»Magouille » au service des bouses extérieures : Bamba Camara du SNABE fait le grand déballage…
CONAKRY- Les étudiants boursiers guinéens organisent régulièrement des manifestations dans les ambassades de Guinée à l’extérieur. Très irrités, ils demandent des comptes à l’Etat guinéen. Ces étudiants qui disent « tirer le diable par la queue » exigent surtout le payement de leurs bourses d’entretien.
Qu’est-ce qui explique le retard dans le paiement des bourses ? Que se passe-t-il concrètement ? Africaguinee.com a été reçu par l’actuel Directeur du Service National des Bourses Extérieures (SNABE). Dans cette interview exclusive, Mohamed Bamba Camara fait des révélations tonitruantes sur un vaste réseau de magouille qui a longtemps gangrené le service des bourses extérieures. Il répond également à certaines craintes exprimées par les étudiants.
AFRICAGUINEE.COM : les boursiers guinéens de l’extérieur accusent la direction générale du SNABE de ne pas faire face à leurs préoccupations, qu’est-ce qui se passe ?
MOHAMED BAMBA CAMARA : Nous sommes un service technique. Notre rôle est d’apporter des solutions face aux problèmes qui sont posés une fois qu’ils sont clairement identifiés. C’est un principe directeur chez nous. Ce n’est pas de tomber dans la polémique.
Le problème des étudiants boursiers, tout le monde le sait en Guinée, c’était un domaine opaque. L’opacité se justifie parce que Paul ou Pierre y avait intérêt, et, quand on vient changer un tel système, on est face à un réseau mafieux. Ça ne peut pas se faire sans difficultés. C’est pourquoi malgré tous les cris qu’il y a, je reste droit dans mes bottes, nous sommes calmes et avançons vers l’objectif.
On a été envoyés ici pour faire un travail. Nous avons juré sur le coran, ça veut dire qu’au-delà des responsabilités face aux hommes, j’ai une responsabilité face à Dieu. Je ne vais pas, après avoir mis la main sur le saint coran, laisser quelque chose me faire dévier. J’ai juré que je ne vais rien laisser passer qui n’est pas normal, le président veut une gestion intègre, je me suis engagé, ce n’est pas parce que Paul ou Pierre n’est pas content qu’on va se laisser faire. Ce que nous visons aujourd’hui, c’est le bien être des étudiants. Ça ne peut pas se faire sans qu’on ait un nettoyage dans le domaine, sans quelque garde-fou.
Quels constats avez-vous fait lorsque vous êtes venus à la tête de cette direction ?
Nous sommes venus éliminer beaucoup de boursiers fictifs. Tous ces boursiers éliminés qui étaient plus ou moins frauduleux étaient liés à certaines personnes qui n’ont pas intérêt à ce qu’un système clair soit mis en place. Nous le faisons avec beaucoup de difficultés.
Mon personnel a fait six mois sans être payé mais ils venaient quand-même travailler 7jours sur 7 parce qu’on était conscient de l’urgence. C’est pourquoi dès le mois de mars on avait fini de travailler sur les documents. Tout ceci c’est pour que les étudiants soient payés au très vite. Mais quand on finit, il faut une validation. Je vous dis depuis mars, là, nous sommes en juin, si ce n’est pas fait, c’est parce que nous, on fait des papiers, on dit voilà ceux qui doivent être payés et on envoie dans d’autres services. Le problème, nous sommes la face ‘’immergée de l’iceberg’’, c’est nous qu’on voit. Nous ne sommes pas responsables de la situation qu’on a trouvée. Mais par devoir de réserve, nous ne pouvons pas venir et dire que c’est Paul ou Pierre qui a fait.
J’ai dit au contrôleur financier de passer au budget pour suivre un dossier qui avance au gré des travailleurs de là-bas. Nous on veut que le dossier avance je n’ai aucun intérêt à ce que les gens crient, insultent, je reçois des menaces du genre ‘’ on va vous tuer, tuer vos enfants’’, je n’ai aucun intérêt à encourager cela. Si c’est calme tout le monde va m’applaudir. Seulement on m’a confié un travail où les gens ne vont pas m’applaudir parce que je suis contre beaucoup d’intérêts.
Les étudiants savent les difficultés qui étaient-là quand on devait donner des gens qui se baladaient avec des sacs d’argent et revenaient avec le reste, ces gens ne vont plus. Les ambassades, les noms qui venaient, on disait, mettez tel nom ou tel autre, on met et on nous envoie, c’était des boursiers, on a mis fin à tout ça, c’est pourquoi les gens ne peuvent pas être content. Aujourd’hui, nous suivons l’audit, aucun document ne passe deux jours-ci sauf à des cas particuliers. Le système qu’on combat dans cette administration c’est pour que les anciennes pratiques ne reviennent plus. C’est tout le combat.
Qu’est-ce qu’on pourrait mettre à l’actif du SNABE depuis votre arrivée ?
Le service national des bourses extérieures a désormais une adresse bien connue. Avant notre arrivée, le service ne bénéficiait plus de crédit auprès de nos partenaires. Dans les ambassades on ne nous recevait même pas parce qu’avant nous partions pour demander des petites places, on est arrivée l’année dernière, mais on a demandé aucune place à qui que ce soit. On a réussi à ouvrir de nouvelles destinations de bourses, on a la Thaïlande, Roumanie, Burkina Faso, l’Inde, tous ces pays sont en train de se rajouter aux donateurs de bourses.
Mieux, avec l’appui de la présidence, on a fait un travail qui consiste à essayer une base de données claires, fiables pour finir définitivement avec ces problèmes de gestion. La première phase est finie. On a fait un travail de pré-enrôlement, les étudiants, à travers une application que nous avons lancée se sont enrôlés. La deuxième phase, ils vont finaliser ce pré-enrôlement parce que certains n’ont pas téléchargés certains dossiers qui manquent, ils vont finaliser. Nous irons par la suite faire la biométrie dans chaque pays où nous avons des étudiants.
Ça nous a permis quoi ? Ceux qui sont partis cette année ont été biométrisés, mais ça nous a permis de savoir que certains étudiants guinéens pour partir, font des faux diplômes, ils vont scanner les documents, se présentent et passent c’est comme ça ils partaient avec l’aide de quelqu’un (…). Nous avons détecté des faux diplômes au Bac, des faux diplômes parce que ceux-ci ne partent pas pour étudier mais pour un autre agenda. Cette biométrie continue, c’est un acquis.
Depuis 1987, la bourse guinéenne c’est de 50 dollars pour l’universitaire, 40 pur l’enseignement technique et 60 pour l’enseignement post-universitaire. Ce montant a été doublé par le président de la République. Cette augmentation a été obtenue grâce au travail que nous avons réalisé en arrivant au SNABE parce qu’on a sorti certains fictifs et cela nous a permis de dégager de l’argent. Si les réformes entreprises arrivent à terme, on va pouvoir faire doubler l’effectif des boursiers ou améliorer considérablement la situation des boursiers comme le souhaite le président.
Pourquoi les boursiers de 2022-2023 admis sous votre direction ne sont-ils pas pris en compte dans le paiement des compléments de bourses des 4 derniers mois de 2022 ?
Ils sont pris en compte mais je pense qu’ils n’ont pas compris. Les boursiers avant étaient payés par année civile. C’est-à-dire on paye 2021, ensuite 2022, puis 2023, 2024 (…) alors que l’année universitaire c’est de 2022/2023, 2023/2024… Alors ceux qui sont 2022-2023, c’est des boursiers qui sont partis en 2022 pour aller s’inscrire. Ils ont trouvé des étudiants qui sont là-bas qui avaient été déjà payés l’année civile 2022, ça avait été provisionné aux finances mais ce n’était juste pas arrivé là-bas. Les 4 derniers mois étaient déjà provisionnés. Les nouveaux qui partent, ils ne sont validés que lorsqu’ils ont pris le vol ici, sont partis s’inscrire là-bas. On a beaucoup de boursiers qui devaient partir mais qui n’ont jamais quitté la Guinée mais on les considérait et on envoyait l’argent alors qu’ils n’ont jamais quitté la Guinée. Donc c’est quand ils ont effectivement pris leur départ, sils ont arrivés et se sont inscrits qu’on les intègre à la liste des boursiers.
Cette liste n’est pas faite en même temps avec ceux qui étaient là-bas. Quand on les intègre à la liste des boursiers, on fait maintenant une décision d’attribution, ceux-ci sont ceux à qui on a attribué la bourse. Cette décision, c’est maintenant elle qui fait le tour pour être enregistrée au secrétariat général du gouvernement pour nous permettre de tirer les états de paie. Ça été fait mais sauf que quand ça s’est fait, les autres étaient déjà payés depuis l’année passée.
Nous on est dans le processus de paiement, dès qu’on dit il faut payer, on engage ces nouveaux états qui doivent faire le circuit (…). Ce n’est pas nous qui maitrisons ce programme. Tout le monde est payé au taux de la bourse rehaussée. L’ancienne bourse qu’on a payée, ceux qui étaient là-bas, leurs quatre derniers mois on n’a pas pris compte de ça parce que nous avons de l’argent dans les ambassades (argent des fictifs). Certains qui ont fini et sont rentrés, donc on a demandé de réaffecter cet argent. C’est là le problème. Beaucoup ont compris. Il y en a d’autres qui disent qu’ils n’ont pas d’argent mais dans tous les cas, tout est pris en compte.
Qu’en est-il de la liste de 800 et quelques étudiants dont on vous accuse de considérer comme boursiers effectifs au compte de l’état guinéen ?
Je vous explique. Quand le Maroc octroie des bourses, ils disent par exemple : on donne 180 bourses. C’est des bourses données pour trois ans, la licence. Quand nous les faisons partir, ils signent un engagement, ‘’ je vais sur cette bourse que le Maroc nous donne.’’ Quand cette bourse finit au bout de trois ans, le Maroc coupe la Bourse. La difficulté commence là. Qu’est-ce qu’ils font les Guinéens ? Quand ils partent pour une bourse de l’enseignement technique par exemple pour deux ans, ils finissent les deux ans, ils ne nous informent pas, nous, dans les documents ici, monsieur Sylla est parti pour 2 ans à Fès, au bout de ce temps il ne nous informe pas qu’il a fini, il part s’inscrire à Agadir pour 3ème année, on voit un nom, (monsieur Sylla sortir d’Agadir) mais on a 5 messieurs Sylla à Agadir, le 5ème là c’est qui ? On n’a aucune information.
Il continue, et comme ça fait 2 ans il venait chercher sa bourse, mais il vient la 3ème année, l’ambassade le connait et on dit, ‘’ vous avez omis monsieur Sylla’’. Avant, on dit monsieur Sylla, ils disent on le connait, ils écrivent et on envoie. Or ce monsieur Sylla n’est plus boursier, il a fini ses 2 ans, il doit faire une demande de prise en charge pour qu’on l’accompagne l’année d’après mais ils ne font pas ça, ils continuent à se considérer comme boursiers. Résultats, vous avez des gens d’inscription en inscription, le dernier qu’on a sorti il est boursier depuis 2009 en Russie, on a des gens qui sont boursiers depuis 25 ans en Egypte, comment voulez-vous que je défende cela ? C’est un problème que les étudiants ne disent pas.
Quand vous êtes boursiers, nous ce qu’on paie, on l’appelle complément de bourse. Tu as une bourse c’est calculé pour la compléter. Mais si vous partez et vous redoublez à plusieurs reprises alors qu’on estime que c’est vous les meilleurs, vous êtes là-bas pour étudier mais si vous abandonner cela pour faire autre chose, on coupe la bourse. Et quand coupe cette bourse, vous sentez la difficulté dans la vie. D’ailleurs, les étudiants et leurs parents signent, ‘’ il se peut que pour une raison ou pour une autre que la bourse arrive à retarder, vous engagez-vous à prendre en charge les enfants, Oui, c’est que tout le monde signe’’. ‘’ Vous partez pour trois ans, vous engagez-vous à revenir ? Ils signent OUI’’. Mais ça fait 15 ans la même personne est là-bas, et après c’est pour appeler après la presse et dénoncer.
L’autre problème, ce sont les doctorants. On dit que des gens partent pour le doctorat, on les abandonne, ce n’est pas vrai. Les doctorants qui crient, il y en a qu’on a envoyé effectivement pour le doctorat, d’autres sont partis pour un cycle de deux ans, ils ont fini mais font trois ans. Tout ça, on n’est pas informés, mais voulez-vous qu’on les paie ? Ce n’est pas obligatoire qu’on leur paie de l’argent. Certains partent pour un niveau, ils continuent pour d’autres alors que nous on n’est pas informés. C’est ce qu’on a arrêté. Désormais le Maroc, puisque 80% sont dans ce cas, ils doivent signer un document à l’ambassade pour que nous soyons informés. Tous ceux qui sont dans cette situation vont constituer leurs dossiers et qu’on nous les envoie.
A suivre
Siddy Koundara Diallo
Pour Africaguinee.com
Tel : (00224) 664 72 76 28
Créé le 25 juin 2023 05:24Nous vous proposons aussi
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