Alerte-Santé : Le diabète gagne du terrain à Labé où l’unique centre de référence est débordé…
LABE-Le diabète est une maladie chronique qui survient lorsque le pancréas ne produit pas suffisamment d'insuline ou lorsque l'organisme n'est pas capable d'utiliser efficacement l'insuline (hormone régulatrice de la glycémie) qu'il produit, selon l’organisation mondiale de la Santé (OMS). Toujours selon l’instance onusienne, le nombre de personnes atteintes de diabète est passé de 108 millions en 1980 à 422 millions en 2014. Selon les estimations, 1.5 million de décès ont été directement provoqués par le diabète en 2019. Le diabète est classé dans le groupe des maladies chroniques non transmissibles (MNT). En Guinée, cette pathologie est un véritable problème de santé publique.
Selon une enquête menée en 2009 par le Programme National Intégré de Prévention et de Contrôle des Maladies Non Transmissibles, à Conakry et en Basse Guinée, la prévalence du diabète était de 3,5% dans la population âgée de 15 à 64 ans. Elle était de 5,2% chez les sujets âgés de 25 à 64 ans. 74,3% des cas de diabète n’étaient pas diagnostiqués alors que parmi les cas de diabète connus, la majorité n’était pas traitée, selon l’enquête.
A Labé, dans la région de la moyenne Guinée, l’unité de Diabétologie de l’hôpital régional est le seul centre de référence. Elle prend en charge plus d’un millier de patients. Ce service ne désemplit pas. Il arrive des moments où même le personnel est débordé par le nombre important de diabétiques admis en hospitalisation, d’autres pour un contrôle de routine. On rencontre des malades de tous les âges, y compris des jeunes filles comme garçons. Aujourd’hui, ils ont réussi à s’adapter à cette nouvelle vie. Ces jeunes diabétiques se retrouvent de temps en temps pour se donner des conseils et orientations autour des médecins et d’autres ONG qui les accompagnent. A l’hôpital régional de Labé, Docteur Mamadou Dian Diallo accueille régulièrement dans son service des patients diabétiques estimés à un millier. Des chiffres qui grimpent. Chaque mois, au moins 20 nouveaux malades sont diagnostiqués.
« Avant c’était une unité. Nous dépassons l’unité maintenant avec la forte fréquentation. Nous avons une dizaine de lits, 3 médecins et des infirmiers qui reçoivent les malades de tout bord : Diabète de type 1 et 2, ou encore le diabète gestationnel. Avec les statistiques, nous n’irons pas loin, prenons le dernier trimestre de l’année en cours pendant lequel 1080 diabétiques portant le type 2 sont passés dans notre service ensuite 120 enfants diabétiques de type 1. Par rapport à la découverte, chaque mois nous retrouvons au moins 20 malades de diabète chez les adultes, chez les enfants au moins un cas par mois. Avec la progression au bout de 2 ans, vous comprendrez que nous aurons beaucoup de diabétiques dans notre région. Il faut faire le même calcul pour tout le pays. Ce qui veut dire il faut accentuer la sensibilisation et la prévention.
Accentuer la sensibilisation
Le 14 novembre de chaque année, c’est la journée mondiale du diabète. C’est une occasion de sensibiliser les patients, la population et le personnel même parce que tout le monde peut devenir diabétique. Le plus souvent le diabète de type 2 se voit à partir de 40 ans et plus mais ceux qui ont des parents diabétiques peuvent l’avoir avant 40 ans. Il y a plusieurs facteurs qui peuvent être associés mais la fréquence la plus élevée, c’est à partir de 40 ans. Maintenant le diabète de l’enfant se manifeste avant 35 ans. Pour les enfants c’est plus difficile, eux ne prennent pas les comprimés mais les injections sans arrêts, matin, midi et soir. Ce qui n’est pas le cas chez les adultes », explique Docteur Mamadou Dian Diallo.
Mariama Kesso Diallo, la cinquantaine vient d’être informée qu’elle est diabétique, alors que depuis quelques années elle est hypertendue. L’annonce des résultats de son test tombe comme couperet. Elle témoigne : « C’est le samedi passé qu’on m’a informé que je porte le diabète, beaucoup de signes se sont présentés. Finalement le résultat est sans appel. Je suis diabétique. Depuis quelques semaines, je sors beaucoup la nuit pour me mettre à l’aise, j’ai toujours la gorge sèche, j’ai expliqué à un jeune-frère vivant à Conakry, celui-ci m’a dit d’aller vérifier la glycémie aussi. Le visage était un peu enflé, la vision floue, les articulations tendues mais depuis que je suis hospitalisée dans ce service, on m’a prescrit des produits que j’ai pris, ça va mieux maintenant, le médecin m’a dit que c’est une maladie chronique comme toutes les autres et qu’il faut un suivi pour éviter toutes complications. Il m’a rassuré qu’il y a des gens qui ont vécu pendant plus de 20 ans avec le diabète. Donc de ne pas avoir peur, c’est une maladie à traiter à vie. On me dit de respecter le régime alimentaire pour le moment…C’est un régime difficile mais pour préserver ma santé, je suis obligée de me soumettre », explique Mme Kesso Diallo qui vient d’allonger la liste des diabétiques de Labé.
L’hôpital de Labé reste le seul centre hospitalier de la région à disposer d’une unité de référence pour le diabète. Le personnel du service est débordé, ce matin tous les lits sont occupés, d’autres malades sont en attente d’hospitalisation. Même le lit de garde des infirmiers est occupé. Dr Abdourahim Sall, l’un des infirmiers du service fait l’état des lieux :
« Comme vous le voyez, toutes les 2 petites salles d’hospitalisation sont remplies avec une capacité d’accueil de 13 malades seulement, hommes et femmes. Parmi ces 13 malades suivis sur place, 8 sont là pour déséquilibre du diabète, les autres sont hospitalisés après un diagnostic. C’est-à-dire des malades qui étaient venus à l’hôpital pour autre choses, avec les examens on se rend compte qu’ils sont diabétiques, sans le savoir. Pour le moment, toutes ces personnes doivent être suivies sur place afin qu’ils recouvrent leur santé avant de rentrer à la maison. Pour le moment, nous n’avons personne ici qui nécessitent une évacuation, notre service arrive à gérer les cas qui nous trouvent. D’autres aussi sont là en attente de consultation. Mais il ne faut pas paniquer, c’est une maladie qu’on peut suivre à vie sans complication si on respecte les consignes. Mais parfois c’est difficile avec certains patients de les faire accepter le diagnostic directement. Certains c’est après les complications qu’ils se rendent compte que c’est une réalité et qu’ils doivent suivre les soins. Progressivement, ils deviennent familiers à nous médecins », explique Dr Abdourahim Sall, l’un des infirmiers du services.
Sadio Barry, fonctionnaire à la retraite vit avec le diabète depuis 2 ans maintenant. Depuis qu’il a été diagnostiqué, il est attentif aux conseils du médecin et respecte scrupuleusement le régime. Rencontré dans les couloirs du service de diabétologie, il partage son expérience.
« Au premier traitement j’ai suivi le régime, mais à un moment j’ai arrêté les produits pour suivre seulement le régime ; je me portais mieux, j’oubliais parfois que j’ai le diabète. Donc avec le respect du régime, vous êtes tranquilles. Plus les choses se compliquent, plus vos organes sont attaqués. C’est récemment que j’ai eu d’autres soucis de santé alors que j’étais en déplacement, j’ai pris des médicaments contenants du sucre, ce qui m’a retrempé dans le traitement de diabète, je suis là pour un suivi afin de rééquilibrer tout, désormais même si je souffre d’autres choses, je passerai par les médecins diabétologues pour toute prescription », explique-t-il.
I Diallo a les 50 ans révolus. Cet entrepreneur en bâtiments réside dans la préfecture de Dalaba. Il a été diagnostiqué du diabète mais il n’a pas pris le soin de suivre un traitement correct. 12 ans après, les complications se multiplient. Blessé au pied dans un chantier, la plaie ne se cicatrise pas. Finalement l’amputation lui été inévitable.
« C’est dur de vivre avec le diabète mon fils, en fait je pouvais éviter ce qui m’est arrivé. Au début il n’y avait pas de bons médecins chez nous aussi, quand on dit diabète, on dit évite le sucre, tu penses que sans le sucre, tu peux faire tout le reste. Je suis resté dans ça, c’est vers la fin que ma plaie au pied est devenue une gangrène. C’est là que je me suis rendu compte que le diabète est pour quelque chose. J’ai été amputé à Conakry, il y a 6 ans. Je suis là maintenant, je suis régulièrement mes soins pour éviter d’autres complications. Le diabète est une maladie qui touche tous les organes de l’être, partout tu as mal, tu vas à l’hôpital, ils te diront que c’est lié à telle situation de ton diabète. C’est trop tard que je l’ai compris, cette maladie est grave, elle fait perdre la vue, les jambes même parfois des troubles de mémoire. Tu as les pieds enflés ou autres difficultés », témoigne I Diallo.
Cas des enfants en traitement à vie…
Dans ce lot de malades chroniques, une couche vulnérable fait partie, c’est les enfants, ils sont nombreux dans le pays, certains suivent leurs soins à Labé. A O Diallo a 17 ans aujourd’hui. Cette adolescente a connu le diabète très tôt entre 12 et 13 ans. Elle a passé des moments difficiles au village avec des problèmes de santé récurrents sans savoir qu’elle était diabétique. C’est à son arrivée en ville qu’elle fut diagnostiquée diabétique pour être suivie avec d’autres enfants. Aujourd’hui, elle arrive à gérer sa maladie, bien que très souvent, elle tombe en hypoglycémie.
« J’étais régulièrement malade au village sans jamais imaginer que c’était le diabète, c’est suite aux multiples plaintes que ma matante est allée me chercher pour me soigner en ville. Elle a beaucoup souffert avec moi. On me traitait des maladies dont je ne souffrais pas. Mon ventre se ballonnait, je pissais beaucoup, les voisins ont dit à ma tante de voir si je ne suis pas enceinte. Ce qui nous a fait comprendre que c’est le diabète, c’est un médecin venu de Conakry qui a rendu visite à ma tante, en voyant mon état, il a suggéré de m’envoyer à l’unité de Diabétologie. Pour lui, les signes que je présente ressemblent au diabète. Les examens l’ont prouvé à l’hôpital, j’étais même en excès de sucre, on m’a hospitalisé un moment pour stabiliser le diabète. Quand j’ai retrouvé l’équilibre je suis rentrée. Depuis, je suis mon état. Le début a été vraiment difficile avec le régime alimentaire qu’on m’a imposé, beaucoup d’aliments que j’aimais m’ont été interdits, cela a vraiment joué sur moi et ma famille parce qu’il fallait faire un repas particulier pour moi et un autre pour la famille. Donc, c’est une double dépense et une double Energie. J’ai même bénéficié d’une colonie de vacances avec d’autres enfants diabétiques à Maferinya (Forécariah). Nous avons davantage été situés sur le diabète, on nous dit même parfois si nous mangeons autres choses non recommandés aux diabétiques, il faut doubler la dose des médicaments pour épurer le sucre du sang.
Ce qui fait que parfois je double ma dose et je mange certaines choses pour éviter la souffrance à la famille à me faire des repas particuliers. Comme je vous dis ça été difficile pour moi, mon diabète chutait à tout moment, Et quand vous êtes en hypoglyco, vous devenez nerveux face à ceux qui sont avec vous, vous devenez même difficile à supporter. Il m’est arrivé des moments où je tombais avec perte de connaissance. Parfois je vais le chercher le feu pour alimenter le fer à repasser à l’atelier, je tombe en cours de route, au réveil je trouve que je suis à l’hôpital. Parfois aussi je peux aller au lit dormir, je n’arrive pas à me réveiller le matin, c’est quand je tarde à me lever, la famille vient voir ; on constate que j’ai perdu connaissance, on me conduit à l’hôpital, c’est une maladie à suivre de près, il ne faut pas vivre dans la solitude, le diabète peut se manifester à un moment où tu n’attends pas du tout. Maintenant je peux contrôler moi-même avec mon appareil, je suis familière. On remercie les médecins, nos familles et les ONG qui, à un moment, ont apporté leur soutien aux enfants diabétiques que nous sommes », se souvient A O Diallo.
Beaucoup d’enfants diabétiques de 0 à 18 ans qui bénéficient d’une prise en charge gratuite à travers l’hôpital et des partenaires, ont déjà dépassé l’âge des soins gratuits. Mais faute de moyens, ils continuent à être sur le dos de l’unité de Diabétologie de l’hôpital régional de Labé. Diallo Mohamed est un jeune garçon vit avec le diabète depuis des années. Aujourd’hui, il évolue dans une association de jeunes leaders diabétiques de Guinée, une association qui aide à former les enfants et jeunes diabétiques pour prévenir la maladie et aider les diabétiques à résister.
« Je ne suis pas né diabétique, auparavant je n’avais aucune maladie à traiter au quotidien. Tout à a commencé quand j’avais 15 ans en 2018. J’ai commencé à ressentir des maux et des signes, un frère étudiant en médecine me dit d’aller voir les médecins. Après examen, le résultat était sans appel, j’étais diabétique. Mais de traitement en traitement, j’ai retrouve ma santé, je dépends de l’insuline pour le restant de ma vie. Je suis obligé de suivre le régime. Il faut être bien entouré pour gérer cette maladie. J’ai appris comment m’injecter seul, je sais comment traiter les hyper et hypoglycémies en cas d’urgence.
Je reçois des médicaments régulièrement pour ma prise en charge. Avant l’âge de 18 ans nous serons suivis gratuitement par l’hôpital et par l’ONG danoise après les charges reviennent aux familles, j’apprends que l’âge est prolongé ou sera prolongé en notre faveur, nous gardons espoirs. Donc il faut se préparer à tout ça, c’est une maladie vraiment couteuse, je vois des personnes âgées sans moyens qui luttent contre le diabète, c’est difficile, j’invite les gens à suivre un bon régime alimentaire, même ceux qui ne sont pas diabétique », témoigne Mohamed Diallo
Le diabète étant une maladie chronique qu’on traite à vie, Dr Mamadou Dian Diallo, médecin diabétologue fait un conseil pour diminuer les risques.
« Il faut un bon suivi pour résister, l’important c’est de ne pas rater le rendez-vous, avec ça c’est difficile d’avoir des complications et sans complication, vous vivrez tranquillement comme une personne sans diabète, il suffit de contrôler tout avec un bon régime. Parce que c’est une maladie difficile et couteuse. Beaucoup pensent que c’est le diabétique seulement qui doit manger à des heures fixes ou prendre un fruit après chaque repas. Non, c’est pour tout le monde et tout ce qu’on doit manger. Chacun doit manger avec moins de sel, moins de sucre et moins d’huile, boire beaucoup d’eau. Après chaque repas, prendre un fruit. Ce régime doit être respecté par tout le monde, non pas seulement les diabétiques, il arrive des cas où des diabétiques peuvent vivre sans avoir des signes. Seulement quand on est diabétique les boissons sucrées il faut les éviter à tout prix, il faut penser à ce qui est naturel ; les jus d’orange pressés, de l’ananas ; il faut marcher aussi beaucoup à défaut de pouvoir faire un sport régulier » conseille-t-il.
Alpha Ousmane Bah (AOB)
Pour Africaguinee.com
Tel : (+224) 664 93 45 45
Créé le 29 août 2022 15:46Nous vous proposons aussi
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