Affaire Sotelgui: les révélations d’Ismael Baldé, président du Conseil d’administration (exclusif)

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CONAKRY-Des morts, des familles brisées sont entre autres les conséquences de la crise qui secoue la société de télécommunication de guinée (SOTELGUI).Dans cet entretien, un haut cadre accuse directement le ministre Oyé Guilavogui et demande au président Alpha Condé d’agir.


Ismaël Baldé, président du Conseil d’administration de la SOTELGUI s’est confié à notre rédaction. Dans cet entretien, il multiplie les révélations sur cette crise qui est devenue une épine dans le pied du gouvernement depuis plusieurs années. Nous reviendrons prochainement sur cette affaire avec la réaction des autorités impliquées dans cette crise. Exclusif !

Africaguinee.com : La SOTELGUI traverse actuellement une profonde crise avec un mécontentement des travailleurs de cette société. En tant que  président du Conseil d’administration de la Sotelgui , quel regard portez-vous sur cette crise?

Ismaël Baldé : Tout d’abord, permettez-moi de profiter de votre site pour présenter les condoléances aux familles des travailleurs disparus suite à cette tragédie humaine. Pour revenir à votre question, c’est exact et c’est la raison pour laquelle j’ai tenu à intervenir sur votre site www.africaguinee.com  qui est vraiment très lu.

Depuis  2011, je suis toujours en fonction au poste de Président du Conseil d’administration de la SOTELGUI,  mais je suis systématiquement écarté des négociations avec le syndicat sur le sort réservé à la Sotelgui. Tout a commencé en 2011 après la nomination de M. Oyé Guilavogui à la tête du Ministère des Postes et Télécommunications. Quelques mois après sa nomination, il a obtenu du gouvernement la mise en place d’un comité de gestion  de la Sotelgui qu’il coprésidait avec le Ministre du Contrôle Economique et Financier d’alors, Monsieur Coulibaly, qui n’est plus d’ailleurs membre du gouvernement. Ce comité de gestion avait à sa tête  le Directeur Général de l’Autorité de Régulation des Postes et Télécommunications (ARPT) Monsieur Moustapha Mamy Diaby. Et, dès la création de ce comité, j’avais à l’époque attiré l’attention des autorités  sur  cette  anomalie juridique.  En effet,  le directeur général  de l’ARPT, par le biais de ce comité de gestion, assumait une double mission : celle de DG de l’ARPT et en même temps président d’un comité de gestion  d’un des opérateurs. Ce qui faisait de lui un acteur  qui avait un double casquette, celle  de régulateur qui est l’arbitre et celle de président du comité de gestion de la Sotelgui. Il faut préciser que ce comité avait de manière subtile, repris les attributions aussi bien du Conseil d’Administration de la société  que de la Direction Générale. Après trois mois de gestion par ce comité, nous avons assisté à  l’arrêt des équipements de la Sotelgui  pour défaut  de carburant.  Faut-il rappeler que ces équipements   ont coûté au moins 450 millions de dollars Us.

Au lendemain du départ du partenaire Malaisien, le taux de pénétration de la Sotelgui était parmi les plus performants de la sous-région. Parce qu’il n’y avait pas un seul village de la Guinée qui n’était couvert par  le réseau de la Sotelgui de manière que les autres concurrents, notamment Orange, Cellcom et Areeba, utilisaient les sites  de la Sotelgui pour couvrir les régions les plus reculées de la Guinée. Ce qui continue d’ailleurs aujourd’hui dans le cadre de la sous-location.Donc, c’est un investissement de 450 millions de Dollars US qui a été dilapidé par l’arrêt des équipements pour défaut de carburant,  par ce comité de gestion de la Sotelgui.  

Pourtant ce Comité de gestion disposait de ressources financières conséquentes,  notamment les revenus tirés du GSM, de la fibre optique, de la colocation etc ; ce  qui aurait pu permettre à la Société d’acheter du carburant et maintenir  les équipements en l’état. Lorsqu’on écartait le Conseil d’Administration, les revenus tirés de la fibre optique auraient pu faire tourner les équipements pendant une période de transition,  en attendant de trouver un partenaire stratégique qui allait accompagner l’Etat dans la gestion  de cette société.

Donc, c’est ce comité qui a conduit à la situation actuelle, caractérisée par un vacum juris (vide juridique, ndlr), qui a permis au ministre Oyé, de s’accaparer des attributions de tous les organes légaux de gestion de la Sotelgui. La direction générale et le Conseil d’Administration ayant été mise en hibernation, nous  sommes entrés dans une ère où c’est le ministre qui dirigeait  directement la société. La fibre optique  qui génère des ressources aurait pu permettre d’acheter ce carburant et nous éviter l’arrêt des équipements.

Africaguinee.com : Vous soutenez  que vous avez été «  écarté par  le Ministre des Postes et Télécommunications ». Avez-vous fait recours contre cette décision du ministre ?

J’ai toujours considéré que la question  de la Sotelgui est une question stratégique qu’il ne faut pas mettre sur la place publique. J’avais opté pour une autre démarche qui  était celle d’écrire un Memo sur ces disfonctionnements  au sommet de la Sotelgui et de l’adresser  au président de la République. Le président  Alpha Condé avait lu attentivement mon Memo,  et il m’avait demandé à l’époque de retourner lui faire des propositions de relance de la société pour éviter le pire. C’est ce que j’avais fait et j’ai donné justement mon rapport quant à la relance de la Sotelgui au directeur de l’ARPT qui était censé remettre ce document au président de la République. Depuis  2012 je n’ai pas eu de réponse et  j’ai vu que cette crise  conduisait à un  drame humain, car à ce jour  plus de  50 travailleurs sont décédés faute de ressources et des familles ont éclaté suite à cette tragédie. Je n’exclue pas d’attaquer, au cas où la situation reste en l’état, par le biais du recours  pour excès de pouvoir la décision  du ministre de se donner des pouvoirs qu’il ne détient pas légalement par rapport à la Sotelgui.

Africaguinee.com : Parlez-nous du  plan de sauvetage  que vous auriez proposé au chef de l’Etat?

C’était un plan de quinze mois de travail que j’ai élaboré  avec les ingénieurs, les juristes et les économistes mêmes de l’entreprise, sous  la supervision d’un cabinet français BANKING SOLUTIONS.

C’est donc un plan de relance en douze mois, qui était centré sur un volet Ressources Humaines. J’ai déjà évoqué ce volet parce qu’on avait entrepris un volet social. Ce plan comportait aussi un volet lié à la facturation puisque le système de facturation de la Sotelgui était vraiment désuet.  Il fallait faire un système plus agressif  pour permettre d’introduire un système plus attractif, notamment  les bonus, les petits concours  qui allaient permettre aux  gens  d’acheter  des puces  et les unités. Une copie avait été transmise au  ministre Oyé.

Africaguinee.com : Selon vous,  c’est ce non-paiement des salaires  qui a précipité le décès des travailleurs dont vous avez parlé ci-haut?

Bien évidemment, imaginez que vous ne travaillez pas  pendant trois ans  et que vous ayez une famille de dix personnes à nourrir , une ou deux femmes , ce n’est pas tout le monde qui peut résister moralement  face à un tel choc ! Sans oublier que  les travailleurs étaient prêts à servir la Sotelgui même en suspendant  le paiement de leurs salaires. Pourvu que la société continue à fonctionner jusqu'à ce qu’un partenaire stratégique accepte de venir la reprendre pour la sortir  de la situation difficile dans laquelle  elle était.

Africaguinee.com : Est-ce votre échec  probable en matière de gestion de la SOTELGUI qui a justifié cette décision du ministre Guilavogui ?

D’abord je rappelle que le ministre est entouré dans son département,  par des personnalités qui sont directement  ou indirectement liées à la situation actuelle de la Sotelgui. Je suis  président du Conseil d’Administration  depuis fin 2009. J’ai trouvé une situation, j’ai contribué à améliorer celle-ci. Lorsque l’actuel ministre prenait fonction nous venions de sortir d’un Conseil d’Administration qui avait pris 11 recommandations dans lesquelles nous avions mis l’accent sur la mauvaise gestion de la Société ; et nous avions pris des décisions qui tendaient non seulement à réduire les problèmes liés au carburant  en substituant le mazout par l’énergie solaire pour alimenter certains sites. Nous avions aussi pris des résolutions pour entrer dans une phase de négociation  avec  les travailleurs pour réduire l’effectif pléthorique. L’objectif visé était de permettre à ceux qui voulaient aller en départ volontaire  de partir dans un cadre négocié  et de réduire le nombre de contractuels dans un cadre négocié avec le syndicat et enfin de permettre à ce ceux qui devraient aller à la retraite de faire valoir leurs droits.

 Certes la gestion n’était pas irréprochable, mais la société continuait à fonctionner et les salaires des travailleurs étaient payés dans le cadre d’un accord signé avec l’Etat dans ce sens.

Parlant des causes profondes des problèmes de trésorerie ; savez-vous qu’une société dénommée OGUIFOK (Oyé Guilavogui Fodé Kaba Sécurité, Ndlr) coûtait, pour quelques trois ou quatre vigiles, à la Sotelgui ?  80 millions de Francs-Guinéens par mois.

Africaguinee.com : Qu’avez-vous fait pour s’opposer à cette attitude du ministre Guilavogui ? 

Vous savez le sort qui m’a été réservé était dû à mon opposition systématique à ces contrats léonins. J’aurais pu parler d’autres, mais je me réserve pour l’instant de faire le déballage intégral.

Africaguinee.com : Pourquoi ?

Tout simplement parce qu’il ne faut pas mettre tous ses œufs dans le même plat ; je n’ai pas une seule corde à mon arc ; le moment venu vous aurez l’exclusivité…

Ce qu’il faut savoir ce que j’ai toujours été opposé à toutes ces formes de dépenses qui favorisaient des sociétés dont les propriétaires étaient connus. Il fallait donc couper la « tête de turc » que j’étais.

Je vais vous raconter une petite anecdote pour corroborer l’atmosphère qui prévalait à cette époque entre la SOTELGUI et le département. J’étais en mission à l’intérieur  du pays pour aller voir l’état des équipements de la Sotelgui. A mon insu, le Chef de cabinet (du ministre, ndlr) a ordonné à ce qu’on défonce la porte de mon bureau, qu’on sorte les documents de la Sotelgui  notamment les différents PV  (procès verbaux) des Conseils d’administrations qui m’ont précédé, les Conseils d’Administration qui se sont tenu sous mon magistère, l’ordinateur  qui  s’y trouvait pour aller mettre ça dans un magasin quelque part ; mon bureau a été affecté à la Secrétaire du Chef de cabinet. Vous vous imaginez, le bureau du président du  CA d’une entreprise dont les 100% du capital sont détenus par l’Etat, défoncé à son insu ! J’ai subi toutes ses humiliations pour me casser le moral et me faire abandonner mon combat pour protéger les intérêts de la société.

A mon retour, j’ai vu cet état de fait, je suis allé voir le ministre, il m’a répondu que c’est la Sotelgui qui doit me prendre en charge. Comment voulez –vous être le président du CA  et que vos bureaux soient dans l’enceinte de cette société ? Que cette société vous prenne en charge ? Est-ce que vous aurez en ce moment une certaine indépendance pour contrôler la gestion de cette société ? Je réponds NON. Donc je n’ai pas accepté de le faire,  j’ai pris les documents, les Procès verbaux et l’ordinateur  et toutes les archives de la société sont dans une chambre aménagée à cet effet à mon domicile. Vous imaginez l’ampleur de la guerre qu’on m’a déclarée dès l’arrivée de Oyé Guilavogui à la tête de ce ministère, de sorte que le président du CA de la Sotelgui n’a pas de bureaux. Je vous explique cela pour vous montrer  l’ampleur de la perception qu’ils ont du poste de président  et d’une manière générale  ce qu’ils entendent par ce poste.

Africaguinee.com : Aujourd’hui les manifestations des travailleurs de la SOTELGUI continuent. Votre réaction ?  

Je manifeste mon entière  solidarité à l’endroit des travailleurs de la Sotelgui, je partage leur douleur et leur peine. Je voudrais préciser  que le principal employeur de la Sotelgui ce sont les organes de direction de la Sotelgui, notamment la direction générale et le Conseil d’Administration. Mais je voudrais surtout ne pas m’aventurer sur le terrain des revendications tendant à demander le départ de tel ou de tel cadre  nommé par le chef de l’Etat ; il revient  au président de la république de tirer les conséquences  par rapport à ces revendications. Mais je précise que l’initiative entamée par le ministre des télécommunications est tout sauf un plan Social.

Africaguinee.com: Avez- vous des preuves de ses allégations ?

Mais nous en avons la preuve, dans le processus qu’ils ont engagé dans le payement  de ce qu’ils appellent le plan social  qui doit débuter sous peu, ce sont des engagements qu’ils  font prendre  aux  travailleurs,  lorsque tu touches cet argent tu  n’a plus rien à réclamer et il n’y a plus rien entre toi et la Sotelgui.  Cela veut dire tout simplement que lorsque tu touches ce montant, tu signes directement ta démission en tant que travailleur de la Sotelgui. C’est une sorte de licenciement  abusif  et collectif de tous les travailleurs de la Sotelgui.

Africaguinee.com : Est-ce que vous avez une idée des montants que doit percevoir  chaque travailleur ?

Cela dépend du statut du travailleur, il y a des statutaires c'est-à-dire ceux qui ont un Contrat à Durée Indéterminée, il y a ceux qui ont des Contrat à Durée Déterminée, des temporaires et des vacataires.

Africaguinee.com : Etes-vous concernés par cela ?

Depuis 2011, le président du Conseil d’Administration n’a reçu aucun émolument,  aucun salaire ! C’est comme si je n’existais pas pour le ministre des postes et Télécommunications. Depuis 2011, il n’a pas daigné nous associer, ni nous convier à une quelconque réunion pour partager avec lui les problèmes liés à la Sotelgui.

Africaguinee.com : Aujourd’hui, qu’est-ce que vous préconisez réellement  pour sauver la Sotelgui ?

En ma qualité de président  du CA de la Sotelgui, je demande au Président de la République  de faire en sorte que ceux qui ont géré la Sotelgui pendant ce vide juridique entre 2011 et 2014 rendent des comptes !   Car ils ont  géré des milliards de Francs Guinéens au titre des recettes collectées au titre de la fibre optique qui auraient pu payer les travailleurs  et même relancer l’entreprise sans que l’Etat ne mette la main à la poche. Aujourd’hui l’Etat  débourse 38 milliards de Francs Guinéens pour simplement payer les arriérés de salaire des travailleurs de la Sotelgui, alors que l’Entreprise génère des revenus à travers la fibre optique. Il faudrait que le ministre s’explique, que ceux qui ont géré ces montants générés par la fibre optique disent  dans quelle caisse ils ont versé cet argent. Et on parle d’unicité de caisse, s’ils l’ont versé au trésor  qu’ils nous  montrent des preuves, qu’ils rendent des comptes depuis trois ans .C’est la première des choses que je vais demander avant qu’on ne parle de plan social.

Ensuite,  je demande qu’on dissocie le payement des arriérés de salaire  des travailleurs  du plan social. Ce payement c’est un dû,  on doit leur payer cela ça n’a rien avoir avec le plan social. Il ne faut pas qu’on mélange les deux.Le plan social viendra lorsqu’on aura fini d’auditer  la gestion de la fibre optique, on ne parlera de plan social lorsqu’on aura fini d’auditer la gestion du  comité de gestion de la Sotelgui. C’est pourquoi j’en appelle au Président Alpha Condé  pour arrêter cette mascarade  de plan social parce qu’il ne s’agit pas de Plan Social. IL ne s’agit ni plus, ni moins d’un plan démoniaque  de destruction de vies humaines. Parce que ce plan est ridicule en ce sens qu’il terni l’image de notre pays à l’extérieur. Comment peut-on imaginer qu’un ministère se livre à la conception est à la réalisation d’un plan social d’une entreprise publique industrielle et sociale dotée de la personnalité juridique et de l’autonomie financière. ?  Le plan social d’une telle entreprise doit obéir aux règles de l’OHADA (Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires  en Afrique, Ndlr).C’est ce traité-là qui régit le droit des affaires en Afrique. Ce plan social est illégal et injuste parce qu’il ne répond pas aux dispositions de l’OHADA.

Interview réalisée par Diallo Boubacar 1

Pour Africaguinee.com

Tel : (00224)655 31 11 12

Créé le 17 juillet 2014 15:27

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