Arrestations en Turquie : Le chef des ressortissants guinéens tire la sonnette d’alarme…

ANKARA- Plusieurs guinéens ont été mis aux arrêts lors des opérations de ‘’ratissage’’ en cours contre les sans-papiers. Pendant que Conakry traine le pas, la situation serait critique sur place. Ils seraient une cinquantaine de guinéens qui seraient déjà dans les geôles du pays Recep Tayyip Erdoğan. Pour mieux comprendre la situation qui prévaut sur place, Africaguinee.com a interrogé le président du bureau des ressortissants guinéens en Turquie. Mamady Condé interpelle les autorités de la transition.

AFRICAGUINEE.COM : Nous apprenons que de nombreux guinéens ont été arrêtés dans des opérations de rafles en Turquie. Quelle est la situation qui prévaut sur place ?

MAMADY CONDÉ : La Turquie est un pays souverain comme la Guinée qui est aussi libre d’appliquer une politique qu’elle estime être bonne pour son peuple et son pays. Ce n’est pas maintenant que cette campagne contre les personnes en situation irrégulière a commencé, mais il faut dire que ces dernières semaines, ils ont intensifié le contrôle. C’est ce qui se passe en Turquie précisément dans les grandes villes comme Istanbul, Ismir, Ankara et tant d’autres.

Ce contrôle est étendu sur tous les étrangers. Nous comptons parmi ces étrangers des compatriotes guinéens. Pour cela, en tant que siège au conseil des Guinéens de l’étranger, au vu de toutes les arrestations qui se multiplient ces derniers temps, nous avons fait une lettre explicative adressée au ministre des affaires et des guinéens établis à l’Etranger Dr Morissanda Kouyaté pour attirer son attention sur ce qui se passe. Nous avons certains de nos compatriotes qui se font arrêter faute de documents.

Ce jeudi 13 juillet, nous avons été surpris de voir un guinéen de nom de Amadou Touppé Barry qui s’est fait arrêter manu-militari. Nous avons tout de suite interpellé les autorités de l’ambassade de Guinée pour attirer leur attention sur ce qui se passe afin que des mesures diplomatiques soient prises. Je voudrais par ailleurs rappeler, par rapport à cette situation, le collège des ambassadeurs africains en Turquie s’est retrouvé pour essayer de danser sur les mêmes pieds. Notre ambassade a le privilège de faire partie des cinq ambassadeurs réunis pour aller rencontrer le ministre des affaires étrangères turque afin d’attirer son attention sur ce qui se passe tout en lui rappelant les accords de coopération entre la Turquie et l’Afrique et certains pays comme la Guinée en particulier.

En Guinée par exemple, il y a beaucoup de turcs aussi, ils prennent le visa pour aller chez nous mais jusque-là je n’ai pas connaissance de la délivrance d’un titre de séjour guinéen pour rester là-bas. Or, en diplomatie, il y a ce qu’on appelle le respect de la réciprocité diplomatique et je pense que si on appliquait ça, les intérêts de beaucoup de turcs seraient menacés dans nos pays.

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La Turquie n’est pas un pays particulier. Donc, quelle que soit la politique intérieure que vous adoptez dans ce pays, il faudrait quand-même respecter les droits de l’homme. Malheureusement ce n’est pas ce que nous ne voyons ces derniers temps. La preuve en est que nous avons enregistré l’arrestation inhumaine d’un de nos compatriotes. Au moment où je vous explique, toutes les coordonnées de notre frère Amadou Touppé ont été envoyées à l’ambassade et au département des affaires étrangères. Le consul fera une note verbale pour que cette vidéo soit utilisée comme scellée afin de contacter les autorités turques pour leur notifier notre désaccord avec cette façon d’opérer. Quelle que soit la situation d’une personne, ses droits fondamentaux doivent être respectés.

Est-ce que vous avez pu identifier d’autres guinéens qui ont été arrêtés dans le cadre de cette opération ?

Dans la note explicative sur l’arrestation des gens que nous avons envoyée, nous avons lancé un appel à toute la communauté guinéenne pour ceux qui sont en situation irrégulière ou ceux qui connaissent des personnes qui se sont fait arrêter pour se faire enregistrer. Nous avons enregistré jusqu’à 177 Guinéens en situation irrégulière et avant mardi, j’ai reçu une liste d’une trentaine de personnes. Ce qui veut dire que plus de 200 Guinéens seraient en situation irrégulière ça peut aller jusqu’à 300. Et au moins 50 ou plus qui seraient en prison.

Selon nos informations, si certains guinéens se sont retrouvés en situation irrégulière sur le territoire turc c’est parce qu’ils n’ont pas reçu leurs passeports jusqu’à présent. Qu’en-est-il ?

Nous avons eu cette chance, en mi-janvier 2023, le renouvellement des passeports a commencé à Ankara, mais force est de reconnaitre que depuis les premiers ont été enrôlés, jusqu’à ce jeudi 13 juillet, personne n’a encore reçu son passeport. Bien sûr cela peut être un facteur qui influe négativement sur la possibilité pour certains de renouveler leurs cartes de séjour. Mais nous sommes en contact avec toute la communauté en générale jusqu’à l’heure, aucun ne nous a remonté des informations pour dire qu’il n’a pas pu renouveler sa carte de séjour parce qu’il n’a pas son passeport.

Nous avons réglé cette question avec l’ambassade. La solution c’est quoi ? En attendant l’arrivée des passeports, l’ambassade fournit un document garantissant au service de l’immigration que vous êtes en attente de votre passeport. Ainsi, le service de l’immigration se sert de ce document pour donner le temps nécessaire pour le renouvellement du séjour. Dans la ville de Kayçiri, c’est ce que nous avons vécu à travers un document que monsieur le consul a fourni à une de nos compatriotes qui risquait de perdre son titre de séjour parce que son passeport n’est pas venu. Le document est parti à l’immigration, et là-bas, on lui a donné trois mois supplémentaires en attendant l’arrivée de son passeport. Mais selon nos informations, par rapport aux passeports, il y a un lot qui est disponible au ministère des affaires étrangères et qui sera très bientôt acheminé en Turquie pour que ça soit remis à qui de droit.

Le deuxième lot, l’ambassadeur c’est ce jeudi qu’il a présenté ses lettres de créance, et cela avait provoqué un blocus pour lui dans toutes ses activités parce qu’officiellement il ne pouvait aller nulle part ou rencontrer aucun officiel de l’administration de turque. Il m’a toutefois dit que la semaine prochaine il va se rendre à Conakry pour faire le nécessaire afin de collecter les passeports de ceux qui ont été recensés.

Quel message avez-vous à l’endroit des autorités de Conakry ?

Le message que nous avons à l’endroit des autorités guinéennes, il faudrait que nous prenions nos responsabilités. J’ai commencé par dire que la Turquie est un pays libre et souverain tout comme notre pays la Guinée. En diplomatie, il y a c’est qu’on appelle la réciprocité diplomatique. La Guinée est un pays africain qui est reconnu par son hospitalité légendaire. Ce n’est pas de faire la force que nous recherchons mais le mieux est de rappeler à nos partenaires de la Turquie certains principes.  Parce qu’il y a des relations de partenariats entre nos pays. La Turquie a beaucoup plus d’intérêt en Guinée que la Guinée à en Turquie.

Oui…mais nous avons aussi un de nos anciens président en Turquie…

Le président de la Guinée est à Conakry. Et ce n’est pas des relations interpersonnelles dont il s’agit mais des relations bilatérales entre deux pays. Les relations entre la Guinée et la Turquie ne reposent pas sur une personne. C’est dommage ce qui s’est passé mais on sait où est-ce que la Guinée était. Aujourd’hui nous sommes avec de nouvelles autorités qui essayent de ramener la fierté du guinéen. Nous étions très contents lorsque le président Colonel Mamadi Doumbouya a déclaré que pour lui, un guinéen à l’étranger est égal à celui qui est en Guinée.

Aujourd’hui nos compatriotes en Turquie sont menacés, ils ont du mal à sortir même dans la rue craignant d’être ramassés lors d’un contrôle. Et ils se font parfois déportés sans même que l’ambassade ne soit informée. Donc il suffirait de rappeler les relations entre la Turquie et la Guinée à défaut de trouver une solution un peu flexible pour nos compatriotes guinéens en Turquie, que nous appliquons la réciprocité diplomatique. C’est aussi simple que ça.

Les échanges entre la Guinée et la Turquie se comptent en milliards de dollars de nos jours. Jusqu’en 2017, je savais que c’était autour de 650 millions de dollars mais aujourd’hui, c’est en des milliards de dollars et ça ne fait que croître.

Dans certains pays, tu peux être sans papier et vivre sans être harcelé, mais ici, ce qui se passe, nous le vivons. Donc nous ne comptons que sur nos autorités pour rappeler tous ces intérêts de la Turquie en Guinée pour que cela puisse se répercuter positivement sur nos compatriotes qui sont là.

Entretien réalisé par Siddy Koundara Diallo

Pour Africaguinee.com

Tel : (00224) 664 72 76 28

Créé le 14 juillet 2023 23:21