Arabie Saoudite : Salma Al-Chehab condamnée à 34 ans de prison pour…des tweets
Doctorante à l'université britannique de Leeds, la Saoudienne Salma Al-Chehab a été arrêtée pendant des vacances dans son pays d’origine. Un tribunal saoudien vient de la condamner à 34 ans de prison pour avoir "fourni de l'aide", via ses tweets, à des opposants politiques qui cherchent à "troubler l'ordre public". La communauté internationale demande sa libération.
Une cour d'appel saoudienne a condamné Salma al-Chehab à 34 ans de prison. Cette peine d’emprisonnement est assortie d'une interdiction de quitter son pays pour une durée similaire après sa sortie de détention. Ce jugement a été rendu le 9 août et nos confrères de l'AFP ont pu consulter une copie mercredi 17 août.
Cette mère de deux enfants est reconnue coupable d'"avoir fourni de l'aide à ceux qui cherchent à troubler l'ordre public et à diffuser des informations fausses et malveillantes", en "écrivant et en publiant des tweets" sur son compte personnel.
Engagée pour les droits des femmes
Chiite dans un pays à majorité sunnite, Salma Al-Chehab, qui compte aujourd'hui environ 2.600 abonnés sur son compte Twitter, tweetait surtout sur les droits des femmes dans la monarchie ultraconservatrice du Golfe.
En juin 2022, un tribunal l'avait condamnée en première instance à six ans de prison, dont trois avec sursis. Cette peine s'est considérablement alourdie il y a quelques jours. Le jugement en appel peut être contesté dans les 30 jours devant la Cour suprême.
L'organisation de défense des droits humains ALQST, basée à Londres, a dénoncé dans un communiqué "la plus longue peine d'emprisonnement jamais infligée par les autorités saoudiennes à un militant pacifique" dans un contexte de "répression déjà excessivement dure".
Elle "ne pensait pas que son activité sur Twitter pourrait lui causer des problèmes"
Avec environ 2.600 abonnés sur Twitter, Salma Al-Chehab, âgée de 34 ans, publiait régulièrement des messages en faveur des droits des femmes dans le royaume ultraconservateur.
Elle "ne pensait pas que son activité sur Twitter pourrait lui causer des problèmes", a raconté à l'AFP une amie de la jeune femme, qui a requis l'anonymat. "On a été surpris par son arrestation". Selon une proche, qui a requis l'anonymat pour sa sécurité, Salma Al-Chehab n'avait pas pris les menaces de délation "au sérieux".
"Nous avons discuté du fait que des gens la harcelaient sur Twitter et informaient en ligne les services de sécurité de ses tweets", a-t-elle déclaré à l'AFP. "Mais elle ne pensait pas que les autorités s'intéresseraient à quelqu'un qui a moins de 2.000 abonnés", a-t-elle ajouté.
Une condamnation jugée “scandaleuse”
Sa condamnation intervient quelques semaines après une visite du président américain Joe Biden en Arabie saoudite, critiquée en raison des graves violations des droits humains dans le royaume. Washington assure aborder régulièrement la question des libertés avec Ryad. Le porte-parole du département d'État Ned Price a estimé jeudi que "défendre les droits des femmes ne devrait pas être criminalisé".
Amnesty International a dénoncé une condamnation "scandaleuse", appelant les autorités à libérer Salma Al-Chehab. L'université de Leeds pour laquelle travaillait Salma Al-Chehab avant son arrestation s'est dite "inquiète" et a déclaré vouloir lui venir en aide.
L'ONU, de son côté, demande sa libération immédiate et sans condition. "Nous sommes consternés par la condamnation de la doctorante saoudienne Salma al-Chehab (…) en lien avec une série de tweets et retweets sur des questions politiques et de droits humains en Arabie saoudite", a indiqué une porte-parole du bureau des droits de l'Homme de l'ONU, Liz Throssell. "Elle n'aurait jamais dû être arrêtée et inculpée pour un tel comportement", a-t-elle ajouté dans un communiqué.
Durcissement de la répression en Arabie Saoudite
L'Arabie saoudite a durci la répression des dissidents, notamment des militantes féministes, depuis que le prince héritier Mohammed ben Salmane est devenu son dirigeant de facto en 2017. Les partisans les plus zélés de son pouvoir intimident et dénoncent régulièrement les voix critiques sur Twitter.
Les autorités saoudiennes ont même lancé "Kollona Amn", ce qui signifie “nous sommes tous des agents de la sécurité”, en arabe. Cette application qui "permet aux citoyens et résidents de jouer un rôle d'agent de police" permet de témoigner de crimes et d'accidents mais aussi de dénoncer des opposants politiques.
Sous la houlette du prince héritier Mohammed ben Salmane, l'Arabie saoudite a donné de nouveaux droits aux femmes, comme celui de conduire ou de voyager seule. Le royaume est régulièrement épinglé par des ONG pour de graves violations des droits humains, notamment sa répression contre les dissidents politiques et militantes féministes.
TV5 MONDE
Créé le 20 août 2022 03:50Nous vous proposons aussi
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