Bah Oury : ‘’Le coup d’Etat au Niger est une grave déception…’’

Bah Oury, leader de l'UDRG

NIAMEY- Au Niger, le premier mandat de Mohamed Bazoum, président ‘’démocratiquement élu’’ a été écourté par un coup d’état militaire survenu mercredi 26 juillet 2023. Si jusque-là, le successeur de Mouhamadou Issoufou avait une partie de l’armée à son côté, ce n’est plus le cas. Le chef des armées du Niger s’est finalement rallié aux putschistes. Le coup d’Etat est désormais acté malgré les condamnations çà et là de la communauté internationale.


En Guinée, pays qui a vécu le même scénario il y a à peu près deux ans de cela, la situation au Niger est observée de près. Car ce pays membre de la Cédéao avait réussi durant la dernière décennie à parvenir à une stabilité démocratique. Mais comment comprendre cet autre coup d’Etat ? Quelles en peuvent être les conséquences pour la sous-région ? Une force armée anti-coup d’Etat pourrait-elle être une solution ? Africaguinee.com a interrogé Bah Oury, président de l’UDRG.

AFRICAGUINEE.COM : Vous suivez sans doute  la situation qui se passe au Niger avec ce coup d’Etat contre le pouvoir de Bazoum. Comment analysez-vous cette situation ?

BAH OURY : J’ai été surpris de l’évolution de la situation au Niger parce que c’était l’un des rares pays du Sahel qui avait une relative stabilité démocratique où les institutions avaient plus de légitimité, l’alternance au pouvoir était une réalité tangible. C’était donc un exemple que nous avions au niveau de l’espace Ouest africain. Donc, la remise en cause de cette situation par ce putsch est une grave déception, c’est une préoccupation majeure pour plusieurs raisons :

Premièrement, pour les institutions démocratiques du Niger, c’est encore un autre recommencement à zéro, un retard qui sera difficilement comblé dans les années à venir.

Deuxièmement, le Niger était l’un des pays qui était en mesure de contribuer à la stabilisation et voire même à la stabilité du Sahel, là aussi c’est une nouvelle situation qui n’augure rien dans ce sens.

Troisièmement, les populations semblent être prises en otage par des élites militaires, qui, dans une large mesure, surtout dans cette région du Sahel, au lieu de contribuer à restaurer l’ordre et le maintien de la souveraineté nationale devient également des facteurs d’instabilité. Il ne faut pas tout mettre au compte du militaire mais en ce qui concerne le Niger, c’est une grave responsabilité que les auteurs de ce putsch ont pris parce qu’ils ne savent pas où est-ce qu’ils vont amener leur pays.

Qu’est-ce qui va en ressortir ? Le Niger déstabilisé, ce sera le Burkina qui n’aura pas la possibilité de faire face à la lutte contre le terrorisme à plus forte raison le Mali qui est dans une situation désespérée. Donc, c’est les autres Etats qui vont être impactés par cette propagation du djihadisme qui va affecter pratiquement les Etats de l’Ouest-africain.

Qu’auraient pu faire les institutions du continent africain face à ce qui s’est produit au Niger ?

Les institutions africaines sont très fragiles. Dans un monde qui est devenu incertain, les élites, qu’elles soient politiques ou militaires devraient mettre en œuvre une capacité de responsabilité pour contribuer à restaurer des politiques susceptibles de ramener l’espoir et la stabilité pour gagner enfin la paix et le développement. Mais là, c’est qui s’est passé au Niger est une grave déception pour nous tous.

Lors du 63ème sommet des chefs d’Etats et gouvernements de la CEDEAO, le président en exerce de cette institution avait brandi la tolérance zéro pour les auteurs de coup d’Etat ou ceux qui tenteraient de s’éterniser au pouvoir de manière illégale. Que pouvaient faire Bola Tinubu et ses pairs?

Cette crise que nous sommes en train de vivre n’est pas simplement celle des Etats ou des gouvernances des différents Etats, c’est une crise sous-régionale. Parce que la CEDEAO qui est aussi la synthèse de ce qui se passe au niveau des Etats est dans une situation de crise. Les déclarations récentes lors du sommet des chefs d’Etats de la CDEAO, c’était des déclarations de bonnes intentions. C’est des déclarations qui sont plus des coups de menton que de prises réelles des politiques susceptibles de contribuer à restaurer le respect de l’ordre constitutionnel et le respect des institutions démocratiques.

Et voilà maintenant, ils sont en face de la réalité et ils se retrouvent dans une situation très difficile, parce que les coups de menton qui ont été déclarés à Bissau auront du mal à prospérer dans le nouveau contexte. D’où, une perte de crédibilité aggravée de la CEDEAO et des institutions internationales africaines. Cela veut dire, que les adeptes de ces putschs vont considérer qu’ils ont une impunité totale qui feraient en sorte que n’importe quel Etat, même ceux qui sont actuellement en transition pourraient également être déstabilisés par des coups d’Etas et des coups d’Etats.  Donc, on revient pratiquement à la case départ pour les Etats africains qui étaient confrontés à ces séries de coup d’Etat dans les 1970-80.

Est-ce que la mise en place d’une force armée anti-coup d’Etat serait une solution comme cela a été évoqué lors du 63ème sommet des chefs d’Etats et gouvernements de la CEDEAO ?

Je pense que c’est des politiques globales qu’il faut avoir pour empêcher les coups d’Etats, des politiques de respect des institutions démocratiques. Il faut avoir des institutions démocratiques fortes, des capacités de faire respecter les règles de l’alternance au sommet du pouvoir, de faire en sorte que les cohésions nationales qui composent le pays soient effectifs. Ensuite que des droits des citoyens soient respectés. Ce n’est qu’à pair de là qu’on peut avoir le développement et le renforcement de la légitimité des institutions en place. Si vous n’avez pas ça, vous ne pourrez pas aller à l’encontre des facteurs de déstabilisation qui peuvent être de nature diverses.

Les pouvoirs en place peuvent confisquer le Pouvoir, des militaires peuvent tenter des coup- d’Etats, des civils peuvent organiser une  guérilla, des forces asymétriques sont capables d’organiser des campagnes d‘actes de terrorisme, ainsi de suite. Dire donc une force anti coup d’Etat, cela ne me semble pas opérationnel parce qu’il faut voir les questions de manière globale et changer fondamentalement la manière de gouvernance de nos Etats. C’est ça qui permettrait de restaurer la stabilité, le respect des institutions et le processus de développement qui pourrait intervenir ensuite.

Entretien réalisé par Siddy Koundara Diallo

Pour Africaguinee.com

Tel : (00224) 664 72 76 28

Créé le 28 juillet 2023 11:08

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