Allemagne: Karamba Diaby veut être le premier élu noir au Bundestag
BERLIN-Plus de vingt ans après avoir été agressé dans la rue par des jeunes d'extrême droite, Karamba Diaby, né au Sénégal, espère devenir dimanche le premier député noir du Bundestag.
A 52 ans, ce chimiste de formation arrivé en Allemagne il y a 27 ans s'est longtemps senti isolé dans l'Allemagne de l'Est des années 1980, communiste et blanche.
Il se sent aujourd'hui chez lui dans le pays réunifié, même s'il considère que l'Allemagne a encore du chemin à faire dans l'intégration des étrangers.
"Il est clair qu'il reste du travail à accomplir", juge celui qui se présente sous les couleurs des sociaux-démocrates (SPD) à Halle, la ville de l'Est où il a fait ses études universitaires.
Karamba Diaby ne cache pas son irritation de voir les médias s'intéresser à lui principalement en raison de la couleur de sa peau, et non de ses idées politiques.
"Si ma candidature fait autant sensation, alors que je vis ici depuis 27 ans, que j'ai fait mes études ici et que j'y suis engagé politiquement, c'est parce que les gens se rendent compte soudain que c'est une première", note-t-il.
Un autre Noir est candidat à la députation, cette fois pour le compte de la CDU de la chancelière Angela Merkel. Mais, contrairement à Diaby, Charles Huber est né en Allemagne d'un père sénégalais et d'une mère allemande.
La vie publique allemande offre peu de personnalités noires, à l'exception du monde sportif. Trois joueurs noirs – Dennis Aogo (Schalke 04), Cacau (Stuttgart) et Jerome Boateng (Bayern Munich) – figuraient dans la sélection allemande à la Coupe du monde de football 2010.
[B]UN CAS SINGULIER[/B]
Dans la classe politique, peu nombreux sont ceux qui sont nés à l'étranger, et la plupart d'entre eux sont arrivés très jeunes en Allemagne, comme le ministre de l'Economie, Philpp Rösler, né au Viêtnam et adopté bébé par un couple d'Allemands.
Le Bundestag compte une demi-douzaine d'élus d'origine turque, la plus importante minorité du pays avec trois millions de personnes.
Le cas de Karamba Diaby est d'autant plus singulier qu'il a bâti sa carrière politique dans une région, l'Allemagne orientale, où les thèses racistes trouvent depuis longtemps un certain écho. Le parti d'extrême droite NPD dispose d'élus dans deux parlements de Länder orientaux.
"Cela envoie un signal clair dans une région où la population immigrée est toujours peu importante", juge Orkan Kösemen, de la Fondation Bertelsmann.
Karamba Diaby dispose pourtant de bonnes chances d'être élu, car il est candidat à la fois dans une circonscription et dans le second scrutin à la proportionnelle, où il figure au troisième rang sur la liste SPD.
L'INTÉGRATION PAR LES JARDINS OUVRIERS
Il date le début de son intégration du début des années 1990 lorsque, préparant son doctorat, il s'est retrouvé à analyser la terre de jardins ouvriers, à la recherche d'une contamination chimique.
Intrigués par ce jeune homme à l'allemand soigné et aux manières policées qui prélevait des échantillons dans leur jardin, les résidents ont commencé à lui poser de questions.
"Ils me demandaient: d'où êtes-vous, combien de temps allez-vous rester, avez-vous une petite amie, est-elle blonde ?", se souvient-il.
Le chimiste a lui aussi interrogé ses interlocuteurs et appris sur les craintes des infirmières, des professeurs, des ouvriers et de ses propres collègues, tous inquiets des bouleversements intervenus avec la chute du Mur de Berlin.
Cet échange a constitué le déclencheur de son entrée en politique, pour laquelle il a été contraint de renoncer à la double nationalité, la CDU s'opposant à ce statut pour les non-Européens.
En 2008, Karamba Diaby a adhéré au SPD, une formation politique jugée plus ouverte aux personnes d'origine étrangère que la CDU. Mais cette situation est en train d'évoluer.
"Merkel fait évoluer la CDU, elle la modernise. Si ce parti ne change pas, il va à l'échec", estime Gero Neugebauer, professeur de sciences politiques à l'Université libre de Berlin.
REUTERS
Créé le 18 septembre 2013 23:27Nous vous proposons aussi
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