Armée : la triste histoire du margis-chef Sadou Diallo, radié pour cause de décès alors qu’il vit…

Margis-Chef Thierno Sadou Diallo

TOUGUE-Thierno Sadou Diallo, titulaire d’un baccalauréat (première partie) en 2004 est né en 1984 dans la préfecture de Tougué. Faute de moyens lui permettant de poursuivre ses études, il se lance dans l’enseignement élémentaire jusqu’en 2008 l’année à laquelle un concours de recrutement au niveau de la Gendarmerie a été lancé. Il réussit son concours avant d’être engagé en 2009 avec des milliers d’autres jeunes dans la Gendarmerie. Le jeune margis-chef sert dans plusieurs escadrons avant de voir sa carrière brisée par une radiation des rangs de la Gendarmerie pour motif de décès en 2012 alors qu’il est en vie. Depuis cette date, il a mené toutes les démarches pour sa réintégration, en vain. Aujourd’hui, Il lance un appel à la hiérarchie militaire pour l’aider à réintégrer les rangs. Lisez son témoignage glaçant dans cette interview qu’il nous a accordé. 


 

AFRICAGUINEE.COM : Vous avez été donné pour « mort » avant d’être radié des effectifs de la gendarmerie. Racontez-nous…

MARGIS-CHEF THIERNO SADOU DIALLO : J’ai été radié des effectifs de la gendarmerie pour motif de décès alors que je suis toujours en vie.  C’était vers la fin de règne du Président Général Lansana Conté qu’un concours de recrutement au niveau de la gendarmerie a été lancé, j’ai été recruté au terme de ce concours. Je précise que 30 jeunes dont moi avaient été sélectionnés dans la préfecture de Tougué pour venir faire le concours à Labé. Parmi les 30 postulants de Tougué j’ai été le seul admis de toute la préfecture. C’est un certain colonel Sylla qui était venu faire le recrutement à Labé. Après le recrutement tous les admis avaient été envoyés à Conakry(Sonfonia) pour la visite médicale, à l’issue de cette visite on m’a déclaré apte à faire l’armée. C’est comme ça que j’ai été intégré avec des milliers d’autres jeunes guinéens à la gendarmerie. 

Comment avez-vous suivi la formation militaire ? 

Rassurez-vous Monsieur que je n’invente rien. Les formations ont eu lieu à Sonfonia, je me rappelle du colonel Bala Samoura qui était notre officier du centre, il y a également le lieutenant-colonel Mamadou Alpha Barry, porte-parole de la Gendarmerie, c’était notre formateur, il n’était pas colonel à l’époque. Je me souviens aussi du commandant AKB (Abdoul Karim Barry), second formateur je pense, un certain Alabi et tant d’autres. Le Commandant Mansaré était notre commandant d’escadron.

La formation a duré combien de temps et quel est le matricule qu’on vous a attribué après ?

La formation commune de base a duré 6 mois, suivi du port de la tenue, entre temps le CNDD est venu au pouvoir en décembre 2008 après la mort du Général Conté. Les matricules nous ont été attribués, nous avons commencé à percevoir nos soldes en 2009. Mon matricule c’est le 29243 G.

Dans quelles unités vous-a-t-on affecté après votre engagement ? 

Ma première mutation c’est à la gendarmerie départementale de Yimbaya, gérée à l’époque par le Colonel Julien. Après Yimbaya on m’a envoyé à Kokoma dans Sonfonia-Gare. Le Colonel François était le commandant de cette unité. Après j’ai été muté à la gendarmerie de Coyah chez le Commandant Josimo qui est actuellement en service à Boké.

Dans quelles circonstances avez-vous été radié des effectifs de la Gendarmerie ?

C’est en 2012 à partir de Coyah où j’étais en service. Après avoir pris mon dernier salaire, je me  souviens c’était le 31 Mars 2012. Quelque temps après, notre comptable de Coyah m’a dit d’aller au camp Samory pour un recensement. C’est là que les choses ont commencé à basculer pour moi. Je me suis rendu au camp Samory au BQG (Bataillon du Quartier Général, Ndlr) précisément, on m’a dit d’aller au Haut Commandement, mon recensement est prévu là-bas. De là, aussi on m’a renvoyé au camp Samory, une démarche qui a duré 5 jours sans que je ne sois recensé. Entre temps je suis tombé malade, j’ai eu des maux tête aigus suivis de crises. C’est ma famille même qui est partie me chercher à Conakry pour m’envoyer à Fello Koundoua dans Tougué pour un traitement.

Aviez-vous pu vous recenser avant votre évacuation ? 

Je ne me rappelle plus qui et qui j’ai rencontré au camp Samory mais au Haut Commandement j’ai rencontré le colonel Mohamed V qui m’avait dit qu’il allait m’aider afin que je me recense au haut commandement mais nous n’avons pas pu trouver la solution. Je n’ai vu personne d’autres qui devrait se recenser comme moi, je ne connaissais que mon cas. 

Aviez-vous pris la permission avant d’aller pour votre traitement ?

Effectivement j’avais pris la permission.

Votre traitement a duré combien de temps ? 

Mon traitement a duré près d’un an, je ne pouvais pas savoir si j’étais payé ou pas parce que je ne suis pas viré à la banque, je prenais mon salaire auprès de mon comptable à Coyah, mais j’avais l’espoir à mon retour de trouver que ma solde. A mon retour, après avoir écrit la demande de reprise, j’ai vu un arrêté sorti au ministère de la défense dans lequel il était mentionné le nom de 89 militaires décédés dont mon nom figurait à la 89ème place. Cet arrêté m’a vraiment surpris. A partir de là j’ai compris que tout est bloqué. J’ai commencé à faire les démarches pour prouver que je ne suis pas mort. 

Au Haut Commandement, j’ai vu le Général (Ibrahima Baldé, Haut-Commandant de la Gendarmerie Nationale, Ndlr) ainsi que d’autres officiers pour leur expliquer le problème. A cette époque-là j’ai rencontré même le Ministre de la Défense d’alors son excellence Maitre Abdoul Kabelé Camara qui avait promis de régler cette affaire-là. Il m’avait même invité à aller le trouver à son bureau au camp Samory. J’étais parti le rencontrer mais ce n’est pas encore réglé.

38725302_1841716595920528_2969060417269137408_n.jpgVous avez obtenu une lettre de réintégration signée du Général Ibrahima Baldé. A quelle occasion l’avez-vous eue ? 

C’est au moment où je suis allé voir le Général pour lui transmettre ma demande de reprise, il a instruit au colonel Mohamed V de faire cette lettre et de la transmettre au Ministère de la Défense afin qu’on me reprenne au compte de la Gendarmerie Nationale. Mais les lignes ne bougent pas encore pour moi. 

Comment avez-vous accueilli la nouvelle de votre décès alors que vous êtes en vie ?

Ça m’a fait très mal! Ce n’est pas ma radiation qui m’a touché d’abord, mais c’est le fait d’être considéré comme mort alors que je suis en vie. C’est pourquoi je me suis présenté partout avec toutes les preuves afin qu’ils comprennent que je ne suis pas mort, ils sont rassurés que je suis en vie. Mais jusqu’à présent je me pose la question de savoir qui a donné cette information. 

Pensez-vous vous que ceux qui vous ont déclaré mort au niveau de la hiérarchie ont agi contre votre personne ?

Effectivement ! La personne qui a agi ainsi pour annoncer mon décès l’a fait en complicité pour toucher ma solde dont je suis certain que les miettes tombent encore en mon nom mais ça va ailleurs. Sinon ça ne coûtait rien de me faire recenser, au lieu de me faire tourner longtemps entre le camp Samory et le Haut commandement. Ça  en dit long sur cette complicité. Je n’indexe personne mais au fond il y a quelqu’un qui récupère et ma solde et mon ravitaillement. Depuis le 31 Mars 2012 je n’ai rien reçu, aucun rond, aucun sac de riz. Si ma mémoire est bonne je percevais 1. 186.000 et quelques poussières comme solde et deux sacs de riz. Tout a basculé, je suis au village maintenant faute de moyens pour continuer à mener les démarches. Ces démarches ont duré au moins 4 ans sans suite. J’ai tellement souffert dans cette situation, un jour au camp Samory quelqu’un m’a même suggéré de changer de nom de famille pour rendre la tâche facile. 

Est-ce qu’il plaisantait ? 

Pas du tout ! Ce n’était pas du Sanakouya (blague, Ndlr), il était au sérieux. Une chaude altercation a éclaté entre nous à la rentrée principale du camp. Je lui avais dit que si lui il est prêt à renier son nom de famille ou sa famille pour un poste, moi je ne le ferais pas. Je ne connais pas le militaire qui me l’avait dit mais c’est un adjudant. 

Quel appel avez-vous à lancer à l’endroit de votre hiérarchie ? 

Je sollicite auprès de toute la hiérarchie de m’aider à réintégrer les rangs parce que le motif de ma radiation n’y est pas. Je suis en vie, je ne suis pas mort. C’est vraiment bizarre de donner quelqu’un pour mort alors qu’il est vivant. Comme tout le monde sait maintenant que je suis bien vivant, je prie qu’on me réintègre. Le Général Baldé a montré la bonne foi pour qu’on me reprenne, je sais que le blocus n’est pas à son niveau, je sollicite humblement l’aide auprès de la hiérarchie pour qu’on me reprenne. Si je pense à mon cas, j’ai les larmes aux yeux.

 

Interview réalisée par Alpha Ousmane Bah

Pour Africaguinee.com

Tél.  : (00224) 664 93 45 45

Créé le 24 août 2018 12:58

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