Institution du prix de référence applicable à la vente de la bauxite : « Les avantages pour la Guinée… », selon Dr Lamine Dieng

Dr Lamine Dieng

CONAKRY-Le 27 juillet dernier, le Gouvernement a annoncé aux compagnies minières présentes en Guinée, l’institution d’un prix de référence applicable à la vente de la bauxite. L’arrêté conjoint a été signé par les Ministres des Mines, du Budget et de l'Économie et des Finances.


Selon les autorités guinéennes, le prix de référence de la bauxite est une approche simplifiée des prix de transfert, pour les exportations de la bauxite brute. Il s’applique aux transactions entre -sociétés liées et entre sociétés guinéennes et sociétés localisées dans un État ou territoire étranger- dont le régime fiscal est privilégié.

Quelles sont les avantages de cette uniformisation ? La Guinée dispose-t-elle de moyens efficaces pour faire adhérer les compagnies minières à cette décision ? Africaguinee.com a interrogé un spécialiste des Mines. Il s'agit de Dr. Lamine M Dieng, chercheur et consultant dans le secteur minier et financier.

AFRICAGUINEE.COM: Dans un arrêté conjoint signé les Ministères des Mines, du Budget et de l'Économie et des Finances, le Gouvernement de transition a institué le prix de référence applicable à la vente de la bauxite. Comment analysez-vous cette décision ?

DR LAMINE M DIENG : Je pense que l'idée principale derrière la fixation du prix de référence de la bauxite en Guinée est d'envergure internationale. Les nouvelles autorités, à leur tête le Colonel Mamadi Doumbouya, ont compris cette non linéarité, -je dirai d'ailleurs cette anarchie- au niveau du prix de vente ou de transfert de la bauxite en République de Guinée. Il était nécessaire d'harmoniser ce prix, baliser cette non linéarité, créer ce qu'on appelle une structure universelle en République de Guinée. N'oubliez pas que c'est nous qui sommes à la source de l’exploitation de cette bauxite. Pour que l'Etat puisse générer des revenus substantiels qui doivent aller au trésor guinéen, il fallait aller vers cette réforme. Donc, le but fondamental c'est de renflouer les caisses de l'Etat, faire accroître les revenus de l'Etat pour que la Guinée puisse en bénéficier de son exploitation liée à la bauxite.

Nous avons commencé à exploiter la bauxite depuis 1973. A date, la Guinée n'arrive toujours pas à cerner les contours de cette exploitation bauxitique et par conséquent, cela a généré pas mal d'activités de fuite de revenus. La création effectivement de ce prix référentiel de bauxite en République de Guinée ira dans le sens de faire croître les revenus de l'Etat. (…) C'est nous qui subissons de plein fouet cette exploitation minière. Donc, il est important aussi qu'il y ait une adéquation entre l'exploitation minière et les revenus générés par le gouvernement guinéen.

Vous dites que la création de ce prix référentiel de la bauxite met fin à l'anarchie dans le secteur. Comment ?

Dans le passé, il y a eu des compagnies minières ici qui ont annoncé la vente de la bauxite même à 12 USD par tonne métrique. D'autres ont aussi annoncé des prix différents. Donc, vous voyez ce qu'on appelle cette non linéarité. Il serait important de mettre tout cela en place pour sortir un prix, le plus faible d'ailleurs pour que ces compagnies minières puissent accompagner le gouvernement guinéen. Vous savez, il y a des redevances qui sont payées à l'Etat. Ce sont les taxes liées à l'extraction des minerais, à l'exportation des minerais. Il y aussi les différentes participations de l'Etat dans les différents projets miniers.  Toutes ces activités sont liées au prix de la bauxite.

Déjà au niveau de l'ANAIM (l'Agence Nationale d'Aménagement des Infrastructures Minières), il y avait l'idée de créer ce qu'on appelle l'index de la bauxite guinéenne. Et qui parle d'index de la bauxite doit parler nécessairement du prix, la teneur en alumine et certains résidus qui entrent dans la bauxite.  Parce que quand on parle de bauxite, l'une des questions fondamentales qu'on pose, c'est le ratio de la silice et de l'alumine. Ce sont deux composantes de la bauxite qui sont très importantes. L'autre volet aussi qui est important dans cette création de l'index, c'est l'extraction du minerai. Bien-entendu quand le minerai est extrait, il est exporté. Donc ces paramètres et d'autres sont très importants pour essayer de créer une structure.

Je pense que le prix référentiel permettra aussi de mettre de l’ordre dans le secteur. Mais tout dépendra de la volonté de l'Etat d'accompagner l'idée et de l’appliquer en fonction des textes qui existent, surtout le Code Minier et le Code Général des Impôts. Vous savez dans le Code Minier, nous avons des articles qui parlent des redevances sur les quantités de minerais extraits et exportés. En se basant sur les outils légaux que nous disposons comme le Code Minier, je pense la Guinée pourrait pallier ce problème et uniformiser les prix pour que les compagnies minières puissent vendre au prix sur lequel la Guinée s'est appesantie pour sortir une uniformité au niveau des compagnies minières. 

Dans la démarche, comment le calcul se fera-t-il pour déterminer le prix référentiel applicable à la vente de la bauxite ?

La fixation du prix est très simple. L'ANAIM avait procédé par la manière suivante. Dans le Code Minier il y a ce qu'on appelle les taxes liées à l'extraction et à l'exportation. Il y a une teneur de référence qui est dedans. De l'autre côté sur le marché chinois, vous n'êtes pas sans savoir que 80% de la bauxite guinéenne sont exportés vers ce pays. Et il y a l'index de la bauxite chinoise pour les raffineurs de la bauxite en alumine. Si vous prenez le marché chinois, il y a des paramètres de base de référence. C'est-à-dire la concentration en silice, le taux d'humidité qui est accepté et la concentration en alumine.

Là-bas (Chine), la concentration la plus faible, qui est la concentration de référence en alumine est de 50% d'alumine. Dans le Code Minier guinéen c'est 40%. Donc à partir de ces deux valeurs, le calcul peut être effectué, sortir un prix de référence sans déduire les frais liés à l'exploitation minière. Donc, cela est une possibilité aujourd'hui en Guinée. Les calculs sont là et on peut le faire pour avoir une harmonie au niveau du prix de la bauxite en République de Guinée.

A vous entendre, notre pays doit s'approprier de l'index de la bauxite chinoise pour fixer son prix ?

Il faut qu'il y ait des références. Ce n'est pas nous qui achetons la bauxite, nous produisons. Il faut qu'on se base sur les standards internationaux des acheteurs pour essayer de s'accommoder à ces paramètres-là. A partir de là, faire sortir le prix de référence de la bauxite qui est acceptée chez nous en Guinée, acceptée par les acheteurs de bauxite qui sont chez nous. C'est l'idée fondamentale. Et, on a les textes légaux sur lesquels il faut se baser.

D'ailleurs les compagnies minières paient les redevances en fonction de ces textes en Guinée, avec une teneur de référence la plus faible acceptée par ces compagnies minières qu'on appelle la taxe à l'extraction et à l'exportation. Ces deux taxes combinées sont appelées les royalties. En faisait la liaison avec le marché chinois, on peut facilement faire l'équation et sortir ce qu'on appelle le prix de référence de la bauxite qui est acceptée par les partenaires.

Après uniformisation, à combien pourrait-on estimer les retombées économiques dans les assiettes de l'Etat ?

Le gros problème en Guinée est celui lié à la gouvernance minière. Le secteur minier apporte beaucoup à l'économie guinéenne. C'est pourquoi, il est nécessaire de comprendre ce qui se passe dedans. Avec la création de ce prix de référence, comprendra comment les producteurs de bauxite fonctionnent, l'Etat pourrait renflouer ses caisses. L'Etat pourrait voir ses revenus croître exponentiellement mais cela ne pourrait pas se faire sans qu'il n'y ait cette volonté politique. 

D’après vous comment amener toutes les compagnies minières à adhérer à ce prix de référence applicable à la vente de la bauxite alors que les conventions sont différentes ?

Il faut seulement aller vers l'application des textes de loi. Déjà les sociétés minières ont accepté de payer les redevances en fonction du Code Minier. Bien-entendu sur cette base, l'Etat peut faire valoir ce prix de référence pour qu'il soit accepté par les partenaires miniers. Mais cela ne se fera pas unilatéralement, mais en accord avec les partenaires miniers.

Interview réalisée par Siba Engagé

Pour Africaguinee.com

Tel : (00224) 623 06 56 23

Créé le 8 août 2022 12:49

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