Viols, enlèvements, séquestrations : « L’année 2022 a été catastrophique… », révèle la Directrice de l’OPROGEM

Commissaire Marie Gomez, Directrice de l'OPROGEM

CONAKRY-En Guinée, les violences basées sur le genre sont légion. Chaque année, on a l’impression que le phénomène empire. Viols, séquestrations, enlèvements, abandon, exploitation…la liste des infractions est longue. L'Office de protection genre et des mœurs (OPROGEM) est au cœur de la lutte contre ces actes horribles et répréhensibles. Pour parler de ce fléau qui continue de prendre de l’ampleur, votre quotidien en ligne, Africaguinee.com est allé à la rencontre de la Commissaire Marie Gomez.  


Tenez, courant l'année 2022 qui s’achève, l'Office de protection genre et des mœurs (OPROGEM) a enregistré 266 cas de viols. Les victimes de ces abus sexuels sont souvent des mineurs. Dans cet entretien, la Directrice générale de l'Office de protection genre et des mœurs (OPROGEM), a livré des chiffres qui donnent « froid dans le dos ». Interview exclusive.

AFRICAGUINEE.COM : Les violences basées sur le genre et autres cas d’abus sexuels sont légion en Guinée. Quelles sont les statistiques enregistrées par votre office pour l'année 2022 qui s'achève ?

COMMISSAIRE MARIE GOMEZ : L'année 2022 a été une année catastrophique. Du 1er janvier au 30 novembre 2022, nous avons enregistré beaucoup d'infractions liées aux violences basées sur le genre. Ce sont des chiffres qui font froid au dos. Les chiffres enregistrés par l'OPROGEM sur toute l'étendue du territoire national, sont entre autres :

Viols : 266 cas;

Enlèvements d'enfants : 91 cas;

Abandons d'enfants : 167 cas;

Séquestrations : 36 cas;

Coups et blessures volontaires:220 cas;

Abandons de famille : 230 cas;

Ces différentes infractions sont réprimées de notre côté. Cette année, nous avons enregistré pas mal de cas de traite des personnes. Nous avons interpellé 181 personnes à Gomboya, dans la préfecture de Coyah dans ce cadre, le 19 mai 2022. Il y a eu également 127 mises à disposition des familles pour fautes de preuves suffisantes; 53 déférées ; 5 condamnées à 3 mois de prison ferme et une amande de 10 millions Gnf; 20 condamnées à 6 mois de prison avec sursis, et une amande de 1 à 3 millions chacune, etc. Il y a d'autres infractions aussi que nous avons répertoriées, comme le mariage forcé ou précoce, la pédophilie, l'inceste…

Est-ce que l'année qui s'achève est la plus cauchemardesque pour les victimes des VBG ?

Chaque année qui passe, le nombre ne fait que s'élever. Je ne dirai pas qu'il y a trop de cas, mais c'est parce qu'il y a plutôt le tabou qui est en d’être levé. Les gens dénoncent. Ce n'est plus un sujet tabou pour les uns et les autres. Les gens ont le courage pour venir vers nous pour dénoncer.

Et j'avoue que ces chiffres que je viens de donner, sont seulement pour l'OPROGEM, sans compter les différents totaux des différents commissariats centraux des 33 préfectures et les huit régions administratives et sans oublier la zone spéciale de Conakry, la gendarmerie, la médecine légale…, qui font le même travail que nous, et qui ont leurs statistiques aussi.

Le chef de l'État est préoccupé par tous nos problèmes, à travers le ministre de la sécurité et de la protection civile. Lorsque nous sommes confrontés à un cas et que nous mettons cette information auprès de notre ministre, immédiatement il se met à la tâche, pour que la solution soit trouvée. 

Parmi les types de VBG, quel est le plus fréquent ?

Ce sont les agressions sexuelles. Et la quasi-totalité de ces actes sont commis sur les mineures.

Avez-vous rencontré des difficultés, notamment en terme de moyens techniques et financiers pour faire face aux besoins sur le terrain ?

Non. Nous n'avons pas eu de difficultés, grâce à l'appui de l'État à travers des formations, on s'en sort. Cette année, nous avons reçu l'interpool, (Organisation internationale de la police criminelle), à travers le bureau régional à Abidjan. Des experts ont quitté la France et la Côte d'Ivoire, pour venir offrir la formation dans le cas de la traite des personnes et des pratiques assimilées dont nos sœurs et nos enfants sont victimes actuellement.

Après cette formation, il y a eu une opération qui a été réalisée au niveau des frontières terrestres. Nous avons déployé des gens à Pamelap, Kourémalé et à l'aéroport international de Conakry. Nous avons procédé à l'interpellation de 41 jeunes filles qui étaient en partance pour les pays du Golfe. A travers Expertise France, ces filles (victimes), ont été prises en charge. Leur réinsertion a été assurée.

Il y a certaines ONG aussi qui nous ont aidé, comme la COFFEL, le MDT, le Club des jeunes filles leaders de Guinée…Pour nous rendre encore plus efficace sur le terrain, le président de la transition, à travers le ministre de la sécurité et de la protection civile, nous a offert 41 motos, pour les 33 préfectures de la Guinée et les 7 régions administratives. C'est pour vous dire combien de fois la volonté politique y est. Elle ne fait pas défaut.

Quelles sont les perspectives en vue pour enrayer les violences basées sur le genre pour l'année 2023?

Nous comptons faire une tournée dans toutes les universités et les lycées du pays, pour pouvoir communiquer. Parce qu'il faut passer par la sensibilisation. Bien-sûr nous faisons la répression, mais dans notre plan d'action 2023, le ministre a déjà mis un accent particulier sur la sensibilisation, pour que nous fassions cette tournée afin d'expliquer à ces futurs cadres de demain, ce sur quoi ils peuvent être confrontés ou victimes. Leur expliquer aussi toutes les différentes infractions liées aux VBG. Il faudrait qu'on passe à la vitesse supérieure, pour prendre des dispositions et communiquer sur les genres infractions qui peuvent leur arriver.

Entretien réalisé par Dansa Camara DC

Pour Africaguinee.com

Créé le 30 décembre 2022 13:00

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