Bah Oury : « la Cedeao doit faire son autocritique…»

CONAKRY-Du 08 au 09 février, les ministres des affaires étrangères de la Guinée, du Burkina et du Mali ont organisé un mini-sommet à Ouagadougou. C’est une initiative des autorités militaires qui dirigent ces pays en situation de transition. Dans leur communiqué final, les représentants de ces trois pays ont dénoncé les sanctions qui sont imposées à leurs pays par la CEDEAO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest).


En perspectives, ils annoncent le renforcement leur lien d’amitié et de coopération et une éventuelle création d’une fédération de trois Etats, parallèle à la CEDEAO. Ce projet-a-il un avenir ? Est-ce la volonté de ces Etats ? Ce mini-sommet entre trois pays sous sanction ne va-t-il pas radicaliser l’institution sous-régionale ? Pour répondre à ces questions, Africaguinee.com a interrogé Bah Oury, président de l’UDRG (Union des Démocrates pour la Renaissance de la Guinée).

AFRICAGUINEE.COM : Au lendemain du mini-sommet tenu à Ouagadougou le 09 février, beaucoup ont vu derrière cette démarche des militaires au pouvoir au Mali, en Guinée et au Mali, une velléité de création d’une fédération pour faire face à la Cedeao. Qu’en pensez-vous ?  

BAH OURY : Il me semble qu’il faut restituer la rencontre des trois ministres des affaires étrangères de ces trois pays dans son contexte. Le communiqué qui a été lu et publié ne fait pas mention d’une quelconque création d’une fédération. Il s’agit tout simplement d’accroitre les liens de coopération qui existent et qui doivent continuer à prospérer entre les trois pays.

Mais ce qui est le plus manifeste dans cette déclaration, c’est le désire et le souhait de ces trois pays issus de coup d’Etat militaire, qui sont dans des périodes de transition d’être réintégrés à part entière dans des instances de l’union Africaine et de la CEDEAO. Je pense qu’à ce niveau-là c’est extrêmement important de lire entre les lignes.

Ce qui aurait pu être dommageable pour l’Afrique de l’Ouest principalement, c’est si ces trois pays tournent le dos à l’organisation régionale et à celle continentale. Par contre, ils souhaitent ardemment être rétablis dans leur droit d’être membres de ces deux organisations. Ce qui est de mon point de vue une excellente chose. Au lieu d’aller dans une dynamique d’éclatement, l’Afrique de l’Ouest passe à une dynamique de convergence et de reconnaissance de tous dans la même organisation. Je pense que les uns et les autres devraient s’en féliciter au lieu d’avoir une lecture qui, à mon avis, est parcellaire, voire même hors contexte par rapport aux analyses que j’ai pues lire par-ci par-là.

Le deuxième élément, en ce qui concerne la possibilité d’une fédération, je rappelle qu’il n’en a pas été question dans le communiqué final qui a sanctionné ce mi- sommet entre ces trois pays. Il faut reconnaitre toutefois, il y a un sentiment africain qui consiste à voir l’Afrique unie et des Etats fédérés pour être plus forts dans un contexte de compétition mondiale.

Mais en ce concerne les trois pays, l’intégrité territoriale du Burkina et du Mali ne sont pas tout-à-fait au beau fixe. Les autorités de ces pays, du fait des conflits asymétriques qui les ensanglantent n’ont pas la totalité de la souveraineté de leurs territoires. Il est donc illusoire dans ce contexte d’évoquer une quelconque idée de fédération.

En ce qui concerne la Guinée et sa diplomatie, je trouve que c’est une bonne attitude des autorités de la transition guinéenne à maintenir une passerelle de dialogue avec les autorités maliennes et celles d’Ouagadougou. Parce que les laisser seules isolées, avec une exacerbation du conflit qui fait que chaque jour, on dénombre de dizaines de morts, risque de les conduire à une sorte de radicalisation et à essayer de trouver des solutions dans des zones qui ne peuvent pas être des zones susceptibles de rétablir la confiance et la convergence de l’ensemble de l’Ouest Africain. L’appel de ces trois pays devrait être pris en compte dans les prochains sommets de l’Union africaine et de la CEDEAO.

Quelques soient les difficultés, les prises de position de certains Etats, nous n’avons pas intérêt à les marginaliser, ni à les pousser vers leur dernier retranchement. La susceptibilité épidermique que nous connaissons de la part de nous autres africains devraient nous guider à trouver le bon réflexe diplomatique et politique pour ramener tout le monde dans la mouvance de l’organisation Ouest-africaine et de l’Union africaine. Je pense que c’est ça qui ferait de réal-politique, de réalisme et de sagesse.

Ne Pensez-vous pas au contraire que cela pourrait amener la CEDEAO à durcir le ton envers ces trois Etats lors des prochains sommets ?

Dans le contexte actuel, l’organisation de la CEDEAO devrait faire son autocritique de la manière dont elle a géré ces cinq dernières années des situations politiques dans l’ensemble de l’Ouest-africain.

Premièrement, il n’est pas acceptable que la CEDEAO soit absente depuis plus de dix ans des règlements de conflit qui a débuté au Mali après que la guerre djihadiste qui a été exacerbée depuis le début des années 2010 avec l’éclatement de la Libye, et aussi de l’effondrement du régime politique au Mali.

La CEDEAO a été trop longtemps absente et silencieuse par rapport à ce conflit qui s’est étendu dans d’autres pays. Donc la CEDEAO doit reprendre de ce point de vue sa dimension régionale, politique et militaire. L’ECOMOG (L’Economic Community of West African States Cease-fire Monitoring Group (ECOMOG), ou « Brigade de surveillance du cessez-le-feu de la CEDEAO »), qui était une structure initiée par la CEDEAO avait déjà fait ses preuves au Libéria et en Sierra Leone. Donc, il n’est pas concevable qu’avec la multiplicité des conflits dans le Sahel, que la CEDEAO, sur le plan militaire, politique et diplomatique soit absente des possibilités de trouver des solutions à ces crises régionales.

Le deuxième élément, il faut reconnaitre que la CEDEAO doit faire son autocritique également par rapport à sa relative complaisance à l’égard d’un régime comme celui d’Alpha Condé en Guinée qui a perpétré un coup d’Etat constitutionnel en 2020. La CEDEAO n’a pas bronché mot. Et, son attitude après la rectification institutionnelle qui a été opérée le 05 septembre 2021, son diktat a été très mal perçu et n’a pas été du goût de la plupart des démocrates Ouest-africains, en ce qui concerne l’arrivée du CNRD au pouvoir.

Donc la CEDEAO, surtout sur la question diplomatique malheureusement fonctionne sous forme de diktat que sous forme d’une présence attentive devant des situations complexes et en face des Etats qui se trouvent dans des situations désespérées. Il s’agit d’aider, d’encourager et d’accompagner pour trouver des solutions idoines pour l’intégrité des territoires et aussi pour la coexistence pacifique des communautés humaines qui sont liées par l’histoire et par le sang.

En dernière position, la CEDEAO de ce point de vue doit être exigeante en ce qui concerne le respect de l’intégrité physique de toutes les communautés humaines vivant dans le Sahel. Quelle que soit l’attitude des gouvernements, la CEDEAO doit être la Conscience et le bras d’une Afrique qui veut que le respect des droits des communautés et des droits de l’homme aillent de pair avec les exigences de la démocratie et de la bonne gouvernance. Parce que c’est par ce billet que les pays peuvent recouvrer leur stabilité et leur unité, sinon certains Etats risquent de voler en éclat et la théorie de domino ferait que tous les Etats alentours risquent d’être éclaboussés.

Il faut que nous prenions au niveau de la CEDEAO, des décisions courageuses, hardies et sans complaisance vis-à-vis de toute attitude susceptible de semer le chaos et la désolation en Afrique de l’Ouest. Les compromissions ont trop duré, une certaine forme de laxisme à l’égard des pouvoirs a trop perduré. Ce qui a nui à la crédibilité de la CEDEAO et aussi à la confiance que les populations doivent avoir vis-à-vis des autorités supra-Etatiques.

Siddy Koundara Diallo

Pour Africaguinee.com

Tel : (00224) 664 72 76 28

Créé le 14 février 2023 09:56

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