Dr Édouard Zotomou : « On ne sera pas surpris d’une candidature du Colonel Doumbouya à la Présidentielle…»

CONAKRY-Deux ans après la chute d’Alpha Condé, l’heure est venue de dresser le bilan de la gestion de ses tombeurs. Pour le vice-président de l’Alliance Nationale pour l’Alternance et la Démocratie (ANAD), durant ces 24 mois de gouvernance, le CNRD n’a pas joué « franc jeu » avec les guinéens.


Dr Edouard Zotomou Kpoghomou marque son insatisfaction par rapport aux actes posés par la junte au Pouvoir. Le candidat « recalé » de la présidentielle de 2020 soupçonne la junte de préparer une candidature du colonel Mamadi Doumbouya à la prochaine présidentielle. Entretien.

AFRICAGUINEE.COM : Ce 05 septembre marque la deuxième année d’exercice du pouvoir par le CNRD. Quelle lecture faites-vous de la gestion des militaires ?

DR ÉDOUARD ZOTOMOU KPGOHMOU : Avant d’évoquer le bilan du CNRD, il faut d’abord qu’on parte de ce que c’est une transition, ce qu’elle doit faire. On a dit qu’une transition n’est pas faite pour faire des projets de développement. La transition c’est pour pouvoir mettre tous les instruments, tous les organes, toutes les institutions en place pour qu’on retourne à l’ordre constitutionnel. Et dans ça, bien sûr, il fallait former le gouvernement, il y a le CNT qui a été mis en place, mais aussi, il y a la constitution qui doit être écrite. Parce qu’on ne peut pas faire des élections sans constitution. Et pour ça, il faut boucler aussi le financement pour les élections, il faut créer les organes de gestion des élections. Et tout ça doit être discuté. On ne peut pas faire les élections sur le schéma ancien, avec ce qu’on appelait couramment les CACV (Centres administratifs de centralisation des votes). Ceci était de véritable laboratoire de vol. C’est là-bas que les vols se faisaient. Parce que, quand on amène les urnes devant un préfet, c’est lui seul qui est là. Alors qu’il y a des urnes déjà préfabriquées, il suffit de faire une substitution, le jeu est joué. C’est comme ça que Alpha Condé a gagné les élections passées… Et dans ces conditions-là, nous pensons que le CNRD n’a pas joué franc jeu et nous ne sommes pas satisfaits de ce qui se passe.

Le ministère de l’administration du territoire et de la décentralisation (MATD), a dit qu’ils ont évalué le processus électoral à 600 millions de dollars, ou 6 mille milliards de francs guinéens. Ceci est pour montrer effectivement la mauvaise foi. Parce que dans aucune élection que nous connaissons en Afrique de l’Ouest ici, dans les conditions que nous connaissons, qui pourrait coûter la bagatelle de 600 millions de dollars. C’est pour ça qu’il fallait se mettre ensemble pour déterminer ce qui est nécessaire. La Cédéao sur laquelle on est en train de s’appuyer, ne donnera jamais de l’argent pour organiser les élections. Ce sont des États qui contribuent au budget de la Cédéao. Vous pensez qu’elle va venir renflouer vos caisses avec une bagatelle de 600 millions de dollars ? Ce n’est pas possible. C’est à nous d’organiser nos élections sur nos ressources propres.

Le pouvoir en place se vante souvent des réalisations en termes d’infrastructures. Mais l’ancien parti au Pouvoir revendique ce bilan. Est-ce que vous pensez que toutes ces réalisations sont à l’actif du CNRD ?

Non, pas du tout ! Ce sont des projets qui étaient déjà programmés. Il s’agissait seulement de le mettre à exécution. Mais là où il y a eu manquement d’objectif, la transition n’est pas une période où on s’occupe des projets de développement. Elle doit être simplement là pour mette en place tous les jalons, tout ce qui est nécessaire pour aller de cet ordre non constitutionnel à un ordre constitutionnel, avec tous les éléments qu’on a cités dès le départ. Maintenant, quand on va vers les projets de développement, c’est pour faire les yeux doux à la population ou alors montrer à l’opinion qu’on est en train de développer le pays alors que ce n’est pas la vocation. On ne devrait pas penser que le guinéens ont la boue dans la tête. Ce pays a pleins de cadres. On n’a jamais dit qu’un militaire ne peut pas revenir et être président, non. Mais il y a une procédure. Il ne faut pas penser que les autres ne vous voient pas. Quand vous venez avec de très bonnes intentions, je crois que ça va se voir dès le départ. Vous voulez toiletter les finances, vous refuser de montrer aux gens ce que vous avez. Vos biens, vous ne les déclarer pas, comment est-ce qu’on peut vous faire confiance ?

Pour un gouvernement qui veut toiletter la gestion de la chose publique, avant de prendre fonction, on va dire voilà ce que le président de la République a; tel ministre, voilà ce qu’il a au moment où il rentre… Si vous attendez après deux ans, peut-être que l’histoire va révéler tout ça. Parce que la facture de la transition va venir, c’est là-bas que nous allons prendre les têtes.

Au plan politique, deux après, les autorités de transition peinent à réunir les différentes parties autour de la table de dialogue. Pourquoi selon vous ?

Nous pensons qu’il n’y a pas de volonté politique. Les partis politiques qu’on avait voulu museler dès le départ, avaient été les premières organisations à réclamer un cadre de dialogue. Le cadre de dialogue, au lieu de nous le donner, on a donné un cadre de concertation. On a essayé d’expliquer qu’entre concertation et dialogue, il y a tout un océan. Ce n’est pas la même chose. Alors, maintenant, le cadre-là devait être discuté entre les forces vives et le CNRD. Mais ce cadre a été fait juste au niveau du CNRD. C’est ce qui a été imposé. Mais nous nous pensons qu’il ne fallait pas perdre le temps pour discuter de tout ça, il fait montrer les faiblesses. Nous avons montré les faiblesses, et malheureusement pour eux, la Cédéao avait vu effectivement que la position que nous défendions était la position réelle. Parce que le cadre de dialogue devrait être inclusif sous la supervision de la Cédéao.

Mais vous voulez une consultation sous la supervision du CNRD ou alors d’un ministre. Dans ces conditions là, ça ne peut pas aller. C’est une façon pour eux de gagner non seulement du temps, mais de continuer à avoir une mainmise sur le processus parce qu’il y a d’autres processus qui ne sont pas encore dévoilés. Et moi je dis qu’à un moment donné, on ne sera pas surpris de savoir que le colonel Mamadi Doumbouya est un candidat à la présidence. Ce n’est pas exclu.

A cette allure, est-ce que selon vous, le colonel Doumbouya et son équipe sont prêts à céder le pouvoir dans le délai de 24 mois ?

Il n’y a pas de volonté politique. Vous savez, il y a des signes qui ne trompent pas. Le CNRD n’est pas prêt à lâcher le pouvoir. Nous, c’est notre observation. Parce que la démarche a commencé dès le départ. Quand on doit quitter une institution, il y a des choses à faire, il y a des choses à ne pas faire. Ce que nous avons vu, c’est que le Cnrd a posé effectivement des actes qui montrent clairement qu’ils n’ont pas l’intention de quitter le pouvoir. Ils peuvent dire à tout le monde que non, ils ne seront pas candidats. Ils peuvent ne pas être candidats eux-mêmes, mais cela ne peut pas les empêcher d’avoir des candidats qui sont en train d’être postés.

Il faut que le guinéen comprenne que, si ce pays est en retard, c’est du fait de ses enfants, de ses cadres. Alors si on ne veut pas prendre ce que nous voulons, si on ne peut pas éclairer la population sur ce qu’elle doit nous aider à faire, pour que ce pays continue à aller de l’avant, ça veut dire que nous avons failli à notre devoir. Et nous voulons que le colonel prenne du recul par rapport à un certain nombre de position, pour que demain, quand il partira, qu’on dise qu’il a laissé une très bonne trace. Parce que l’histoire est impitoyable. A un moment donné, tout ce que nous avons ou nous allons faire sera effectivement raconté et sera documenté. Une transition en réalité, qui n’a pas conduit à ce qu’on voulait, on ne devait pas la fêter. Il y a eu beaucoup de morts, on ne peut pas fêter.

Entretien réalisé par Dansa Camara DC 

Pour Africaguinee.com

Créé le 5 septembre 2023 12:45

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