Pourquoi la médiation des religieux coince ? Bah Oury révèle les dessous…

Bah Oury, leader de l'UDRG

CONAKRY-Deux mois après le démarrage de la médiation des leaders religieux entre le Gouvernement et les forces vives, aucun consensus n’a encore été trouvé. Pourquoi ce blocage ? Dans une interview accordée à Africaguinee.com, Bah Oury a révélé les dessous de cette crispation. D’autres sujets de l’actualité brûlante du moment ont également ponctué cet entretien avec le leader de l’UDRG. Entretien exclusif!


 

AFRICAGUINEE.COM : Depuis pratiquement deux mois les leaders religieux ont entamé une médiation entre le gouvernement et les forces vives. A l’évidence, on constate qu’il y a un blocus. Comment analysez-vous cette situation ?

BAH OURY : Je pense que l’objet de la négociation proprement dit tourne autour des questions judiciaires liées aux activités de la CRIEF. En toute logique, ces genres de discussions ne devraient pas être dans un Etat de droit. Comme vous le savez, il y a le principe de la séparation des pouvoirs. Il y a également une certaine redevabilité des dirigeants lorsqu’ils sont inquiétés ou lorsqu’on leur demande de rendre des comptes de leur gestion antérieure. C’est tout à fait inhabituel que de prétendants à la gestion du pays et qui avaient exercé des responsabilités antérieures, s’obstinent à mettre de côté la question judiciaire en ce qui concerne, le fait de rendre compte de leurs gestions.

D’habitude, chaque homme politique s’empresse de dire qu’il est prêt à se soumettre à la justice pour se blanchir ou pour justifier de son honorabilité. Mais la Guinée a certaines de ces pratiques qui sont tout à fait singulières. La seule façon de gérer ces genres de problèmes, en règle générale, on attend que la justice fasse son travail d’abord. Par la suite, les dirigeants au niveau de l’Etat ayant des pouvoirs discrétionnaires usent de ces pouvoirs qui leur sont conférés pour gérer des situations complexes pour aller dans le sens de l’apaisement ou de la recherche d’un compromis pour faire passer le pays dans un cap relativement difficile. Mais très souvent c’est après l’action judiciaire. Ce n’est pas avant. D’où les difficultés actuelles que ces négociations sont en train se heurter.

Le ministre de la Justice Charles Wright ne passe pas par quatre chemins. Il a récemment dénoncé la démarche entreprise par la Primature consistant à convoquer des magistrats pour leur demander de diligenter les procédures. Est-ce que cela ne traduit pas une division au sein de l’exécutif ?

Je ne pense pas que ce soit une division. Je pense qu’il est bon, dans le cadre de nos principes républicains et dans le cadre du renforcement des fondamentaux de l’Etat de droit, que le pouvoir politique évite de se mêler de manière directe de l’action judiciaire. L’une des fautes graves que nous avons connue durant plusieurs décennies, c’est une instrumentalisation politicienne de la justice. Et cela a coûté excessivement cher à la Guinée. Et vous vous souvenez, même avec le régime de monsieur Alpha Condé, les magistrats ont reconnu publiquement qu’ils étaient sous le joug du pouvoir politique. C’est l’une des raisons de la faillite du régime précédent. Dans le contexte actuel, je pense que le ministre de la justice est dans son droit de rappeler des principes qu’aucun dirigeant politique ne devrait tergiverser avec. Donc, c’est une bonne chose qu’en Guinée, une autorité ministérielle malgré les relations hiérarchiques différentes entre eux au sein du gouvernement, puisse rappeler des principes que chacun d’entre nous devrait respecter.

Sur le volet judiciaire, cela ça fait pratiquement un an depuis que certains hauts dirigeants du FNDC (Foniké Menguè, Ibrahima Diallo, Billo Bah) sont incarcérés sans aucune perspective de procès. Faudrait-il continuer à les garder en prison sans broncher mot ?

Là, je pense que sans avoir l’air de s’immiscer dans les procédures judiciaires, il y a un principe tout à fait républicain, qui consiste à ne pas faire trainer les actions judiciaires. Il faut que la justice se fasse avec célérité sans pour autant être expéditive. Et je pense que dans le contexte actuel, il serait utile par rapport à ces questions, que la justice fasse son œuvre le plus rapidement possible. Mais il faut reconnaitre également qu’il y a des gens qui croupissent en prison depuis des années, et personne ne s’inquiète de leurs sorts. C’est parfois des gens qui font des années sans que jugement ne soit fait. Donc, le principe républicain souhaiterait que tout citoyen puisse avoir droit à une justice juste, sereine, efficace et qui se fasse dans les délais. C’est valable également pour Foniké Menguè, Ibrahima Diallo et pour tous les autres.

Nous sommes au quatrième mois depuis que le compte à rebours de la transition a commencé.  Comment évaluez-vous le processus par rapport à la mise en œuvre des dix points du chronogramme ?

La question la plus essentielle qui est préjudicielle est celle de savoir : où est-ce que nous en sommes par rapport à la dynamique permettant l’obtention du fichier électoral ? Comme vous le savez, l’obtention du fichier électoral s’appuie sur le recensement administratif à vocation d’état civil. Et c’est sur cette base que le fichier électoral va être extrait et puis travaillé. Donc, c’est ça le vrai nœud de la question. Je pense que le ministre de l’administration du territoire devra faire le point, j’espère bien, dans les prochaines semaines pour nous situer sur l’état d’avancement du plan national relatif au recensement administratif à vocation d’état civil.  C’est extrêmement urgent, c’est extrêmement important. Et nous tous, avons besoin d’informations. Je pense qu’après la fête du ramadan, ce sera une question qui sera certainement à l’ordre du jour.

Quid de l’élaboration de la nouvelle constitution ?

Je vais être clair et direct. Les questions relatives aux travaux du CNT, en principe, ne souffrent pas d’un retard. Mais ce qui est essentiel, quel que soit ce que vous pourrez faire dans les avancées de la rédaction du projet constitutionnel et dans d’autres aspects, tant que le fichier électoral n’est pas établi, vous ne pourrez pas organiser un référendum constitutionnel. C’est pour vous dire que de ce point de vue nous avons besoin d’accélérer les travaux concernant le recensement administratif à vocation d’état civil, afin d’avoir le fichier. Parce que c’est cela le préalable essentiel qui conditionnera tous les autres aspects de la feuille de route de la transition.

Paul Kagamé a bouclé la semaine dernière une visite éclair en Guinée. La junte annonce qu’elle veut s’inspirer du modèle rwandais pour mettre en œuvre certains chantiers de la refondation. Quelle est votre lecture ?

Le Rwanda est un pays qui est présenté comme un modèle en ce qui concerne la capacité de résilience de sa population et cette vision pragmatique qui leur a permis de sortir d’un désastre qu’on ne peut pas qualifier du jour au lendemain. A l’espace de trois mois, que vous perdiez des millions de citoyens exterminés, et qu’au bout de 20 ans après, ce pays puisse se redresser, puisse se reconstruire et puisse être un havre de stabilité en interne, ça c’est une prouesse et une attitude pragmatique qui fait la fierté du continent tout entier.

De ce point de vue, nous aussi guinéens, avons besoin après plusieurs décennies d’errance, de difficultés, de mauvaise gouvernance, de faire une rupture pour s’engager désormais dans une vision beaucoup plus vertueuse, efficace, pragmatique pour résoudre des problèmes et non pas pour en créer. Le Rwanda, de ce point de vue est un modèle. Dans des domaines les plus variés, notamment : la technologie, l’enseignement, l’esprit civique, l’implication de la femme dans les gestions des affaires publiques-, le Rwanda a un leadership qui est reconnu sur le plan international et même sur le plan mondial.

Certains estiment toutefois que la junte en froid avec la Cedeao est à la quête d’un parrain…

C’est une mauvaise lecture. C’est la Guinée qui intéresse d’autres pays, qui voient que dans les années à venir, est un pays avec lequel il faut compter. Ce n’est pas les autorités guinéennes qui cherchent à avoir des parrains extérieurs à l’espace CEDEAO. Pour des aspects géostratégiques et géopolitiques, la Guinée est un pays qui compte dans le monde. Il faut que nous guinéens, sachions que même si on a l’impression que notre pays est insignifiant, en réalité, c’est un pays qui pèse, c’est un pays qui compte et c’est un pays qui dans les années à venir, je l’espère bien, sera parmi ceux qui vont compter dans maints domaines. C’est ça la vraie lecture.

D’autres lectures, vous savez, aujourd’hui, le Rwanda cherche briser l’étau du fait de son conflit latent avec les dirigeants de la RDC. Donc il y a une guéguerre, une lutte d’influence. Le président rwandais cherche à élargir son champ d’influence, son champ de contact pour ne pas être confiné en Afrique central et des Grands Lacs, qui pourrait être un peu étriqué au regard des conflits, des tensions et de la géopolitique locale. C’est la lecture que je privilégie.

Dansa Camara

Pour Africaguinee.com

Créé le 24 avril 2023 11:42

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