Bah Oury : « Nous devons tous faciliter la tâche au Président Boni Yayi… »

CONAKRY-Réunis en sommet dimanche 3 juillet 2022 à Accra, les dirigeants de la Cedeao (communauté économique des Etat d’Afrique de l’Ouest) ont donné un nouvel ultimatum à la Guinée pour proposer un nouveau calendrier de la transition acceptable.
Comment arracher un consensus avant fin juillet ? Que devrait faire le Gouvernement pour convaincre la Cedeao ? Boni Yayi a-t-il les atouts nécessaires pour désamorcer la crise guinéenne ? Bah Oury, leader de l’URDG livre son analyse dans cet entretien accordé à Africaguinee.com.
AFRICAGUINEE.COM : Quelle lecture faites-vous des conclusions issues du sommet des Chefs d’Etat de la Cedeao à Accra ?
BAH OURY : Je salue cette nouvelle dynamique. Je pense que c'est une nouvelle opportunité qui est donnée pour une meilleure coopération entre la CEDEAO particulièrement etles États qui sont dans des transitions politiques.
En ce qui nous (la Guinée, ndlr) concerne, je pense que la période qui s'ouvre sera une période où, il faudrait nécessairement des avancées dans tous les domaines en ce concerne la clarification d'une feuille de route de la transition. Il faut mettre en avant la nécessité absolue pour les Guinéens d'avoir un processus politique qui permet de corriger les graves dysfonctionnements hérités du passé, cela passe par des réformes.
Et pour cela, il faut s'armer de courage, de pédagogie et de persuasion pour faire comprendre et faire accepter à la CEDEAO les réformes indispensables dont la Guinée a besoin pour parfaire une véritable transition politique qui va augurer de perspectives meilleures pour l'avenir.
Selon vous qu’est-ce qui a bien pu peser pour éviter à la Guinée de sanctions supplémentaires ?
Il y a des concours qui convergent. Il y a l'action diplomatique, bien entendu des autorités guinéennes, il y a aussi la compréhension de la nouvelle réalité des pays en transition par la plupart des Chefs d'Etats. Ces deux situations les ont amenés à faire preuve de flexibilité et d'avoir une lecture beaucoup plus détaillée.
Et à ce niveau, il faut saluer l'esprit du Président Faure Gnassimbé qui s'est mobilisé ces dernières semaines à amener certains de ces collègues chefs d'états de la CEDEAO à atténuer dans une certaine mesure leur raideur par rapport à certaines transitions, notamment par rapport au Mali.
Vous avez vu aussi que les Présidents Mohamed Bazoun et Alhassane Ouattara se sont retrouvés pour évoquer l'ensemble des questions concernant les transitions en Afrique de l'ouest. C'est une approche globale, qui permet d'émerger un autre type de leadership qui prend en compte les réalités. Je pense que notre pays doit prendre en compte cette nouvelle avancée pour être en phase avec cette nouvelle évolution.
A votre avis que dois faire le Gouvernement pour arriver à trouver un consensus sur un nouveau chronogramme avant l'expiration de ce nouvel ultimatum ?
Je pense qu'il faut être clair entre nous Guinéens. Le régime de monsieur Alpha Condé est derrière nous. Les méthodes qui ont prévalu à cette époque ne sont plus de mise. Il faudrait que le langage politique soit clair, franc et qu'on ne tourne pas autour du pot.
L'intérêt national, l’intérêt ou général, la nécessité d'avoir une transition efficace, et également le fait de ne pas répéter les erreurs de 2009, 2010 doivent être des principaux axes qui doivent guider nos actions. De ce point de vue, il faudrait qu'il y ait la clarté, la détermination et la fermeté pour mener à bout ce programme correctement parce qu'il y va de l'avenir de notre pays.
Par ailleurs, il y a d'autres questions qui ne sont pas évoquées ouvertement mais qui sont en train de passer pour les principaux points de friction et de clivage. C'est la question de la Cour de Répression des Infractions Économiques et Financières. De ce point de vue, il faut qu'il y ait la clarté. Nous ne pouvons pas dire que nous voulons une bonne gouvernance sans pour autant clarifier les actions du passé. Parce que sinon on risque de sacrifier l'avenir de la Guinée.
Tous les acteurs doivent, de ce point de vue assumer en toute clarté leur responsabilité et être clairs par rapport à ça. Si ceci est fait, je pense que le reste du problème, les questions de calendrier, il est possible de trouver un point de consensus parce que fondamentalement, nous voulons tous que la Guinée aille de l'avant dans la plus grande stabilité.
L'ex Président Thomas Boni Yayi a été désigné médiateur de la crise. Que pensez-vous de ce choix ?
D'abord, je salue le fait que M. Ibn Chambas se soit retiré de la mission qui lui a été confiée précédemment. C'est en son honneur par rapport à sa carrière, l'image qu'il incarne. Je crois que c'est mieux que soit comme ça au lieu qu’il y ait de l'entêtement au risque de créer des clivages entre la Guinée et la CEDEAO. Ceci dit, la nomination du Président Thomas Yayi Boni est une autre ouverture. De par son expérience, de par les problèmes qu'il a dû rencontrer, il connaît les problèmes des pays en difficulté avec cette instabilité, ces crises politiques.
Donc, la lecture qu'il pourra faire de la situation guinéenne n'est pas une situation qui lui est étrangère de par l'expérience politique qu'il a de son propre pays qu'est le Benin. Le reste, nous devons tous lui faciliter la tâche et parvenir à faire en sorte que le processus politique en Guinée soit un processus vertueux, convivial et fraternel d'abord entre Guinéens et ensuite avec la CEDEAO, la communauté sous-régionale et internationale.
Comment vous voyez l'arrivée de Umaru Sissoco Emball à la tête de la conférence des chefs d'états de la CEDEAO ?
Je salue l'arrivée de Monsieur le Président Embalo à la tête de la conférence des chefs d'état de la CEDEAO. Parce qu'il apporte, au-delà de la Présidence de la CEDEAO, de l'air frais, le pragmatisme, l'expérience qu'il a accumulée et aussi un sens concret des problèmes. Il n'est pas du genre à tourner autour du pot. Je pense qu'il sera franc, direct, efficace. Ce qui permettrait à la CEDEAO, dans un contexte troublé, d'avoir une dynamique beaucoup plus forte que l'équipe de monsieur Jean-Claude Kassi Brou a imprimé ces dernières années.
Est-ce que son tempérament fougueux ne constitue pas un handicap pour lui ?
Au contraire, ça permettra de donner plus de dynamisme à l'organisation qui n’assume pas correctement son travail. Par exemple, en ce qui concerne les questions sécuritaires, ce qui est le plus urgent aujourd'hui, c'est de rendre opérationnel les mesures permettant de faire la force d'attente de la CEDEAO une force opérationnelle. Vous ne pouvez pas exiger du Burkina Faso un calendrier qui ne prend pas en compte la question sécuritaire. Il faudrait que nécessairement, la CEDEAO assume ses responsabilités en ce qui concerne la protection de l'intégrité des territoires et de la souveraineté des États comme le Mali, Burkina, Niger etc.
Il faudrait que la dynamique de paix et de stabilisation l'emporte sur ce qui est simplement des attitudes un peu cérémoniales. Le Président Embalo a ce charisme, cette expérience de pays en situation instable. Comme vous le savez, la conférence des Chefs d'Etats de la CEDEAO c'est une collégialité, les tempéraments des uns et des autres vont être compensés mutuellement pour avoir une meilleure ligne d'action qui permettra de prendre en compte les attentes et les espoirs des peuples ouest-africains. C’est ce que nous souhaitons.
Siddy Koundara Diallo
Pour Africaguinee.com
Créé le 4 juillet 2022 17:28Nous vous proposons aussi
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