Mohamed Aly Thiam : « Nous voulons d’une Constitution neutre reflétant les aspirations du peuple… »
CONAKRY-Les regards sont désormais tournés vers le Conseil Constitutionnel (CNT) après le débat d’Orientation Constitutionnelle. Cette étape qui a été bouclée en début juin va déboucher sur l’élaboration de la nouvelle Constitution qui sera soumise au Référendum. Où en est-on dans ce processus ? Qu’est-ce qui doit figurer dans le prochain texte fondamental ? Les craintes d’une constitution « taillée sur mesure » sont-elles fondées ? Pour en parler, Africaguinee.com a été reçu par le président de la Commission Constitution, lois organiques, administration publique et organisation judiciaire de l’organe législatif de la transition. L’honorable conseiller Mohamed Aly Thiam parle sans détours. Interview exclusive.
AAFRICAGUINEE.COM : Après le débat d’orientation Constitutionnel, à quel niveau se situe la rédaction de la nouvelle Constitution ?
MOHAMED ALY THIAM : La rédaction de la Constitution est un processus. Le débat d’orientation constitutionnelle, le symposium sur le constitutionnalisme, tout comme d’autres rencontres étaient les éléments qui préparaient cela. Le débat d’Orientation Constitutionnelle a fait l’objet de plusieurs contributions. Aujourd’hui nous sommes à l’étude et la synthèse de ces différentes contributions. Il faut savoir pour telle et telle proposition quelle est la majorité dans un sens et la minorité dans l’autre. Nous ne ferons pas un dégagement des statistiques mais nous ferons en sorte que nous sachions quelles sont les orientations en fonction des différentes propositions qui ont été faites sur chaque élément devant être contenu dans la Constitution.
Est-ce qu’on peut connaitre néanmoins les éléments clefs qu’on pourrait retrouver dans cette Constitution ?
Je ne peux pas vous le dire maintenant puisque que nous n’avons pas fini cette synthèse. Mais les gens se sont prononcés sur la forme de l’Etat. Celle-ci est composée de différents éléments. Ils se sont prononcés sur l’exercice de la souveraineté en ce qui concerne le volet parlementaire, de l’exercice de cette souveraineté. Est-ce que nous aurons une formation parlementaire bicamérale ou monocamérale. On s’est prononcé dans un sens comme un dans un autre. Le président de la République quels vont être ses pouvoirs ? La durée de son mandat, il y a plusieurs propositions qui sont faites sur la durée, du caractère renouvelable ou non renouvelable du mandat.
Deuxièmement, les questions d’encadrement du pouvoir du chef de l’Etat parce qu’il y en qui pensent que le président a trop de pouvoir il faut réduire cela, il y en a qui pensent que le pouvoir, tel qu’il est, est bon, il y a une autre catégorie qui veut qu’il y ait augmentation ou un accroissement des compétences du chef du président de la République. Il y en a aussi qui sont pour l’existence ou non d’un vice-président. D’autres veulent qu’il y ait l’existence d’un président, vice-président et d’un premier ministre. Il y en a aussi qui veulent que le président et le premier ministre.
Donc, il y a un ensemble de propositions qui sont faites sur lesquelles nous devons voir dans quel sens se dégage la majorité des opinions. Nous sommes à ce niveau de synthèse avant d’écrire quoi que ce soit.
Quelles dispositions des constitutions précédentes sont susceptibles d’être reconduites ?
Ce serait vous dire que moi j’ai choisi, que nous avons choisi. Nous n’avons pas fini la synthèse, quand nous aurons fini, nous pourrons dire quels sont les éléments des constitutions précédentes qui vont être reconduits. Mais ce qui est certain, il y a des questions sur lesquelles il y a déjà une unanimité : la forme de l’Etat guinéen sera la République, une République Unitaire, indivisible. Il y a quelque fois des gens qui veulent remettre en cause la question de la laïcité. Je peux, à ce stade dire que cette opinion est très minoritaire. La laïcité demeure. Les éléments sur la souveraineté, l’hymne, le drapeau vont demeurer. Mais il y a d’autres questions qui sont revenues à savoir : élever certaines langues nationales au rang de moins si elles ne sont pas langues officielles qu’elles soient au moins langues de travail avec des propositions de mécanismes qui pourraient les faire des langues de travail. Est-ce que nous disposons de ces éléments, on verra dans les études que nous sommes en train de faire, la faisabilité des propositions comme celles-là.
Il y en a qui disent qu’il faut supprimer certaines institutions tout en les nommant. D’autres disent non, il y en a qui veulent, qu’au lieu seulement de les maintenir, mais de renforcer leurs compétences. Donc, il y a différentes questions sur lesquelles nous sommes en train de faire l’état des lieux avant de procéder véritablement à l’écriture de la constitution. Parce que nous avons promis d’écouter les populations, les forces vives de la nation en tout cas celles qui sont disposées à venir contribuer au débat d’orientation constitutionnelle. Puisque nous les avons écoutées, nous devons nous assurer que nous les avons bien écoutées en essayant de faire la part des choses.
Parlant des forces vives, il y a tout de même une frange importante de celle-ci qui a boudé les débats. Est-ce que par d’autres canaux, vous avez reçu leurs propositions dans ce sens ?
Non. Des entités qui se sont abstenues ne se sont manifestées en aucune sorte. Elles se sont abstenues c’est ce que nous savons. Nous n’avons pas forcé parce que notre limite c’était de les inviter à venir participer aux débats soient directement ou indirectement. En aucune des deux façons elles ne sont prononcées.
Mais nous nous continuons à écouter, à tendre la main pour que tout le monde participe à ce débat parce qu’il est dans l’intérêt de tout le monde que les textes qui vont être écrits soient l’objet d’une totale adhésion des populations guinéennes. Nous avons besoin d’une Constitution, nous avons besoin de mettre fin à la transition, le plutôt serait le mieux. Donc, c’est pour cela qu’il est utile que tout le monde contribue à la conception et à l’écriture de cette Constitution, mais nous ne pouvons malheureusement imposer ou forcer qui que ce soit à venir assister à ce débat.
Certains acteurs au sein de ces entités absentes de ces débats prédisent déjà une Constitution taillée sur mesure. Qu’en dites-vous ?
Taillée à la mesure de qui ? C’est la question qu’il faut se poser parce que ceux qui sont au pouvoir actuellement ont dit qu’ils ne sont pas partie prenante aux élections. Donc sur qui on va mesurer cette Constitution parce que pour tailler sur mesure il faut qu’il y ait à quelqu’un qui à partir duquel on va prendre la mesure. Sur qui on va prendre les mesures personne ne s’est pour le moment déclaré. Ceux qui sont-là ne vont pas se présenter, donc nous allons faire une Constitution qui ne sera mesurée à personne. C’est si quelqu’un s’était déclaré candidat ou avait de telles prétentions là on peut le dire. Mais aujourd’hui ce que nous voulons c’est une Constitution absolument neutre qui ne doit refléter que les préoccupations et les aspirations du peuple de Guinée.
C’est difficile de faire une Constitution à la mesure de quelqu’un qui n’existe pas. En 2010 on a fait une Constitution ce n’était sur la mesure de personne. Malheureusement ce qu’on a critiqué à l’époque, ce n’était pas pour dire qu’elle était taillée sur mesure, mais qu’elle n’a pas été adoptée par voie référendaire. Cette fois-ci nous disons qu’elle sera adoptée par voie référendaire mais précédemment à cette adoption référendaire, il faut que le peuple s’exprime, on écoute. Ceux qui ne sont pas venus sont des représentants d’une frange de la population mais ne sont pas des représentants de toute la population. Est-ce que parce qu’une frange n’est pas venue nous allons dire d’attendre et pendant qu’on attendra, c’est la transition qu’on est en train de proroger. Est-ce que l’on va contribuer à la prorogation de la transition ? Ce qui veut dire qu’il est déjà nécessaire qu’on sorte de cette transition même si c’est pour tailler à la mesure de quelqu’un mais il faut qu’on sorte de cette transition. Donc qu’est-ce qu’il faut ? Est-ce que ne vaut-il pas mieux que tout le monde contribue à l’élaboration d’une Constitution qui ne soit à la mesure de personne ou faut-il attendre parce que quelqu’un soupçonne que ça va être taillé à la mesure de quelqu’un qui n’existe pas ? C’est ça la question. Mais celui qui dit que c’est taillé à la mesure de quelqu’un, il faudrait qu’il dise : de qui ?
L’autre crainte pour certains, c’est que la Constitution puisse exclure des potentiels candidats aux élections. Les comprenez-vous ?
Ça c’est une chose. Maintenant il s’agit de savoir quels sont les éléments d’empêchement, les ont-ils cités ? Pour dire que tel ou tel autre ne participerait pas. Parce que quand on exprime une crainte, on doit dire sur quoi porte la crainte. Qu’est-ce qui va empêcher un candidat, un individu X ou Y à ne pas pouvoir se présenter ?
A Suivre…
Siddy Koundara Diallo
Pour Africaguinee.com
Tel : (00224) 664 72 76 28
Créé le 20 juin 2023 10:59Nous vous proposons aussi
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