Ousmane Gaoual Diallo parle : « Personne ne pourra me dire à l’Ufdg qu’au temps d’Alpha Condé… »

Ousmane Gaoual Diallo, porte-parole du gouvernement de transition

CONAKRY-Comment comprendre l’enlisement de la crise guinéenne ? Que fait le Gouvernement pour la désamorcer ? L’exécutif guinéen est-il prêt à faire des concessions ? Certains cadres de l’UFDG ont-ils raison de « regretter » Alpha Condé qui selon eux était ouvert au dialogue bien qu’il ne respectait pas les accords ? Ousmane Gaoual Diallo, porte-parole du Gouvernement de transition, a répondu aux questions de votre quotidien en ligne « Africaguinee.com ». Interview.


AFRICAGUINEE.COM : Le dialogue réclamé à cor et à cri par les acteurs impliqués dans le processus de la transition peine à démarrer véritablement. Selon vous, où se situe le problème ?

OUSMANE GAOUAL DIALLO : Non il y a un échange. Il y a quelques partis politiques, -certes importants par leur taille-, qui ont décidé de ne pas s'associer au processus.  Mais cela ne veut pas dire que le processus n'existe pas. Le cadre de concertation, l'espace de dialogue est là. Le Gouvernement, tous les jours, rappelle que la place est là et qu'ils peuvent venir quand ils veulent. Ceux qui viennent s'associent au dialogue, les échanges se passent et ça permet au processus de se dérouler normalement. Ceux qui ont choisi d'autres voies, en refusant venir, c'est tout à fait leur liberté. Nous continuons quand-même à les exhorter de venir autour de la table pour trouver des réponses aux préoccupations qui sont sur la table. Mais aller au dialogue, ça suppose avoir l'humilité, ça suppose avoir la volonté de consensus, d'accepter une synthèse. Lorsque vous allez au dialogue en disant ce sont mes idées, mes exigences ou il n'y a pas de dialogue, c’est pour compliquer la tâche. Quand on va au dialogue, on doit accepter que nos profondes vérités auxquelles nous croyons, qu'on soit capable de les céder au profit des vérités auxquelles son interlocuteur croit aussi pour arriver à un équilibre. C'est pour cela que je parle d'humilité. C'est très important.

Malheureusement aujourd'hui, certains vont se dire, qu’ils ne viennent pas, si tels partis ou organisations de la société civile est là. Ce n'est pas la démarche du CNRD, ce n'est pas la démarche du Gouvernement. Le Gouvernement a dit dès le départ, qu’il veut un dialogue inclusif qui invite tous les Guinéens autour de la table. Effectivement, quand on se retrouve dans une salle avec tous les partis politiques, il y en a presque 200, avec toutes les organisations de la société civile, on se retrouve avec une assemblée très grande.  Mais cette assemblée-là peut décider d'organiser le dialogue par thématique, par groupe au point de mettre en place une équipe qui peut aider à une synthèse. La méthode peut être retrouvée dans cette assemblée-là. D'autres pays ont fait l'expérience des conférences nationales qui ont regroupé des centaines de personnes, qui ont duré des mois. Ils se sont parlés, ils sont arrivés à une synthèse qui a permis de réorienter leur pays. C'est à ça que les Guinéens aspirent.

Mais ici, lorsqu'il a été question de dialogue, on a dit non c'est une concertation et non le dialogue. L'un et l'autre cas, -en dehors de la sémantique-, permet de changer, d'écouter les préoccupations. Rien ne vaut que de venir autour de la table, écouter les membres du Gouvernement, leur dire : voilà ce que vous nous avez proposé, ça ne nous convient pas, pour nous, nous voulons ajouter ça en plus pour tenir compte du dialogue. Mais si on dit voilà ma condition, si elle n'est pas respectée je ne viendrai pas, c’est compliqué. Le Gouvernement est disposé au dialogue, le gouvernement garde encore la place et continue de tendre la main au dialogue. On a fait des consensus dans ce cadre-là et c'est tout à fait la responsabilité du Gouvernement de faire des consensus, mais il faut qu'en face qu'il ait des interlocuteurs qui sont prêts à aller au dialogue, et non pas faire l'incantation du dialogue.

Il faut accepter d’aller véritablement au dialogue, en prenant la distance nécessaire entre ses propres intérêts personnels, ses préoccupations et ses émotions et l'intérêt supérieur de la nation. Cette distance-là chacun doit la faire avec beaucoup d'humilité. C'est ce qui permet à la Guinée d'essayer de créer la confiance par ce qu'elle n'existe pas. Notre pays a continué dans la méfiance depuis toujours, mais ce n'est pas comme ça qu'on va continuer à guider. Il y a des réalités aujourd'hui, il faut en tenir compte et tenir compte de l'histoire récente de ce pays.

Le dialogue existe mais c'est peut-être un dialogue de sourds parce-que la crise est là. On se demande bien comment en ressortir…

La crise est entretenue. La réalité est que le dialogue est ouvert, des acteurs politiques participent, d'autres acteurs politiques ne participent pas. Certains se focalisent sur la sémantique que le fond. Mais malgré tout les échanges nous ont permis d'avoir un calendrier, d'avoir un chronogramme, d'avoir le contenu du chronogramme et qu'on est en train de dérouler. Après derrière, la porte du dialogue n'est pas fermée. Aujourd'hui, c'est de dire est-ce que ce qui est proposé comme contenu pour permettre aux Guinéens d'avoir un retour à l'ordre constitutionnel normal, inclusif et accepté, est nécessaire ? Est-ce que dans ces thématiques-là, il y a des choses à ajouter pour faire mieux ? Est-ce qu’il y a des choses qu'on croit être superflues à retrancher ? C'est ça le débat aujourd'hui. Ce n'est plus l'idée de dire il faut discuter de la durée. Il y a toujours des sujets qui nécessitent que les gens se parlent. Ces questions ne sont pas fermées, ce n'est pas un sujet fini, on continuera à discuter, à échanger avec les bonnes volontés. C'est un progrès important. Dans l'histoire récente de notre pays c'est toujours les gouvernements qui refusent le dialogue, qui disent je ne veux pas rencontrer tel acteur politique. J'étais là pour le savoir puisque j'étais dans l'opposition.

Des cadres de votre ancienne famille politique (UFDG) ne sont pas de cet avis monsieur le ministre. Ils disent que même si les accords n'étaient pas respectés, mais Alpha Condé était ouvert à dialogue avec l’opposition…

Personne ne pourra vous dire ça ni à l'UFDG ni à l'ANAD. Ce n'est pas vrai parce que ça, personne ne peut me le dire, j'étais là. Au temps de Alpha Condé on avait la violence. Dès qu'on a parlé de dialogue, la première fois qu'on s'est réunis, on avait des victimes. Il ne faut pas oublier que c'est lors du premier retour de Cellou Dalein ici qu'il y a eu des victimes, il y avait des prisonniers, il y a eu la destruction des biens, mais nous cherchions le dialogue. Quand on nous a accepté d'ouvrir le dialogue, on est venus sans conditions. Et ce dialogue s'est soldé par un compromis qui n'a pas été mis en œuvre. Nous nous sommes battus pour sa mise en œuvre. Il y a eu encore de la violence, les arrestations, les destructions des biens. Difficilement, ils ont accepté d'ouvrir encore le dialogue. Là aussi on est également revenus à ce dialogue-là. Il y a eu encore un compromis qui n'a pas été suivi d'effet.

Là (la transition, ndlr) au tout début, il n'y avait aucune victime, ni destruction de biens, ni refus. On a dit venez au dialogue. Ils disent on ne vient pas. Ça, c'est une différence fondamentale qu'il faut noter quand-même. Personne ne va dire le contraire de ça. Il n'y avait aucune victime, ni prisonnier, ni destruction de biens. On a dit venez au dialogue, ils disent qu'ils ne viennent pas parce que c'est une concertation, ce n'est pas un dialogue. On préférait discuter de ces sémantiques que de prendre de la hauteur et d'être présent autour de la table. Ça c'est un constat. Donc, que quelqu'un ne vienne pas me dire qu'au temps d'Alpha Condé, c'était facile. Ce n'est pas vrai. Nous sommes tous des Guinéens. L'histoire récente de notre pays ne vous laissez pas conter ça parce que vous étiez ici.

Aujourd'hui, encore une fois, le Gouvernement dit venez au dialogue. Si ce que nous proposons ne vous convienne pas, ce que vous proposez ne nous convienne pas, mais maintenant venez autour de la table, exposons nos idées et une synthèse en résultera. Lorsqu'il y a eu la demande de contribution des partis politiques, tout le monde y compris l'ANAD a écrit.  Mais qu'est-ce que l’ANAD a fait ? Le dernier jour qu'on devait recevoir les contributions ouvertes depuis plus d'un mois, c'est au dernier jour à 19 heures que l'UFDG est venue au nom de l'ANAD déposer sa contribution. J'étais là et sa contribution a été examinée jusqu'à 4 heures du matin. Et c'est venue s'ajouter à près de 1900 contributions différentes qui sont arrivées. Donc, personne ne devait s'attendre à ce que sa lecture puisse être retrouvée intégralement à l'intérieur.

Ce qui était clair, les thématiques étaient les mêmes : durée de la transition, contenu, constitution, institutions législatives, processus électoral. C'était ça qui était dedans. On a repris les thématiques là, on a tiré les conséquences, on a fait des synthèses qu'on a proposées aux Guinéens. Ce qui a donné lieu à la charte. Et après les gens viennent dire : moi j'avais proposé 15 mois vous avez pris 36. C'est normal parce qu’à côté de vos 15 mois, il y en a qui ont proposé 24, 50, d'autres 30, 10. C'est ce qu'on a reçu. C'est s'il n'y avait pas surtout de durée que ça allait être un problème. Mais lorsqu'il y a une durée, peut-être que ce n'était pas votre proposition mais c'est la proposition du voisin. Acceptez le dialogue.

D’après vous cette crise est entretenue par qui et dans quel intérêt ?

Je ne vais pas rentrer dans ça. Ceux qui entretiennent des crises ou pas, ça les regarde. Ce que nous disons, c'est qu'il y a une possibilité de sortir de cette situation si les gens acceptent de se mettre autour de la table pour l'intérêt de ce pays. C'est tout.

A suivre…

Interview réalisée par Diallo Boubacar 1

Pour Africaguinee.com

Tel : (00224) 655 311 112

Créé le 12 août 2022 20:26

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