Conakry : Immersion dans l’enfer des riverains du dépotoir de Dar-Es-Salam…

CONAKRY-La décharge de Dar es Salam est l’unique dépotoir de Conakry, une agglomération dont la population estimée à trois millions d’habitant. Les riverains de cette décharge aujourd’hui saturée, vivent un véritable « enfer ». Dans ce reportage, ils tirent la sonnette d’alarme.

Nous sommes jeudi 13 avril 2023. Une épaisse fumée se dégage de la décharge, qui, vu de loin ressemble à une montagne. Mais ne vous n’y trompez pas. C’est l’accumulation des ordures au fil des années qui a formé cette montagne artificielle.

Depuis les années « 90 », c’est à cet endroit où toutes les ordures produites dans la capitale sont déversées. De nos jours, son emplacement cause un énorme problème de santé publique. Les riverains, exposés à cette pollution, suffoquent au quotidien.

Pour Ibrahima Sory Camara, la situation est devenue insupportable depuis les casses de 2019, année à laquelle, un éboulement de cette montagne d’ordure avait fait au moins neuf morts.

« C‘est après la démolition des habitations que la situation s’est compliquée davantage. Toute cette zone était habitée, il y avait des maisons. C’est sous le régime d’Alpha Condé que nous avons connu le véritable calvaire. Après la démolition des habitations, nous avons commencé une vie d’enfer… Je demande aux autorités de faire face à cette situation. Nous souffrons ici toutes les saisons », se plaint cet habitant.

Les personnes âgées et les enfants sont les principales victimes de cette fumée selon les témoignages. Il ne se passe pas deux semaines dans une famille sans envoyer quelqu’un à l’hôpital pour des soins. Les maladies respiratoires et pulmonaires sont leur quotidien.

C’est le cas de cette octogénaire que nous avons rencontré à quelques mètres de la décharge. Elle reconnaît l’effort de ses enfants qui malgré la conjoncture, l’amène deux fois à l’hôpital dans le mois à cause de la fumée.

« La première fois que je suis allée à l’hôpital pour des consultations, les médecins m’avaient demandé d’arrêter de fumer la cigarette. Ils ne savaient pas je ne fume pas, mais ils ont vu l’effet de cette fumée qui se dégage de la décharge dans mes poumons. Aidez-nous à sortir de cette souffrance. L’air que nous respirons est pollué.

Là où je suis comme ça je respire difficilement. Quand tu tousses, c’est seulement des crachats noircies que tu dégages. Nous demandons au Président de la République de penser à notre sort surtout nous les personnes âgées. Si rien n’est fait nous allons mourir à petit feu », prévient Kaba Camara.

Dans cette famille, les enfants vivent dans la même situation, comme l’explique M’Mah Youla Camara, leur mère.

« Nous souffrons ici énormément. La nuit nous ne dormons pas et parfois tu es obligée de faire rentrer les enfants dans la chambre et les enfermer pour les protéger contre la fumée. Tous les enfants que nous avons souffrent de la même maladie, même hier j’étais à l’hôpital avec mon dernier fils.

Moi personnellement, le médecin m’a demandé d’arrêter la cigarette. Je l’ai dit que je ne fume pas mais plutôt nous souffrons des conséquences de la décharge. Actuellement l’argent que nous dépensons pour les soins est plus que la nourriture. On se demande comment seront nos enfants à la longue avec cette fumée ? » s’interroge cette mère de famille.

Sur le terrain, les populations en ont ras-le-bol. Les frustrations sont latentes. Lansana Sylla, responsable de la jeunesse du quartier Dar-Es-Salam est l’un des médiateurs entre les autorités et la population locale. Il invite les autorités guinéennes à faire face à cette situation car la patience a des limites.

« A tout moment nous invitons la jeunesse à la retenue. Parce que nous avons écrit à la Mairie et au gouvernorat mais, il n’y a pas eu de suite favorable. A chaque fois quand il y a des soulèvements nous les sensibilisons mais finalement les gens nous qualifient de menteur. Je souhaite que ce problème soit résolu avant la fin de la transition », a-t-il déclaré.