Crise ukrainienne : « Nous sommes abandonnés ici… », alerte la communauté guinéenne…

C’est un cri de cœur que vient de lancer la communauté guinéenne vivant en Ukraine. Alors que la menace d’une invasion russe sur l’Ukraine se fait de plus en plus sentir, Alpha Yaya Baldé, guinéen vivant à Odessa tire sur la sonnette d’alarme.
Dans une interview exclusive accordée à Africaguinee.com, M. Baldé est revenu sur le quotidien des guinéens depuis le début de cette crise politique. Ce jeune guinéen a profité également de l’occasion pour lancer un appel à l’endroit des autorités de Conakry. Exclusivité Africaguinee.com !
AFRICAGUINEE.COM : Vous vivez en Ukraine depuis plusieurs années, comment la communauté guinéenne vit cette crise entre Moscou et Kiev ?
ALPHA YAYA BALDE : Il est vrai que les risques d’une guerre pèsent ici mais nous sommes habitués à ça depuis 2014. Cette fois-ci le risque est élevé. Nous Sommes là à regarder ce qui se passe comme tout le monde. C'est juste qu’il y a une crise économique due au conflit. Dans ma ville ici se trouve la plus grande communauté guinéenne. Nous sommes bien organisés. Les inquiétudes varient selon la position géographique de tout un chacun ; mais la partie où nous vivons n’est pas trop risquée. Les nouvelles de l’invasion nous parviennent tous les jours à distance.
Qu’est-ce qui a concrètement changé dans votre quotidien depuis que cette menace d’invasion russe plane sur l’Ukraine ?
Franchement c'est pas facile. Moi je suis dans le business de vente en ligne. Il y a une dégringolade du marché, une inflation galopante, le taux de change varie tous les jours , le dollar se vendait à 26 grivna(monnaie locale, Ndlr), avec la crise c’est monté jusqu'à 30 grivna. Les prix de tous les produits ont grimé avec la majoration des factures d'électricité, de gaz et d’eau. Pour le moment c'est à l'Est qu'il y a la guerre, dans le Donbass, ici c'est la crise économique qui frappe.
Il y a combien de guinéens en Ukraine ?
Ici à Odessa, il peut y avoir entre 200 et 300 guinéens. La communauté guinéenne varie entre 300 et 350 personnes. Les guinéens sont représentés majoritairement dans 4 villes, Kiev, Odessa, karkov et dnioro. Mais Odessa regorge la plus grande communauté.
Est-ce que les autorités ukrainiennes tentent parfois de vous rassurer malgré le risque d’invasion que vous-même vous avez qualifié de très élevé ?
Bien sûr, les infos et les messages de sensibilisation passent en boucle. Ici il n’y a pas de grande panique, en tout cas visible.
Avez-vous reçu des messages des autorités de Conakry ou de votre représentation diplomatique ?
Non pour le moment. Notre consulat est même fermé depuis 1 an. La représentation est encore là mais ils ne peuvent pas faire d’activités reconnues parce que le consulat est fermé. Nous n’avons même pas quelqu’un vers qui nous tourner. Les gens souffrent ici énormément, même pour les passeports. Ici même les camerounais sont mieux traités que nous. L'unique chose qui sauve les guinéens c'est notre parfaite organisation. Nous sommes la communauté la mieux organisée parmi tous les africains. C'est nous qui sommes la référence ici pour la communauté africaine, malgré des hauts et des bas (…).
Qu’est-ce qui a prévalu à la fermeture du Consulat de Guinée en Ukraine ?
Il y a eu un problème de correspondance qui a conduit à la fermeture du consulat guinéen ? Nous relevons de l’ambassade de Guinée à Moscou, ici c’est un consulat honoraire que nous avions. Avec la crise entre l’Ukraine et la Russie, les autorités ukrainiennes ont envoyé un courrier au consultât guinéen dans lequel ils ont dit qu’ils ne reconnaissent plus la Russie, tout consulat qui est sous autorité de Moscou doit changer de tutelle. Le consulat guinéen de l’Ukraine a balancé cette lettre à Moscou qui est restée sans suite. Plus d’un mois, après l’Ukraine est revenu vers le consulat de Guinée pour demander des comptes, finalement ils ont dit comme vous refusez de répondre à notre appel nous fermons votre consulat. Ils ne se sont pas limités là, ils ont retiré les plaques des véhicules du consulat. L’information a été remontée à l’ambassade de Moscou, les autorités ukrainiennes exigent à ce que la Guinée change de tutelle pour se lier avec un pays qui compose avec eux soit la Turquie ou un autre un pays qui n’est pas la Russie. Nous avons fait une demande pour que nous soyons sous tutelle de la Turquie mais ça traine encore. Nous attendons une lettre d’accréditation de l’ambassade de Guinée, nous sommes abandonnés ici par l’État. Nous ne pouvons même pas faire la prorogation d’un passeport. Aujourd’hui un guinéen qui veut rentrer au pays ne peut pas le faire sans passeport. Même un laissez-passer nous ne pouvons pas trouver. Tout le monde a les yeux rivés sur la Turquie sans savoir si elle va réagir.
Est-ce qu’il y a des guinéens qui se sont déplacés des zones à haut risque pour des villes comme Odessa par exemple ?
A ma connaissance non ! En 2014 oui certains avaient préféré quitter les zones jugées très risquées. Mais vous savez ces zones sont infréquentables. Les menaces c’est preque tous les jours.
Quelles sont les principales activités des guinéens vivants en Ukraine ?
Ici, les guinéens en dehors des étudiants, les gens sont dans la restauration, les ventes en ligne dans la langue française, anglaise ; d'autres sont dans le bâtiment ( maçonnerie, peinture, manœuvres….). Il y en a aussi qui sont dans le business. Mais la galère est ressentie partout, c’est une question de survie actuellement.
L’Ukraine est au centre des débats actuellement, expliquez-nous comment est la partie pro-russe de l’Ukraine ?
Ce qu’il faut savoir c’est que l’Ukraine est divisée en deux grandes parties. Une partie russophone qui s'étend de l'est jusqu'au sud-Est. C’est par exemple nous ici. On est dans une zone où c'est le russe qui est parlé, malgré que le Gouvernement de Kiev a introduit l’ukrainien comme langue officielle mais rares sont eux qui parlent l’ukrainien.
Il y a ensuite la partie Ukrainephone qui s'étend du centre à l'ouest. Ils parlent Ukrainien mais tous comprennent aussi russe. L'ouest c'est cette partie proche de la Pologne. Il y a une partie nationaliste appelée extrême droite. ils sont des fous, ils détestent les russophones et ne veulent même pas les voir. C’est ce qui fait que ces dernières années il y a une société nationaliste au sein de la population de cette partie du pays qui se sépare de tout symbole russe.
Merci à vous M. Baldé !
Merci à vous pour ce que vous faites, surtout pour les guinéens de l’étranger.
Alpha Ousmane Bah(AOB)
Pour africaguinee.com
Tel.(+224) 664 93 45 45
Créé le 22 février 2022 13:12Nous vous proposons aussi
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