toujours dit même si je veux quitter l’UFDG, je ne rejoindrais pas la mal gouvernance. J’ai aussi fait savoir que je ne suis pas contre Alpha Condé, mais je suis contre la mal gouvernance. Je ne suis pas violent, le leader que je soutiens aussi, Cellou a toujours dit qu’avec la violence on ne peut rien faire pour le pays. C’est pourquoi il a accepté de signer sa défaite en 2010 et en 2015. Il a renoncé à juste raison au nom de la paix. Lors des manifestations il dit toujours que les militants du RPG et les forces de l’ordre ne sont pas vos ennemis, votre adversaire c’est la mal gouvernance, ne faites du mal à personne et si on vous fait du mal, pardonnez et faites agir votre conscience dans le bon sens.

Vous dites que vous êtes victime de trahison, comment expliquez-vous les images sur lesquelles on vous voit tenir une arme de guerre et habillé en treillis militaire ?

Les images que vous avez vues, ce n’est pas ailleurs, c’est à la gendarmerie qu’elles ont été prises. C’est à la gendarmerie qu’on m’a remis cette arme pour prendre la photo. La chance que j’ai eue, c’est que les agents qui me torturaient étaient hors d’eux-mêmes, ils avaient oublié qu’il y avait le logo de la gendarmerie là où on m’a mis pour la prise de photo. C’était à l’escadron numéro 3 de Matam. Rien n’était caché, ils m’ont dit on va te remettre une arme et te montrer comment la tenir. Tu vas regarder comment notre ami près du photographe tient son arme tu fais comme lui avec la même position. Et c’est après de sévères tortures (…), regardez bien la photo, j’étais très amaigri là-bas, et prenez le temps de me voir là où je suis en prison et comparez. Je me porte mieux maintenant. Ces photos qui circulent ont été prises dans des conditions assez particulières, c’est après plusieurs jours de tortures. Ils ont voulu me faire reconnaitre des témoignages qui salissent le leader de l’UFDG ainsi que les militants du parti. Une chose que j’ai refusée.

J’ai accepté la souffrance pour l’amour du peuple de Guinée et des victimes de la démocratie. J’avais dit aux gens qui voulaient me faire témoigner contre certaines personnes, imaginez que je fasse cela les conséquences seront lourdes. Vous allez arrêter des personnes à tort, d’autres sortiront dans la rue pour réclamer leur libération, ensuite la police et la gendarmerie vont sortir réprimer, tirer sur des innocents. On a quel intérêt à faire tout ça ?

Les accusations portées contre vous sont très graves Grenade. On vous soupçonne d’avoir tiré sur la foule pendant les manifestations politiques de l’opposition…

Si on dit que je jetais des cailloux j’aurais compris, et ces cailloux que je jetais aussi ce n’était pas pour attirer la violence, mais contre certaines personnes qui voulaient nous faire du mal alors qu’ils ne sont pas parmi nous les manifestants et ceux qui s’attaquent aux biens de nos parents. Ce qui m’a donné le courage et l’idée de créer un mouvement qu’on appelle section cailloux, ce mouvement aussi n’est pas fait pour la violence. C’est une façon de rendre un hommage et honorer mes amis et mes frères qui sont enterrés au cimetière de Bambeto qui voulaient instaurer une véritable démocratie et la paix dans leur pays. Quand ces accusations ont été portées contre ma personne, je me demandais comment avoir ce courage. Si c’est vrai j’avais eu l’occasion d’avoir une arme, ce n’est pas sur mes amis que j’allais tirer ou sur les militants de l’UFDG. Ils n’ont qu’à me montrer un gendarme ou un policier qui a reçu une balle pendant les manifestations politiques.

Tous ces mensonges emballés venant de je ne sais où pour me demander de signer une telle déposition et de considérer cela comme ma propre déposition que je vais reconnaitre devant un juge d’instruction. Et en contrepartie ils allaient me rendre riche avec ma famille. J’ai répondu ne vous y attendez pas, ce que Bah Oury n’a pas pu faire alors qu’il a été gracié, c’est moi qui le ferais ? Bah Oury est un cadre qui connait la politique, la politique de Bah Oury me dépasse, il a des diplômes importants, alors que moi je n’ai que 3 petits diplômes (un diplôme d’entrée en 7ème et deux autres en informatique). Je ne dispose pas de diplôme pour créer un parti ou être un leader. Je suis un simple militant de l’UFDG membre de la section motard et membre fondateur de la section cailloux. Mon rôle pendant les manifestations, c’est de contrôler voir si on va interpeller un militant comme un loubard de l’autre côté. Si vous voyez les barricades et les jets de pierres pendant les manifestations, si nous sommes souvent infiltrés par d’autres individus.

Vous ne vous reprochez de rien ?

Rien, rien, tout ce qu’on avait demandé c’est de témoigner mais j’ai toujours dit que je n’appartiens pas à ce genre de personnes.

Autrefois vous étiez à l’étranger, pourquoi êtes-vous revenus alors que certains disaient que votre vie était en danger en Guinée ?

Ma grand-mère m’avait appelé pour me faire savoir que mon oncle maternel qui représente ma défunte mère est gravement malade et ma jeune sœur aussi. Elle voulait absolument me voir au pays. En ce moment je suivais une formation au Sénégal, je suis revenu, j’ai appris par la suite que je suis revenu avec une autre identité, pourtant à l’ambassade de Guinée à Dakar j’ai reçu ma carte consulaire. Ce qui est écrit sur mon extrait de naissance Boubacar Diallo né en 1994, c’est ce qui a été mis sur la carte consulaire. C’est avec ce document que je suis rentré en Guinée, j’ai traversé les frontières, les barrages internes jusqu’à Conakry sans avoir aucun problème avec les autorités. Si j’avais commis des crimes, je n’allais pas revenir ici. Lorsque j’étais à Dakar des gens m’appelaient pour me dire si tu viens on va te tuer on va te faire du mal. Je répondais pourquoi ils vont me tuer, je suis dans quel problème. Il fallait que je revienne pour faire savoir que je n’ai pas fui le pays, je suis juste parti à Dakar pour suivre mes soins médicaux et j’ai eu une école qui forme les gens en informatique où je tenais à faire entre 6 mois et un an avant de rentrer. Entre-temps ma grand-mère m’a appelé.

En fait, il y avait un colonel qui m’appelait jour et nuit pour me parler, mais j’ai mis son numéro sur renvoi. Un jour il m’a appelé avec un autre numéro pour me dire qu’il a des hommes qui me surveillent partout, il me dit qu’il ne veut pas me faire du mal. Il a dit qu’ils ont juste besoin de moi, de travailler avec eux comme Intello a fait. J’ai dit faire cela c’est trahir mes amis qui reposent à Bambeto. J’ai 3 amis qui reposent là-bas, l’un s’appelle Boubacar, il a été tué lorsque j’étais à la maison centrale de Conakry, il y a un autre ami que j’ai laissé à la maison ; lui aussi est tué, le jour où il a pris la balle c’est un pantalon qui m’appartenait qu’il portait. Ce jour ils ont tiré sur moi devant le siège du RPG, c’est lui qui m’a pris pour me conduire à l’hôpital, il a été enterré à mon absence, ils sont nombreux à perdre la vie comme ça. Donc avec tout ça, je ne peux pas changer.

Les guinéens souffrent plus que tous les fils de l’Afrique, si Alpha Condé veut incarner Mandela en Guinée c’est simple. Il a souffert pour être là où il est. J’apprécie son courage et son engagement. Il a été chassé par le régime de Sékou, au temps du feu Général Lansana Conté également ; il est revenu, il a été emprisonné pendant deux ans et quelques mois. Aujourd’hui il est président de la République. Même Cellou Dalein nous disait laissez-le diriger le pays, c’est un vieux qui connait la politique, il est venu pour nous aider à changer le pays. Avant qu’il ne devienne président il a fait la politique avec Bâ Mamadou et Siradiou Diallo. Acceptons de lui laisser la victoire il a donné sa vie pour ce pays, je vous en prie restez derrière-moi avec et laissez le tranquille. Avec ça Alpha Condé pouvait demander à toutes les ethnies de se donner la main, de l’aider à diriger ce pays dans la paix avec la vraie démocratie.

Est-ce qu’il est vrai que vous avez tenté de mettre fin à votre vie ?

C’est une information réelle, j’ai voulu mettre fin à mes jours en prison. Les raisons, je me sentais abandonné par le parti qui avait écouté les rumeurs d’une part, de l’autre côté également les autorités me faisaient la pression pour témoigner, à défaut on me disait que c’est en prison que je perdrais ma vie.  Je ne savais pas quoi faire, j’avais perdu tout espoir. Mais avec le conseil d’un codétenu qui m’a remonté le moral y compris le régisseur qui m’a fait savoir qu’il n’y a aucune raison de perdre l’espoir et que personne ne sait ce qui viendra demain.

Est-ce que vous étiez passé à l’acte et après on vous a sauvé ?

J’ai voulu prendre quelques choses mais mon ami a vu et m’a empêché de le faire. Depuis ce jour, le régisseur a pris des dispositions pour ne pas que je reste isolé. Il avait fait savoir à la hiérarchie s’ils continuent de m’isoler un bon matin, ils vont retrouver mon corps. Il a pris la décision de me faire accompagner par mon ami pour ne pas que je tente encore de me suicider. Avant même ça, je tombais souvent malade, je tapais la porte la nuit pour bénéficier des soins, les infirmiers faisaient le nécessaire, toujours pour me protéger, le régisseur a enlevé les câbles électriques dans la cellule de peur que je ne m’électrocute. Mon ami est resté là pour me conseiller, me remonter le moral

Avez-vous un dernier message ?

Je demande à mes frères guinéens de ne pas accepter d’être manipulés par nos dirigeants, de refuser la corruption, de dire non à l’injustice, à l’ethnocentrisme et à la violence qui règne dans notre pays. Il faut que chacun se batte de son côté pour restaurer la paix et l’amour entre les ethnies, de refuser de distiller la haine. Je dirai à tous que la prison est une école de la vie, maison indésirable mais inévitable pour certains. La prison nous permet de reconnaitre les vrais amis et les ennemis, aller en prison ne signifie pas que vous êtes mauvais plus que tout le monde. Il y a des causes qui peuvent nous conduire en prison comme l’injustice, le règlement de compte, la politique, les accusations gratuites mais tout est lié au destin de chacun.

Dans les prisons guinéennes, les non-coupables sont plus nombreux que les coupables. L’épreuve de la vie nous conduit dans les différents endroits sur cette terre pour rencontrer beaucoup de personnes afin de cueillir beaucoup d’expérience. Je suis pour la vérité et contre l’injustice. J’invite tout le monde au courage, l’injustice reste toujours le facteur principal de tous les maux dont souffre notre société en Guinée. Essayons de mettre fin à cela. J’ai eu une histoire inoubliable avec la politique.

Je remercie mes avocats Maître Béa, Maître Alseny, qui se battent jour et nuit pour obtenir ma liberté. Je remercie également la chambre de mise en accusation, malgré que je ne sois pas libéré, elle a accepté d’annuler toutes les charges contre moi. Je demande au Procureur Général et le ministre de la justice, d’accepter de me libérer. Je lance un appel aux Nations-Unies, au Haut-commissariat des droits de l’Homme, d’inviter la justice guinéenne à respecter mes droits. Pourquoi je suis là encore alors que les accusations sont annulées ? Mes remerciements vont également à tous ceux m’ont soutenu dans ces moments difficiles. Merci aussi aux journalistes malgré que je ne communique pas mais j’écoute la radio et je regarde la télé, je voyais les réactions de chacun pour soutenir la vérité. Que le bon Dieu nous couvre de sa grâce et qu’il veille sur la Guinée. Certains viennent en prison mauvais ils sortent avec la bonne foi, d’autres viennent très bon mais sortent mauvais.

Je remercie aussi un jeune margis-chef de la Gendarmerie qui m’a été reconnaissant après mon arrestation. C’est un gendarme que j’ai vu pour la première fois à Bambeto après un enterrement, il était sur sa moto.  Quand il a vu la foule, il s’est mis à genou tellement qu’il avait peur, pour lui c’était fini pour sa vie. J’ai crié laissez-le c’est mon grand. Pourtant je ne le connaissais pas, j’ai dit grand lève toi tu m’as pas reconnu c’est ton petit Grenade, je lui ai remis mon numéro, il est parti vers Kipé. Il m’a appelé un jour et on s’est retrouvé, il m’a dit petit tu m’as sauvé la vie, quoiqu’il arrive je te serais reconnaissant. Le jour où je l’avais sauvé sa femme était gravement malade, il rentrait d’urgence à la maison.

Quand j’ai été déféré à la maison centrale de Conakry, je ne sais pas comment il a été informé, il est venu me voir dans ma cellule, avec des menaces à mon endroit j’ai eu peur. Mais finalement j’ai compris que c’était un moyen pour s’approcher de moi. Il m’a donné un petit téléphone avec un numéro, il m’a dit d’informer ma famille que je suis arrêté. J’ai pensé que c’était un espion. Après il m’a rappelé ce qui s’était passé entre nous à Bambeto. C’est comme ça que j’ai informé ma famille de mon arrestation. C’est pourquoi j’invite tout le monde à faire du bien tant qu’il peut.

 

Interview réalisée par Alpha Ousmane Bah

Pour Africaguinee.com

Tél. : (00224) 664 93 45 45

Créé le 22 septembre 2018 16:42

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