Analyse du plan de riposte économique COVID-19 proposé par Kassory Fofana

En réponse aux instructions du Président de la République en date du 23 mars 2020, le Gouvernement a proposé ce lundi 6 avril 2020, « un plan de riposte économique susceptible de soutenir notre économie et aider le secteur privé à absorber les chocs induits par le ralentissement prévisible de l’activité économique. »
Ce plan baptisé « Plan de riposte économique à la crise sanitaire COVID-19 » présente des mesures sanitaires, sociales et économiques. Son analyse ressort des points de faiblesse pour lesquelles les préconisations suivantes sont proposées :
a. Mise en place d’une prime exceptionnelle non imposable de 5.000.000 francs guinéens pour le personnel soignant fonctionnaire, contractuel ou stagiaire : 50 Mds GNF pour un personnel estimé à 10.000 agents. Du fait de tension que connaissent tous les systèmes de santé, cette prime permettra d’encourager les soignants dont les revenus ne sont guère les plus enviables au sein de l’administration publique. D’autre part, la gratuité des soins (proposition n°e) engendrera une augmentation des demandes de soins provenant de tous les concitoyens à la santé précaire et ne pouvant payer tous leurs examens et soins non urgents.
b. Mise en place d’un fonds dédié à la numérisation et à la digitalisation de l’administration publique : 50 Mds GNF de fonds publics qui pourront être portés à 150 Mds GNF grâce au concours des partenaires bi et multilatéraux de la Guinée. La crise actuelle montre que les administrations peuvent être paralysées. La poursuite du service public, même à distance pour les usages, devrait être sérieusement envisagée par un projet visant à dématérialiser et à digitaliser l’administration guinéenne. Cette mesure, bien qu’elle s’inscrit sur le moyen terme, permettra à l’Etat dans un avenir proche à satisfaire les besoins des usagers en termes de services publics.
c. Distribution de denrées alimentaires de première nécessité à 500.000 ménages, soit 3.250.000 guinéens. Un package « Pâques et Ramadan » pourrait être constitué d’un sac de riz de 50 kg, d’un bidon d’huile de 20 litres et de 10 kg de sucre pour une enveloppe de 600.000 francs guinéens par ménage.
d. Mise en place d’un fonds de 50 milliards de francs pour le soutien aux salariés qui se retrouveraient au chômage du fait de la crise Covid-19. Ce fonds pourrait être logé au sein de la CNSS et servira à financer une indemnité de chômage exceptionnelle sur 5 mois. Cette indemnité, fixe et non imposable, servira en premier lieu aux salariés disposant d’une ancienneté d’au moins 2 ans et licenciés suite à des dépôts de bilan (donc sans indemnité de licenciement versée par l’employeur).
e. Gratuité des soins dans les établissements publics de santé par l’allocation d’une enveloppe budgétaire de 100 Mds GNF à la Pharmacie Centrale de Guinée afin de rendre disponible le matériel médical et de soin aux structures de santé. La mise à disposition du matériel de soin et la prime exceptionnelle aux soignants (proposition n°a) rendront effective la prise en charge médicale des usagers de nos hôpitaux publics.
f. Enfin, augmentation de 1.050 Mds GNF sur financements de l’Etat en vue d’atteindre 2.000 Mds GNF, du Fonds de riposte COVID-19 pour lequel seulement 950 Mds GNF sont à date identifiés par le Gouvernement. Bien que les missions assignées à ce fonds ne soient pas précisées dans le plan de riposte, dégager 2.000 de financements publics permettre de soutenir et de renforcer toutes ces premières mesures. Par ailleurs, ce type de plan étant dynamique, au regard des mesures de sécurité sanitaire (prolongement ou extension du couvre-feu à des plages horaires plus opérationnelles, confinement total ou partiel, etc…) et selon les besoins qui émergeront dans les prochaines semaines, ce fonds pourra à tout moment être sollicité.
Ces propositions d’amélioration sur les mesures du Gouvernement ont également été formulées :
a. Investissement dans le domaine de la santé par la Construction d’un hôpital disposant de la capacité de celui de Donka, de trois (3) laboratoires régionaux et la rénovation/extension et équipements des sept (7) hôpitaux régionaux : 700 Mds GNF.
b. Augmentation du budget de l’ANIES fixé actuellement à 439 Mds GNF pour le porter à 1.000 Mds GNF : 261 Mds GNF budget d’urgence et 300 Mds GNF pour constituer package « Pâques – Ramadan ».
c. Relèvement du fond de garantie des prêts bancaires aux PME à 500 Mds GNF qui est actuellement fixé à 50 Mds GNF : 450 Mds GNF. Ce fonds pourrait être confié au Fond de développement industriel et des PME (FODIP) pour qu’il s’inscrive dans un dispositif pérenne en vue de soutenir les PME dans la phase d’amorce, de financement de l’exploitation ou de l’investissement/diversification.
d. Transformation des 480 Mds GNF de la prise en charge par l’Etat des factures d’eau et d’électricité au tarif social en un plan d’investissement dans le réseau d’adduction et de desserte en eau potable : 0 franc guinéen comme coût (réallocation).
En outre, des observations et des conseils tirés des bonnes pratiques de gestion sont proposées dans toutes les sections de cette analyse. Leur prise en compte évitera des écueils dans la gestion des finances publiques dans cette crise.
L’ensemble de ces propositions a fait l’objet de calcul d’impacts et est présenté dans cette analyse. Des économies de 3.792,6 Mds GNF ont été identifiées pour financer toutes les mesures proposées ou corrigées. Celles-ci préservent les équilibres macroéconomiques qui conditionnent la Facilité Elargie de Crédit (FEC) du FMI, les dépenses prioritaires, notamment les investissements dans le secteur énergétique (Souapiti) et le maintien d’un service public correspondant à au moins celui de l’année dernière.
L’impact des mesures fournies par le Gouvernement et des estimations proposées par cette analyse se traduit par une perte de 2.368 Mds GNF. Ce qui baisse les recettes fiscales prévues en 2020 pour l’Etat à 16.850 Mds GNF et porte le déficit budgétaire à 7.392 Mds GNF, soit 5% par rapport au PIB initialement prévu (contre 6% annoncés dans la communication du Gouvernement).
Ce plan global revu coûtera 6.512 Mds GNF, soit 6% du PIB de 2019 (contre 2,75% dans un plan initial) et ne prend en compte aucune source de financement autre que celui de l’Etat. Ainsi, il se rapproche du ratio coût/PIB n-1 des plans proposés par les pays voisins (Sénégal et Côte d’ivoire : 7%, Togo 12%). Avec l’obtention d’aides bi et multilatérales de 300 Mio USD (soit 85% des 347Mio USD d’objectifs affichés par le Gouvernement), le plan se situerait à plus de 8% du PIB.
Enfin, si elles sont appliquées, les mesures proposées par cette analyse feraient de ce plan de sauvetage, un instrument cohérent, crédible et ambitieux qui touchera la majorité des ménages et des entreprises en difficultés et permettra de lever d’importants financements internationaux.
Leur réussite et leur efficacité demeurent toutefois conditionnées par la capacité de l’Etat à mettre en place un mécanisme d’engagement et de décaissement d’urgence innovant et transparent au regard des principes qui régissent la commande publique.
Diao BALDE
Créé le 25 avril 2020 15:54Nous vous proposons aussi
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