Aboubacar Sylla : « Il est temps que Cellou Dalein prenne ses responsabilités… »

Aboubacar Sylla, Président de l'Union des Forces du Changement  Photo-Africaguinee.com

CONAKRY- Que faut-il faire pour éviter l’implosion de l’opposition ? Pour Aboubacar Sylla, le porte-parole de l’opposition républicaine, Cellou Dalein Diallo a un rôle essentiel à jouer. Au micro d’un journaliste de notre rédaction, le Président de l’Union des Forces du Changement revient sur l’accord politique signé le 12 octobre dernier et qui continue encore à faire débat. Exclusif !!!


 

Depuis la signature de l’accord politique du 12 octobre dernier l’on assiste à une sorte d’implosion au sein de l’opposition guinéenne. Entant que porte-parole de cette opposition quelle lecture faites-vous de cette situation ?

 Cette situation qui perdure et qui donne à penser que l’opposition républicaine est au bord de l’implosion parce qu’il y a justement des frondeurs qui se sont démarqués de la position des principaux partis de cette opposition par rapport aux accords du 12 octobre, relativement à l’élection des conseils de quartier et de district. Cette situation perdure parce que le leadership qui devrait s’affirmer au sein de l’opposition tarde à se manifester. Je crois qu’il est temps que le chef de file de l’opposition prenne ses responsabilités pour ne pas laisser l’opposition républicaine s’entredéchirer et que cette question soit tranchée. Moi j’estime pour ma part, lorsqu’il y a des divergences assez profondes entre les partenaires au sein d’une entité, lorsqu’on ne retrouve plus sur l’essentiel, le fondement même de notre combat politique, je crois que c’est deux choses l’une. Soit, ces frondeurs quittent l’opposition républicaine d’eux-mêmes puisqu’ils seraient en divorce en matière de conception de la démocratie et de l’Etat de Droit, soit alors c’est l’opposition républicaine qui décide de les exclure de ses rangs parce que justement ils n’auraient pas accepté le contenu d’un accord qui a été dûment signé et validé par cette opposition républicaine. Mais cette situation qui perdure, ce statuquo crée une sorte de chienlit et il est donc important que le chef de file de l’opposition qui assume la responsabilité en ce qui concerne cette stabilité, se manifeste pour qu’une décision soit prise afin qu’on sorte de cette situation. Je crois que c’est une grave erreur pour ces frondeurs de s’opposer à ces accords parce que contrairement à ce que j’entends par des personnes soit mal informées ou mal intentionnées, cet accord est le meilleur que nous ayons obtenu depuis l’avènement du professeur Alpha Condé au pouvoir en 2010. Nous avons mis trois accords dont celui signé en 2013, l’autre en 2015 et celui-ci en 2016. Etant donné que le relevé de conclusion étant sorti du dialogue de 2014 n’a jamais été signé et validé par les partis, je dis que cet accord est loin parmi ceux que je viens de citer, de loin est le meilleur. Premièrement nous avons obtenu pour la première fois un audit complet du fichier électoral. Jusqu’à présent, au terme de nos dialogues nous obtenions un toilettage qui devrait être fait sur le fichier électoral  mais par ces commissions techniques qui sont nommées de partout  et qui n’ont jamais disposé du temps nécessaire pour effectuer pleinement cette mission parce que c’est toujours à l’approche des élections que ces dialogues se tiennent et  généralement le temps était toujours très court pour composer des commissions d’une certaine envergure et d’une certaine expertise et pour aussi disposer du temps nécessaire pour effectivement assainir le fichier électoral. Cette fois-ci nous aurons un cabinet qui va être recruté sur la base d’un appel d’offres international et l’opposition va participer à toutes les étapes de recrutement de ce cabinet de l’élaboration de son cahier de charge, à son dépouillement et jusqu’aux opérations de recrutement du cabinet lui-même. Donc on aura un fichier totalement audité qui va nous permettre de sortir de ces enrôlés mineurs, de sortir de ces doublons, de sortir de ces sur enrôlement dans les fiefs du pouvoir, de manière à avoir un fichier effectivement représentatif du corps électoral. Dans cet accord aussi, nous avons décidé de la réforme de la CENI (Commission Elecorale Nationale Indépendante, Ndlr). Nous aurons une CENI plus technique dont les membres seront recrutés selon des procédures qui seront définies au niveau de l’Assemblée Nationale ; nous aurons un personnel permanent au niveau de la CENI, recruté sur appel à candidatures. Tout ceci fera qu’on aura une CENI plus neutre, impartiale et compétente. Je crois que c’est un grand pas qui aura été franchi si les dispositions de cet accord sont appliquées. Nous avons aussi réussi à envoyer le Gouvernement sur la voie de l’indemnisation des victimes. Nous avons été très loin puisque même des fonds vont être dédiés à l’indemnisation des victimes et aux personnes handicapées ; L’autre au remboursement des victimes de pillage, de vandalisme sur leurs biens. C’est la première fois qu’on arrive à ce stade sans compter les questions d’ordre juridique qui vont vous emmener à installer la Haute cour de Justice qui est un élément fondamental dans la lutte contre la corruption puisqu’u jour d’aujourd’hui le président de la république et les membres du Gouvernement sont totalement hors la loi c’est-dire qu’ils sont couverts par une immunité compte tenu de leurs fonctions même lorsqu’il y a des fait avérés de corruption et de détournement de deniers publics et qui sont reconnus . Bref, il s’agit d’un grand acquis sans parler des élections communales qui intéressent les guinéens. Nous avions dit à ce niveau que les élections des conseils de quartier et de district seront organisées tel que prévu dans le code électoral, c’était ça notre revendication lorsque nous allions à ce dialogue. Après les discussions et après avoir examiné tous les faits, nous nous sommes rendus compte qu’il y avait tellement de contraintes qu’il était impossible pour la CENI telle qu’on la connait maintenant d’organiser de telles élections et ça risquait au contraire en insistant sur l’organisation du suffrage des élections de conseils de quartier et de district selon le code électoral, c’est-à-dire le vote au suffrage universel directe , ceci serait pratiquement impossible pour plusieurs raisons. La première vous avez 3763 conseils de quartiers et de districts, pour organiser ces élections dans ces circonscriptions il faut avoir autant de commissions administratives de centralisation des votes c’est-à-dire 3763 CACV dirigées par 3763 magistrats et nous en avons pour tout le pays que 300, premier problème. Le second il faut installer des bureaux de vote et on aura 20.000 bureaux de vote avec cinq membres, cela fait 100 milles personnes, cela fait 20 milles  personnes membres des CACV, cela fait 120 milles personnes que la CENI devra gérer  avec également le personnel de sécurité. On a vu que cette CENI n’était pas en mesure de le faire. Elle a eu du mal à gérer 38 circonscriptions électorales pour des élections nationales passées et on lui demande maintenant de gérer 100 fois plus c’est-à-dire passer de 38 à 3763 voire à 4106 ; si l’on couple les élections communales à celles locales, on leur a dit que c’est un défi que la CENI  ne peut pas relever. D’autre part comment on va régler les contentieux électoraux qui vont s’étaler sur près de 4000 circonscriptions électorales ou il peut avoir une dizaine de listes  de candidature. Cela avec plus de 40 mille listes de candidature. Comment gérer ces contentieux qui risquent de dégénérer d’autant qu’on n’aura pas à faire qu’à des partis politiques seulement, mais à des familles, donc avec des risques de confrontation entre eux. Tout ceci peut emmener à un chaos généralisé qui va emmener le pays dans des situations totalement incontrôlées. Ce n’est pas par hasard qu’on a fait des investigations (…), aucun pays n’organise les élections au niveau des quartiers et des districts, l’on a cherché partout, dans les pays limitrophes, cela n’existe nulle part. C’est un casse-tête que l’on ne peut pas gérer parce que tout simplement c ‘est une complexité très grande avec un risque de confrontations dans le cadre de la gestion des contentieux électoraux. Mais au-delà de tout cela j’ai fais deux remarques, depuis 1991, il n’ y a pas eu d’élection de chefs de quartier et de district, mais l’on a entendu personne protester, personne s’en émouvoir. On attend qu’on trouve une formule plus démocratique que celle qui existe maintenant , qui permet de tenir compte des suffrages exprimés par les localités concernées pour mettre en place les conseils de quartiers et de districts pour qu’il y ait un tollé généralisé, qu’on parle d’atteinte aux libertés, qu’on parle d’assaut contre la citoyenneté , c’est totalement incompréhensible. Mieux que ça, notre constitution contient 162 articles (…), passez le en revue d’un bout à l’autre, vous ne verrez nulle part le mot quartier ou district. Je veux dire tout simplement que les quartiers et districts ne sont pas des collectivités locales au regard de notre constitution. Elle prévoit comme collectivités locales, les régions , les communes urbaines et rurales. Donc quand j’entends des discours comme quoi il y a une violation de la constitution, et il n’y a non plus aucune violation de la loi car  nous n’avons pas pris une décision ; mais juste exprimer une intention, celle de saisir le parlement par une proposition ou un projet du code électoral remanié qui va tenir compte des accords intervenus. Donc il n’y a absolument aucune violation ni sur la forme ou le fond en ce qui concerne la constitution et les lois de notre pays. Nous avons prévu puisqu’on ne peut pas s’exprimer au suffrage direct, qu’on utilise le résultat des élections communales mais ce n’est pas des extrapolations que l’on fait (…), on fait un découpage électoral qui permet de faire le décompte des voix obtenues par chaque liste. Quelle soit une liste de parti ou indépendante au niveau de chaque quartier ou de chaque district. C’est ce décompte qui permettra de définir le score de chacun et en conséquence de composer le conseil de quartier et de district qui je rappelle se compose à la proportionnelle. C’est-à-dire que chaque liste va avoir à partir d’un certain score, va disposer de certains conseillers au niveau du conseil de quartier ou de district. Donc il y aura une gestion collective de ces entités et c’est la liste qui va arriver en tête qui va désigner le conseil de quartier et de district. C’est vrai peut être ce n’est pas l’idéal si on veut effectivement que les populations soient directement gérées par des personnes choisies par elles. Mais c’est une très grande avancée par rapport au  statuquo actuel qui semblait convenir à tout le monde, depuis en tout cas de longues années. Donc je suis surpris vraiment de ce débat et surtout de cette alliance contre nature entre des partis politiques et la société civile pour combattre un accord conclu par d’autres partis politiques. Je ne sais pas quelle arrière pensée il y a et je suppose qu’il y en a une sinon on n’allait pas rester tranquille pendant tout ce temps sans protester contre la nomination des conseils de quartier et de district par le pouvoir et le faire aujourd’hui quand il y a une avancée dans ce domaine sur le plan démocratique.

Vous parlez de l’éventualité d’une exclusion de ceux que vous qualifiez de frondeurs, est-ce que cela ne pourrait pas à votre avis fragiliser l’opposition ?

Mais au contraire (…), c’est le statuquo actuel, ces discours discordants, ces oppositions internes qui font qu’on ne s’intéresse plus à l’essentiel. C’est-à-dire l’opposition au pouvoir. On passe le temps à nous disputer entre nous, c’est ça qui affaiblit l’opposition. Dès que la clarification va être faite, certains vont quitter d’autres vont rester, mais l’opposition républicaine va retrouver toute sa cohésion. C’est exactement ce qui s’est passé quand le PEDN a quitté l’opposition républicaine, c’est ce qui s’est passé quand l’UFR a quitté malgré ses 10 députés à l’Assemblée Nationale.  Ce n’est pas maintenant que des partis politiques qui ne sont pas du tout représentatifs sur le terrain vont quitter l’opposition républicaine qu’elle va s’affaiblir. Au contraire, c’est le fait de laisser cette confusion continuer à s’installer dans les idées et emmener à percevoir notre position comme une entité totalement désunie sans leadership, c’est ça qui peut emmener l’opposition républicaine justement à imploser.

Peut-on dire que les années de gloire de l’opposition sont déjà passées parce que vous avez rappelé tout à l’heure le cas du PEDN et de l’UFR qui ont quitté l’opposition républicaine. Est-ce qu’il y a des petits soucis à l’interne qui font que ça ne marche pas ?

La force de l’opposition républicaine c’est sa capacité de mobilisation qui elle-même découle de la capacité de persuasion des populations. Nous l’avons démontré lors de nos dernières manifestations sans le PEDN , sans l’UFR et sans d’autres partis comme l’alliance des Badiko ou qui étaient avec nous auparavant comme le CDR ou les fameux centristes, les GPT ou les UPG . Nous l’avons démontré rien qu’avec une opposition apparemment restreinte, que nous sommes capables de mobiliser plus qu’on ne la jamais fait, au plus fort de la ‘’puissance’’ de l’opposition. En 2013 nous avons fait des manifestations monstres mais les manifestations de 2015 et 2016 sont des manifestations qui ont plus mobilisé. Pour la dernière même les rues adjacentes étaient bondées de monde. On a pu estimer à près de 700.000 personnes, le nombre de manifestants. Moi je considère pour peu qu’on passe ce cap-là, pour peu qu’il y ait cette clarification qui s’effectue, l’opposition républicaine va rester toujours une entité extrêmement forte puisqu’elle cristallise les soucis et les espoirs du peuple de Guinée.

Cet accord politique signé le 12 octobre a mis à nue les divergences internes au sein de l’opposition républicaine. Est-ce qu’il y avait un minimum de consensus avant que vous ne partiez représenter l’opposition dans les discussions avec la mouvance présidentielle ?

Quand on met en place une délégation pour aller faire des négociations, c’est avec un mandat. Mais c’est aussi avec une marge de manœuvre, parce que quand on va pour négocier, c’est qu’on est prêt à faire des concessions. Donc certainement il y avait des concessions à faire par rapport au mandat initial que nous avons reçu, mais on reste dans le cadre du mandat tout en faisant quelques concessions qui ne sont pas fondamentales et qui peuvent permettre d’aboutir à un consensus. Nous notre position c’était d’organiser purement et simplement des élections au niveau des conseils de quartiers et de districts parce que nous ne disposions pas encore de toutes les informations nécessaires pour savoir quelle était la complexité technique de ces élections. Du côté de la mouvance, c’ était de faire en sorte que les conseils de quartiers et de districts soient nommés tout simplement par les maires. Nous avons trouvé une solution médiane, nous avions dit pas de nominations arbitraires et discrétionnaires des maires mais où il y a une désignation en fonction des scores obtenus par les différentes listes. Ceci est un arrangement qui permet à la fois à la société civile et à tous les citoyens de participer à ce scrutin parce qu’il n’est pas fermé ou strictement réservé aux partis politiques. N’importe quelle liste indépendante peut participer à ce scrutin. Il faut dire d’autre part, on fait en sorte que ce soit les suffrages exprimés des scores obtenus dans la localité concernée au nom des chiffres qui sont d’une commune extrapolée au niveau des quartiers qui permettent de désigner les listes et de définir des scores qui permettent à partir de là de désigner des chefs de quartier et de district. C’est une méthode à notre avis démocratique et c’est ce que nous avons accepté au niveau du dialogue. Mais ce n’est pas sans en avoir débattu en plénière de l’opposition républicaine. Moi j’étais le chef de la délégation de l’opposition et lorsque cette question s’est posée, une plénière a été convoquée (…). Elle a eu lieu au QG de l’UFDG, personnellement je n’y étais pas pour des raisons personnelles mais les libellées de cette disposition de l’accord ont été discutés là-bas et acceptés par tous, y compris le BL (Bloc Libéral, Ndlr) et d’autres. Il n’y a eu aucune opposition du BL. C’est lorsque nous sommes passés à la question concernant la réforme de la CENI, Monsieur Faya Milimono a dit que ce qui a été retenu au niveau de la plénière, que la réforme de la CENI intervienne au coures de cette session budgétaire, nous nous sommes retirés de la salle en tant qu’opposition républicaine sur ma demande pour qu’on se concerte. L’on s’est retrouvé, opposition républicaine et président du BL, on a discuté de ces questions. J’ai dit au président du BL qu’il soit cohérent (…), à partir du moment où nous avions décidé de partir aux élections locales en février on ne peut pas changer la CENI maintenant parce que ça compromettrait ce calendrier électoral. On ne peut pas reforme la CENI en Novembre et aller aux élections en Février. Je lui ai dit que ce n’était pas possible ensuite il m’a dit qu’on peut adopter la loi et on la met de côté pour que plus tard qu’on la mette en application, j’ai dis non, parce qu’une loi dès qu’elle est votée, il y a un délai de promulgation qui est prévu au niveau de la constitution. Le président de la République est obligé de promulguer dans ce délai-là. Donc tout ce qu’on peut faire, c’est de saisir la cour constitutionnelle parce que c’est obligatoire pour les lois organiques d’ailleurs (…), parce qu’en, j’entends les gens dire qu’ils vont saisir la cour constitutionnelle si l’assemblée nationale adopte le code électoral en conformité avec les dispositions de l’accord du 12 octobre, je dis qu’ils ne lisent même pas les textes. Une loi organique n’est jamais  promulguée sans qu’elle ne soit obligatoirement soumise à l’avis juridique de la cour constitutionnelle. Donc une fois qu’elle est promulguée cela veut dire que la cour constitutionnelle a donné déjà son aval sur la constitutionnalité de la loi. Je l’ai expliqué à docteur Faya, personnellement je croyais qu’il avait compris (…), si la loi est votée maintenant on ne peut pas attendre quatre mois pour la mettre en vigueur. Autant attendre donc la session des lois du mois d’avril pour l’adopter. Je croyais qu’on s’était compris (…), lorsqu’on s’est retourné dans la salle et l’on s’est retourné sur cette question de la CENI et notamment de la période à laquelle la loi portant sur la CENI devrait être débattu au parlement, il a dit que lui il faut que ça soit à la session budgétaire alors que c’était totalement incohérent par rapport au calendrier électorale. C’est sur ce fait qu’il a quitté la salle. C’est sur cette question de la CENI et non sur la question des élections communales qui avait été débattu dont le libellé a été adopté par tout le monde et on avait donc passé au point suivant qui concernait la réforme de la CENI.

 

Entretien réalisé par SOUARE Mamadou Hassimiou

Pour Africaguinee.com

Tél. : (+224) 655 31 11 11

 

Créé le 9 décembre 2016 14:39

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