Dadis face au juge Tounkara : « A part Toumba et Thigboro, je ne connais pas les militaires qui se sont rendus au stade… »

Moussa Dadis Camara à la barre du tribunal criminel de Dixinn

CONAKRY-Le procès des auteurs présumés du massacre du 28 septembre 2009 se poursuit. Après sa longue déposition hier (lundi 12 décembre 2022), le capitaine Moussa Dadis Camara a fait face aux questions du juge Ibrahima Sory 2 Tounkara, ce mardi 13 décembre 2022. Extrait.


IBRAHIMA SORY 2 TOUNKARA : Quelle était votre fonction à la date du 28 septembre 2009 ?

MOUSSA DADIS CAMARA : J’étais l’époque le Chef de l’Etat, président de la transition., Commandant en chef des forces armées, premier magistrat. Ce sont des titres honorifiques mais ma fonction réelle, j’étais chef de l’Etat et président de la transition.

Quelles étaient vos attributions ?

J’étais Chef de l’Etat, j’avais un gouvernement dirigé par un premier ministre. Je cordonnais toutes les activités de l’Etat et toutes celles des ministres.

Monsieur Camara, est-ce que vous avez été tenu au courant du meeting ou des manifestations organisées par les forces vives à la date du 28 septembre 2009 ?

Oui monsieur le président.

A quel moment ?

J’étais informé bien avant mon départ du 26 à Labé. Comme tous les leaders politiques sont passés me voir à l’époque, ils ont jugé nécessaire de manifester. Pendant ce temps, j’ai reçu des informations selon lesquelles la date du 28 septembre était prévue pour la manifestation.

Qu’est-ce que vous avez fait lorsque vous avez appris cela ?

Quand j’ai appris la manifestation je ne m’y étais pas opposé. Simplement c’était par rapport à la date, que je me suis opposé. Ce n’était pas normal compte-tenu de notre histoire. Comme je l’ai dit, la manifestation pouvait être reporté. C’est ce que j’avais d’ailleurs souhaité en faisant intervenir les leaders religieux à l’époque Monseigneur Vincent Coulibaly, le grand imam de Conakry et les responsables des quatre coordinations régionales, pour essayer d’intercéder afin que la manifestation soit reportée à une autre date.  Mon objectif était de faire la date du 28 septembre, une date historique et que les nouvelles générations ne puissent pas penser que c’est seulement le 02 octobre qui est importante pour notre pays.

Est-ce que vous avez réussi à le faire ?

 Je n’ai pas réussi à le faire très malheureusement

Vous n’avez pas réussi et vous avez appris que la manifestation a eu lieu ?

Quand je partais au Fouta, il y a eu un communiqué qui était diffusé et  qui disait que la date du 28 septembre était un évènement historique.

A quel moment vous avez appris qu’il y a eu la manifestation ?

Quand je suis revenu du Fouta, je suis rentré très tard, aux environs 00h-1 heure, j’étais fatigué physiquement et moralement. De passage, j’ai même vu les leaders religieux au salon, mais je ne pouvais pas tenir, je les ai laissés et j’ai dit que j’allais les appeler au téléphone, chacun.

Je fus informé que la manifestation allait avoir lieu à 1 heure du matin au momentoù j’étais en train de dormir.

Qu’est-ce que vous avez fait en ce moment ?

Immédiatement j’ai cherché à joindre un des leaders. La première personne qui m’est arrivée à l’idée c’était monsieur Sidya Touré, je l’ai appelé on a commencé à communiquer, pendant nos conversations monsieur Sidya Touré nous a dit que ce n’était pas la peine et qu’il ne pouvait plus maintenant joindre les autres pour que la manifestation soit reportée. Entretemps il y a eu défectuosité du réseau, et comme j’ai vu que ce qu’il a dit était logique je me suis couché et repris mon sommeil.

A quelle heure vous vous êtes réveillé ?

C’est aux environs de 10 heures, dans la matinée.

A quel moment vous-a-ton informé que la manifestation était en train de se tenir ?

Il y a eu deux phases : la première c’est quand je suis revenu de Labé et je suis rentré dans ma chambre pour me coucher. C’est en ce moment j’ai échangé au téléphone avec monsieur Sidya Touré qui m’a dit qu’à cette heure, il ne pouvait plus joindre les autres. La phase deux, c’est quand aux environs de de 10 heures on m’a réveillé pour dire qu’effectivement la manifestation a eu lieu.

Qui vous a réveillé ?

C’est mon officier d’opération feu Joseph Makambo Loua.

Qu’est-ce qu’il vous a dit ?

Quand il m’a réveillé, il m’a dit : monsieur le président, il y a la manifestation, ça ne va pas. Quand il l’a dit, en ce moment-là, aussitôt, je suis sorti, moi-même je voulais m’y rendre au stade pensant que cette population avait de la sympathie pour moi. C’est dans cette situation que les militaires qui était au tour de moi y compris monsieur Aboubacar Toumba, quand il m’a vu sortir pour dire que je vais aller à la rencontre des leaders, c’est là où les militaires sont venus me dire : Non monsieur le président, il ne faut pas y aller. Toumba qui est mon aide de camp, m’en a dissuadé. Ils ne m’ont pas laissé monter dans le véhicule, ils m’ont ramené au salon.   

Qu’est-ce que vous avez fait pour empêcher ce qui s’est passé au stade ?

Monsieur le président, j’étais surpris par la manifestation. Car après mon voyage à Labé, j’avais déjà attiré l’attention des leaders religieux. Pour moi tout est OK. Alors à cette heure, on me dit que les gens vont marcher, le premier devoir, c’était d’avoir l’un des leaders charismatiques qui était Sidya. En ce moment-là, je ne pouvais prendre aucune autre disposition pour enfreindre à la liberté. Quelle autre disposition aurais-je pu prendre du moment où M. Sidya a dit qu’ils ne peuvent pas reporter la manifestation ?

Monsieur Camara, est-ce que vous savez ceux qui se sont rendus au stade ?

Comme je l’ai dit, on m’a empêché d’aller au stade, monsieur Toumba qui était mon aide de camp, mon homme de confiance a contribué afin que je ne me rende pas au stade. Je suis donc revenu au bureau. Mais à mon fort étonnement, on vient me dire que monsieur Toumba est au stade. C’est la seule personne, on ne m’a pas dit que tel ou tel autre est au stade.

Monsieur Camara, en votre qualité de chef de l’Etat, président de la transition, commandant en chef des forces armées, premier magistrat à l’époque, vous n’a pas pu connaitre les noms de quelques personnes qui se sont rendus au stade pour commettre ces exactions ?

Monsieur le président, vous avez parlé d’agents cadres restreints par rapport à mon mouvement vers mon véhicule de commandement, c’est dans ce contexte (…) .

Alors, monsieur le président, comme je ne veux pas faire de commentaire, c’est pourquoi je me suis limité à Toumba par rapport à ma position. Entretemps, j’ai appris que le colonel Tiégboro était au stade et lequel d’ailleurs, après conversation avec les leaders, on a échangé pour dire qu’il était parti pour les sensibiliser.

Ce sont les deux noms seulement que vous connaissez ?

Les deux-là seulement que je connais, monsieur le président.

Est-ce que vous avez appris que ce sont des bérets rouges de la garde présidentielle qui se sont rendus au stade ?

A ce niveau, lorsque j’ai vu le massacre, après tout c’est en moment que la presse, tout le monde disait que les bérets rouges du président Moussa Dadis, à leur tête son aide de camps, Toumba Diakité sont allés au stade. Ce qui était vraiment courant. 

Vous n’avez pas cherché à savoir qui étaient ces bérets rouges ?

Du moment que le commandant Toumba Diakité s’est rendu là-bas sans mon ordre, sans mes instructions, je me suis dit qu’il ne peut pas se rendre sans quelques éléments de l’unité. Donc, quand cela se passait, mon idée est partie des éléments qui composaient le régiment qui étaient avec Toumba. 

A suivre…

 Siddy Koundara Diallo

Pour Africaguinee.com

Tel : (00224) 664 72 76 28

Créé le 13 décembre 2022 16:21

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