Bailo Barry dit ses « vérités » à Doumbouya : « Dites-nous où on va… »

Mamadou Bailo Barry

CONAKRY-La semaine dernière, le président du Cnrd, colonel Mamadi Doumbouya, a reçu au Palais Mohamed V les acteurs société civile guinéenne. Au cours de cette rencontre, Mamadou Bailo Barry coordinateur de l’ONG Destin En Main était intervenu pour dire ses « vérités » du chef de la junte dont certaines de ses attitudes soulèvent ces derniers temps des inquiétudes. Mais contre toute attente, son message a été soigneusement censuré. Il n’a pas été diffusé à la RTG, seul organe accrédité à couvrir les évènements officiels au Palais. Quel est le contenu du message de cet acteur de la société civile ? Africaguinee.com l’a interrogé.


 

AFRICAGUINEE.COM : Vendredi dernier, vous aviez rencontré le président du Cnrd. Qu'est ce que vous lui aviez dit ?

MAMADOU BAILO BARRY : Le vendredi dernier, le chef de l’État nous a convié à une rencontre à la présidence. Quand nous sommes arrivés dans la salle, on a compris que ce n’est pas que la société civile qui était conviée, il y avait les opérateurs économiques, mais aussi les syndicalistes. Deux personnes ont été désignées pour parler au nom de la société civile dont moi et Dorah Koita. Quand mon tour est arrivé, j’ai pris la parole et j’ai dit au président que je ne prétendais pas parler au nom de toute la société civile. Dans mon discours, j’ai rappelé au colonel Mamadi Doumbouya que notre pays est à un tournant décisif et que nous avons une opportunité en or qu’il faut saisir. J’ai dit que la réussite de cette transition doit être un droit et un devoir pour chaque Guinéen. J’ai dit au président de la transition que ceux qui sont en train de faire ses louanges ne sont pas forcément ceux qui l’aiment.

Ceux qui ont accompagné vos prédécesseurs, Dadis Camara, Sekouba Konaté et Alpha Condé jusqu’à leur chute sont encore là. Nous apprécions sa volonté et sa sincérité de refondation de l'Etat. J’ai dit au président qu’on n’est pas contre cela, mais avant tout nous souhaiterions savoir où on va. J’ai dit : “monsieur le président, supposons que vous nous demandez de monter dans un avion ou un véhicule sans nous dire où on va, qui sont les passagers à bord et dans quel but”. Je lui ai demandé de nous dire où on va. Le peuple n’est pas contre la refondation, mais nous voulons connaître le contenu du projet.

Qui vous a désigné pour prendre la parole ?

Personnellement, c’est Dansa Kourouma du Cnoscg qui est venu vers notre table pour dire “ensemble, nous avons décidé de vous choisir vous deux, les jeunes, pour porter notre parole. Il m’a demandé mon avis, j’ai accepté. Après que Dorah Koita et moi sommes passés, il est revenu vers la fin pour tenir son discours.

Qu’aviez-vous dit à propos de la mise en place du CNT ?

J’ai dit au président que nous sommes à 5 mois depuis la prise du pouvoir par l’armée, le CNT n’est toujours pas mis en place. Il est inscrit dans la charte que c’est au CNT de définir la durée de la transition. Vivement donc sa mise en place pour amorcer le processus de la transition. J’ai demandé au président d’ouvrir ses portes à tous les Guinéens et de partager sa vision de la refondation. J’ai clôturé mon propos en lui demandant de dire à la population où on va pour qu’elle puisse l'accompagner.

Contrairement à tous les autres intervenants à cette rencontre, votre discours n'a pas été diffusé. Pourquoi à votre avis ?

Je peux dire que mon discours a été censuré. Mon message s’adressait au président et à son assistance. Vous savez on est à un tournant décisif, cette transition n’a pas droit à l’erreur. Si elle échoue, nous serons en retard pour plusieurs années. Donc, il faut oser dire la vérité au chef pour qu’il comprenne réellement les enjeux. Les gens sont très accommodants parce qu’ils attendent des décrets. Ses conseillers sont ceux qui sont censés lui dire à des moments : “monsieur le président, ce chemin n’est pas bon”. Je crois qu’à un moment le président a besoin des hommes véridiques, de conviction et des valeurs autour de lui.

Je me dis que sûrement ceux qui sont censés gérer la communication ou son entourage dont le message n’a pas plu ont décidé de censurer parce que ce n’est pas le président qui va leur demander de le faire. Je sais que mon message est arrivé à destination parce que même s’il a heurté le président et ce n’était pas mon intention, mais je suis sûr qu’il en prendra compte. Il comprendra qu’il y a des Guinéens qui pourront lui dire la vérité parce que je ne suis pas seul. J’ai tenu ce discours dans un souci de réussite de cette transition.

 

Entretien réalisé par Abdoul Malick Diallo

Pour Africaguinee.com

Tel : (00224) 669 91 93 06

Créé le 17 janvier 2022 10:28

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