Béatrice Dupoutou parle : « Sidya Touré n’est pas un bon politicien… »
CONAKRY-Pourquoi BEATRICE DOUPUTOU a lâché Sidya Touré ? L'ancienne militante de l'Union des Forces Républicaines (UFR) vient de faire des révélations. Dans cette interview qu'elle nous a accordée, madame Douputou motive aussi sa décision de soutenir la candidature d'Alpha Condé. Interview exclusive.
AFRICAGUINEE.COM : Vous venez d’annoncer votre soutien à la candidature du président Alpha Condé à l'élection présidentielle. Dites-nous pourquoi ?
BEATRICE DOUPUTOU: Je suis venue à l’UFR de mon propre gré. Mes attentes, mes ambitions en venant à l’UFR, c'était d'apporter ma modeste contribution en tant que citoyenne guinéenne. Je voulais apporter mon expérience que j'ai acquise en Côte d'Ivoire où j'ai vécu. Je voulais mettre ce que j’ai vu dans ce pays au service de mon pays. Un parti politique, c’est la somme de toutes les forces qu’on met ensemble pour le faire booster et avancer vers l'objectif. La conquête et l'exercice du pouvoir. Donc en venant, premièrement j'avais le souci de cette jeunesse qui a beaucoup souffert que les politiques ont bon an mal an détruit l'avenir. J’avais tout ça en idée quand je venais à l’UFR. Mais vous savez, pour être un bon chef, quelqu’un qui veut diriger un pays, qui veut être un leader politique, d’abord il doit être un bon gestionnaire de ressources humaines, un bon politicien un bon citoyen. Monsieur le président Sidya Touré c’est un technicien, mais ce n’est un bon politicien, ni un bon gestionnaire des ressources humaines. Parce qu’un bon gestionnaire des ressources humaines. Surtout le chef, il faut avoir le sens de l’écoute. Il ne faut jamais prendre les décisions unilatéralement.
Même un bon père de famille quand tu veux prendre une décision au sein de la famille tu dois toujours te référer à madame même si elle est analphabète parce que c’est cette analphabète que tu as choisi. Tu dois d’abord demander son avis avant de prendre une décision. Quand ça, ça manque à un chef ou à un père de famille ou à un dirigeant tu fausses tout. Il y a tout le monde dans un parti politique. Mais chacun à un rôle. Donc je suis venue à l’UFR pensant que l’idée que j’allais donner allait être comprise. Malheureusement j’ai vu que c’est une autoroute à un seul sens et quand il y a une route à un seul sens, même si tu es un bon conducteur, tu es exposé à des accidents.
J’étais incomprise. Je suis arrivée à la conclusion que ma place n’était plus à l’UFR. Parce que si on dit qu’on est démocrate, si nous voulons pratiquer la démocratie chez nous, nous devons regarder la télé, nous devons voyager et regarder dans les autres pays. La démocratie se joue dans les urnes, ce n’est pas en battant le pavé. On a eu combien de morts quand il y avait le parti unique ? C’est beaucoup parce que tout simplement quand moi je dis que c’est bleu et il faut que ça soit bleu et l'autre dit que ça doit être mauve. Alors il faut qu’on arrête. La Guinée vient de très loin. Nous sommes des intellectuels, on a accepté de rentrer à l’école, mais ce pays-là c’est nous les politiques qui l’avons détruit. Aujourd'hui, si tu donnes la Guinée à un analphabète tout le monde va se coucher et dormir tranquillement. Parce que lui, il est analphabète en français mais il sait comment gérer les ressources humaines, il sait qu’il ne faut pas mentir, il sait qu’il ne faut tricher, il sait qu’il ne faut pas faire l’adultère, il sait que la chose publique appartient à tout le monde. Donc il faut faire attention.
Quand tu es démocrate, il faut que tu acceptes que la démocratie se nourrisse de sa contradiction. Lorsque tu dois prendre une décision, il faut que tu te réfères à ta base. Parce que c’est cette base qui t’a élu, c'est elle qui fait de toi ce que tu es. Lorsque tu vois que ce pays se trouve en ébullition, tu dois te dire entre deux maux il faut choisir le moindre mal. Œuvrer dans ce cas pour qu’au moins si tu as le souci de la jeunesse, des femmes qui sont en train de souffrir, d'amoindrir cette souffrance. Ce pays a décroché son indépendance avec un langage très violent, ‘’Nous préférons la liberté dans la pauvreté à l’opulence dans l’esclavage’’. Où toi tu as un pauvre digne ? Il y a un pauvre digne ? Tu passes toute la journée sans manger, même si c’est ton ennemi qui vient te déposer un bol de riz, tu seras obligé de dire moi en tout cas cette fois-ci je te pardonne. Le pauvre n’a pas de dignité, le pauvre n’a pas d’honneur. Ton honneur tu l’acquiers dans le travail. Dieu a dit que tu vivras de la sueur de ton front.
Voulez-vous dire que Sidya Touré n’a pas le sens de l’écoute de ses proches ?
Tout ce que je peux dire, je sais personnellement que monsieur Sidya Touré est un bon technocrate mais ce n’est pas un bon politique. Non seulement il n’est pas un bon politique, mais la gestion des ressources humaines lui manque. On ne peut pas diriger un pays avec les mathématiques. Non ce n’est pas possible. Chaque être humain a un caractère. Il faut que tu écoutes, il faut que tu saches que de là où tu es venu, de la Côte d’Ivoire, c’est un monsieur qui a prôné le dialogue et la paix. Donc quel que soit les turbulences, il faut que tu prônes le dialogue et la paix, vaille que vaille. C’est par cela seulement que tu pourras triompher, mais pas par la violence. Depuis 1958 ce pays-là connait la violence verbale, physique, morale, spirituelle. Cela n’a fait que régresser ce pays, il faut qu’on arrête, il faut qu’on apprenne maintenant à dire ‘’ok j’accepte’’.
Si vous me refusez une miche de pain ce matin, c’est la grâce, j’ai foi demain que je pourrai avoir au moins la moitié d’une miche de pain. Qui sait ? Peut-être demain ou après-demain tu pourras avoir cinq pains. Pour être grand, il faut accepter d’être petit. Quand on dit d’être petit, c’est être humble, te dire attention je veux diriger ce pays pour les plus faibles. Je ne dois pas les mettre dans la rue, je ne dois pas faire en sorte qu’une seule personne arrive à verser son sang. Le sang a assez coulé, il faut qu’on arrête. Moi je suis une maman. Même lorsque ton fils tombe malade la nuit et que tu le prennes dans tes mains, jusqu’au matin tu ne dors pas. On sait ce que ça fait à plus forte raison qu’on te dise que ton enfant est parti dans des conditions douloureuses. Je refuse cela. Il faut qu’on change de stratégie, je demande humblement aux politiques de changer de stratégie si en tout cas ils veulent diriger ce pays. Nous sommes tous condamnés à vivre ensemble ici. Donc aimons-nous les uns les autres comme Dieu nous a aimé, aimons le bien de ce pays, apprenons à dialoguer.
On doit apprendre à bien parler, on doit apprendre à se respecter, à respecter les autres si on veut être respecté. Si la guerre devait résoudre quelque chose la première guerre mondiale n’aurait jamais pris fin. Lansana Conté n’était un grand intellectuel mais voilà un homme qui était politique, qui était social, même si la technicité lui manquait mais il se référait toujours aux technocrates pour dire faites ce qui est bien pour le pays. C’est ça la gestion des ressources humaines, réfère toi toujours aux gens.
Dites-nous concrètement pourquoi au lieu de vous lancer en solo pour vendre ces idées, vous avez décidé de soutenir Alpha Condé pour un troisième mandat ?
Peut-être que dans 10 ans je serai candidate. Après que le papa ne serait plus là, je serai candidate à la présidence de la République. Je suis partie avec le président Alpha Condé pour deux raisons. Je suis d'abord partie avec Sidya Touré. Et avant de partir, il (le président Alpha Condé ndlr) était au courant et il m’a encouragé pour me dire qu’il est démocrate. Il aurait pu dire non Béatrice je suis ton papa viens dans mon parti, mais il m’a dit bonne chance surtout comporte toi bien, je parle du président Alpha Condé.
Le président Alpha Condé a étudié avec mon papa mais j’ai laissé son parti pour venir dans le parti UFR. Il est quand même le président de la république avec les honneurs et privilèges, mais il m’a dit comporte toi bien. Mais si j’ai été incomprise de l’autre côté, pourquoi je ne viendrai pas du côté de mon père alors pour mettre ce que je connais à son service pour le bien de ce pays, pour le bien de la jeunesse et les femmes. Si je devais rentrer dans un parti politique à cause des liens de parentés, je serais entrée dans le parti UPG parce que c’est le parti de mon oncle Jean Marie Doré. Donc je lance un appel aujourd’hui à toute cette couche juvénile pour leur dire qu’on se donne la main pour soutenir la candidature du président Alpha Condé.
Depuis 10 ans il est là. Que peut-il apporter qu'il n'ait déjà fait selon vous ?
L’homme ne peut pas réaliser tout sur cette terre sinon aux Etats Unis, le chef d’Etat qui allait venir allait dire tout est déjà là. Moi je n’ai rien à faire. La vie c’est la complémentarité, ce que le Pr Alpha Condé ne fera pas celui qui viendra après lui le fera. Il fera autre chose jusqu’à un certain point et une autre personne viendra aussi. La vie c’est une chaine, tu viens, tu fais ce que tu dois faire et tu laisses la place aux autres encore, c’est comme ça.
Dans le cadre de cette campagne, qu’est-ce que vous allez apporter concrètement au président Alpha Condé ?
Nous allons partir vers nos parents, ce n’est pas seulement en Guinée forestière, je suis une guinéenne. Si je dois militer au sein d’un parti c’est pour le bien de toute la jeunesse de la Guinée, des femmes, des vieux, leur demander de se donner la main. Depuis que le président Alpha Condé est monté à la magistrature suprême en 2010, il y eu combien des marches, combien des troubles ? C’est exactement comme le temps du président Sékou Touré. Mais Dieu aidant bien qu'il y ait eu beaucoup des choses, Sékou a pu quand même poser des actes. Aujourd’hui depuis 2010 tout le temps c’est des marches, des histoires et des cadavres… On ne peut jamais faire des réalisations dans les troubles.
Les bailleurs de fonds, les hommes d’affaires qui veulent venir pour réaliser chez nous une fois qu’ils entendent la semaine prochaine il y a tel parti et tel parti qui doivent sortir en jetant des cailloux, leurs ambassades les appellent pour leur dire ne venez pas parce que c’est risqué, si vous venez en tout cas nous on ne prend pas la responsabilité. Donc nous voulons leur dire de nous regarder maintenant : s’ils ont confiance en nous, nous allons nous donner la main. Une seule personne ne peut pas faire quelque chose, mais si nous nous donnons la main nous pourrons travailler notre pays. On ne peut rien faire dans ce pays si on ne dialogue pas, si on ne privilégie pas la paix.
Interview réalisée par Diallo Boubacar 1
Pour Africaguinee.com
Tel: (00224) 655 311 112
Créé le 11 septembre 2020 12:59
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