Droit de transport des produits miniers, Simandou : l’activiste Amadou Bah soulève des zones d’ombre…

Amadou Bah

CONAKRY-En Guinée, le Gouvernement de transition a annoncé une décision concernant l’exercice par l’État du droit de transport des produits miniers. Conformément aux dispositions de l’Article 137 du Code minier, l’État guinéen a décidé d’exercer le droit de transport maritime de 50% de la production de toutes les sociétés minières en phase de production et d’exportation.


Le Gouvernement précise que l’État exercera ce droit soit directement, soit par l’intermédiaire de toute autre entité agissant en son nom. Concernant, l’exercice par l’État du droit de commercialisation et du droit de préemption et conformément aux dispositions de l’Article 138-I du code minier, l’État va poursuivre l’exercice de son droit de commercialisation à travers la SOGUIPAMI avec les sociétés dans lesquelles il détient des participations au capital. Ce droit de commercialisation sera exercé avec effet rétroactif, pour les sociétés minières en production mais, dont les cessions d’action en faveur de l’État ne sont pas encore faites.

Quelles conséquences cette décision peut-elle avoir sur l’activité minière ? Quels sont les avantages de cette décision ? Amadou Bah, secrétaire exécutif de l’ONG Action Mines, revient sur les contours de cette décision et de ses impacts. Dans cet entretien, cet acteur de la société civile revient également sur le récent accord-cadre signé entre l’Etat guinéen, Winning Consortium Simandou et Rio Tinto.

AFRICAGUINEE.COM :  l’État a décidé d’exercer le droit de transport maritime de 50% de la production de toutes les sociétés minières en phase de production et d’exportation. Selon vous quelles sont les implications de cette décision ?

AMADOU BAH : Ce sont les dispositions du code minier qui sont en train d'être appliquées. Dans cette application, certaines prérogatives reviennent à la Société guinéenne du patrimoine minier (SOGUIPAMI). Cette société est chargée de gérer le portefeuille de l'Etat, la commercialisation du minerai, de faire la recherche minière, de développer des nouveaux partenariats et en fin de renforcer les capacités des ressources humaines dans le secteur minier. Il est donc prévu que la SOGUIPAMI soit celle qui commercialise la part de l'Etat dans le cadre des projets miniers. Selon son dernier rapport, la SOGUIPAMI a 14 sociétés où elle gère les actifs de l'Etat. Il s'agit des sociétés bauxitiques et aurifères.

Est-ce que cela veut dire que pendant toutes les années passées cette disposition n'était pas appliquée ? 

Cette disposition n'était appliquée parce que la SOGUIPAMI n'était pas entrée en plein régime. De ce fait, la Guinée a perdu des ressources. L'avantage d'assurer cette commercialisation, ce que cela va permettre d'accroître les revenus de l'Etat. Parce qu'en ayant une société de transport de minerais, cela va permettre à l'Etat de contrôler une bonne partie de la structure du prix du minerais à l'international. Dans cette chaîne, il y a une bonne partie qui est le fret maritime qui est un élément déterminent du prix. Donc, si la Guinée parvient à créer et à gérer une société de transport de minerais et transporte une bonne partie du minerai, ça lui permet de savoir quels sont les taux appliqués à l'international et cela va permettre à la Guinée de savoir si les taux de fret maritime déclarés par les entreprises dans le cadre du transport des minerais sont fiables. Cela va nous permettre de contrôler les prix du transport.

On note également que cette disposition sera exercée avec un effet rétroactif. Ça veut dire quoi ?

Il s'agit de prendre en compte les années passées. L'Etat va trouver une entente avec les sociétés qui seront obligées de tenir compte de la commercialisation de tout ce qui s'est passé antérieurement et de verser la part de l'Etat. Maintenant le hic pour le transport, est de savoir c'est avec quelle compagnie de transport maritime l'Etat guinéen va signer un contrat. Parce qu'à date, l'Etat guinéen n'a pas une société de transport qui a la logistique nécessaire pour pouvoir faire ce travail. Ensuite, il faut déterminer ce qui reviendrait à l'Etat, à l'entreprise. Pour combien d'années ? Quelles seront les modalités et paramètres techniques du contrat ? Tout ça doit être défini.

Est-ce que l'Etat a suffisamment des moyens pour comprendre quelle est la valeur du montant que ces sociétés minières lui restent devoir ?

A mon avis l'Etat a les moyens de savoir cela parce que les sociétés déclarent chaque année le volume de leur exportation. A travers ces déclarations, on peut le savoir. Même dans les rapports ITIE (initiative pour la transparence dans les industries extractives) les sociétés déclarent tout. A travers aussi le bulletin des statistiques du Ministère des Mines et de la Géologie, on a les données sur les exportations. Ces données se retrouvent également au niveau du cordon douanier. A travers toutes ces archives, on peut comprendre.

Mais en principe l'Etat devrait être plus explicite sur la modalité qui consiste à appliquer la rétroactivité. Je pense qu'on doit avoir un autre communiqué ou une note technique du département explicitant comment cela doit se faire et sur quelle base, dans quelle condition cette disposition sera appliquée.

Au niveau de la société civile vous pensez que c'est une bonne décision ? 

Je pense que ça permet à l'Etat de réaffirmer sa souveraineté sur les ressources naturelles de notre pays, mais aussi à remettre la Guinée dans la chaîne d'approvisionnement mondiale de Bauxite. On ne soit pas seulement être un pays où on vient creuser, on transporte et on exporte puis on revend à des raffineries. Nous devons être un pays qui, non seulement a des parts dans les sociétés, mais aussi qui a des parts dans le transport. Ça permet de renforcer la position stratégique de la Guinée en matière de production de la Bauxite, du fer ou encore d'autres minerais. L’application de cette mesure permet en un mot à l'Etat guinéen de peser lourd sur le marché international et d’accroître ses revenus. Parce qu'aujourd'hui, c'est inadmissible avec un volume exportation de 87 millions de tonnes de bauxite en 2020 et quelques 12 mille kg d'or, qu'on nous dise que la Guinée n'a pas un milliard de dollar de revenus. Donc, intégrer la chaîne de transport va permettre à accroître les revenus qui tournent actuellement aux alentours de 500 et quelques millions de dollars par an. 

Le gouvernement guinéen et ses deux partenaires (Winning Consortium Simandou et Rio Tinto) dans le Simandou ont signé un accord qu'on qualifie d'historique. Comment l'analysez-vous ? 

C'est un accord cadre qui définit les contours de la collaboration et de la construction des infrastructures sur le Simandou. C'est un accord à mon avis s'il est mis en œuvre tel qu’il est défini, va accélérer la mise sur le marché international du minerai de fer de Simandou. 

Est-ce que cet accord est mieux avantageux que celui qui avait été signé sous Alpha Condé ? 

Il n'y avait pas d'accord de base en tant que tel. Il y avait eu des conventions de base signées entre l'Etat guinéen et les deux entreprises, maintenant c'est une fusion. La nouveauté, ce que c'est l'Etat qui revient avec une part d'actifs de 15% dans le projet notamment au niveau des infrastructures. L'autre nouveauté, c'est la possibilité de créer une entreprise qui va gérer les infrastructures ferroviaire et portuaire où l'Etat guinéen va jouer un rôle important.

Ici, la particularité est que les deux entreprises vont ensemble mobiliser les fonds, chacune des entreprises va réaliser une partie des infrastructures. Selon l'accord, à ce jour Rio Tinto va construire un chemin de fer qui va rallier le chemin de fer que Winning consortium Simandou est en train de construire, elle va construire également un port en eau profonde où un port à part comme actuellement Winning consortium est en train de faire à Moribayah (Forécariah). Donc, chacune des entreprises va débourser de l'argent pour faire ses travaux.

La question qu'on se pose c'est : quel est le plan de financement de ces entreprises ? Quel est le coût réel de ces entreprises ? Quel est le rythme d'amortissement de ces infrastructures dans les 35 ans ? et comment la cogestion et la co-exploitation vont-elles se faire ? On sait que c'est l'Etat qui va se porter garant de la cogestion. Mais comment la co-utilisation des infrastructures va se faire ? Tout ceci constitue des éléments à répondre dans les futures négociations sur les aspects techniques de l'accord. Parce l'accord est global, il y a encore des défis au niveau des négociations techniques.

Oumar Bady Diallo

Pour Africaguinee.com

Créé le 3 avril 2022 13:59

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